Témoignage

À Colmar, l’imagerie garde le cap tant bien que mal

Dans la région Grand-Est, l’hôpital Albert-Schweitzer de Colmar se prépare à l’arrivée irrémédiable du pic épidémique de COVID-19. Le service d’imagerie a refondu son organisation pour faire face l’afflux de patients. Si les agents restent soudés, l’inquiétude est palpable, témoigne le chef de service Michel Schmitt.

Le 18/03/20 à 16:00, mise à jour aujourd'hui à 14:07 Lecture 7min.

L'hôpital Albert-Schweitzer de Colmar compte actuellement près de 100 lits occupés par des patients COVID+. D. R.

En France, la région Grand-Est est l’une des zones les plus durement touchées par le coronavirus, notamment le département du Haut-Rhin, épicentre de propagation du SARS-CoV-2. En cause, un rassemblement religieux d’environ 2 000 personnes qui s’est tenu à Mulhouse, fin février. « Des personnes étaient infectées sans le savoir et elles ont contaminé des gens de la région, des soignants, mais aussi des personnes de Guyane, de PACA, de Corse, qui ont ensuite transmis le virus en rentrant dans leur région. Il y a donc eu un noyau de diffusion à partir de Mulhouse. Nous avons eu trop rapidement trop de malades pour les places disponibles », explique Michel Schmitt, chef du département d’imagerie médicale de l’hôpital Albert-Schweitzer à Colmar, à 40 km de Mulhouse.

Tous les lits sont occupés

À Colmar, deux hôpitaux prennent en charge les malades dépistés positifs au COVID-19. L’hôpital Albert-Schweitzer compte deux unités de 24 lits de patients jeunes et 48 lits de patients âgés. Quant à l’hôpital Pasteur, il dénombre 150 lits. « Tous ces lits sont occupés actuellement par des patients COVID+, indique Michel Schmitt. Pour les personnes âgées en réanimation, la prise en charge est difficile vu le manque de matériel et la situation du service. Ils sont souvent en soins standards avec pas mal de décès. Les personnes plus jeunes sont soit en réanimation, soit en suivi médicalisé non réanimatoire, pour le moment. »

Branle-bas de combat en imagerie

L’hôpital Albert-Schweitzer accueille des patients infectés depuis 3 semaines. Lorsque les premiers malades sont arrivés, le service d’imagerie a revu totalement son organisation. « Il a fallu tout réorganiser en quelques jours, arrêter toutes les consultations externes, téléphoner à tous les patients pour annuler les examens, changer le mode de travail, vider toutes les salles, tout désinfecter avant l’accueil des patients COVID+ », décrit Michel Schmitt.

Des équipes séparées pour éviter les contaminations

Pour protéger les professionnels, le service d’imagerie a mis en place des équipes distinctes : « Notre souci était de préserver les personnels autant que possible et limiter les risques de contagion. Nous avons donc monté une équipe du matin et une équipe de l’après-midi avec des manips, des médecins, des secrétaires et des aides-soignants. Les deux équipes ne se rencontrent pas. Chacun nettoie son local en arrivant et en partant », détaille le chef de service.

« Tout le monde est atteint »

Le service d’imagerie compte 10 radiologues, 28 manipulateurs, deux aides-soignants et 12 secrétaires. Pour l’instant, aucun cas avéré de COVID-19 n’est à déplorer chez les agents : « Nous avons eu des personnels contact. Ils sont en prophylaxie mais ils travaillent toujours. Pour le moment, nous n’avons pas de maladie déclarée au niveau des agents du service. De toute façon, on ne fait plus de test. Comme on est en niveau 3 de l’épidémie, on suppose que tout le monde est atteint. Et puis même si on fait un test qui est négatif un jour, il peut être positif le lendemain. Sauf à tester les soignants tous les jours, ça ne servira pas à grand-chose. »

Le scanner tourne à plein régime

Le service d’imagerie s’est réorganisé autour du scanner, avec un planning de vacations dédiées : « Le matin, on fait les patients fragiles, les immunodéprimés, les gériatriques non infectés. Entre 12 heures et 14 heures, on fait les pneumopathies a priori non COVID. L’après-midi, on fait les patients COVID+. Et en fin de journée, on fait les patients COVID+ surinfectés avec des mesures d’hygiène très strictes entre chaque patient. » À partir de 18 h 30 et jusqu’au lendemain matin, 8 heures, le scanner est dédié aux urgences.

Protection et nettoyage systématiques

Pour la vacation de scanner des patients COVID+, le personnel revêt une tenue composée d’une charlotte, d’un masque chirurgical, des lunettes, d’une surblouse étanche, d’un tablier plastique et de gants. « Entre chaque patient COVID+, on change le tablier plastique et la paire de gants, et on fait un bionettoyage de toutes les zones contact patient. Lors du changement d’équipe, il y a en plus un nettoyage du sol et des murs », précise Magali Vizzari, la cadre du service d’imagerie.

D. R.

Ça se passe bien, chacun s’investit et il y a beaucoup d’entraide, constate Michel Schmitt. D. R.

Les équipes se préparent pour la tempête

À Colmar, l’éventualité d’une pénurie de matériel de protection donne des sueurs froides aux professionnels. « C’est un peu notre stress, confie Michel Schmitt. Nous sommes approvisionnés régulièrement, donc pour le moment il n’y a pas de manque. Mais nous sommes en flux tendu, nous n’avons du stock que pour deux jours. » Selon les prévisions des épidémiologistes, le pic de COVID-19 devrait être atteint d’ici 3 à 4 semaines dans la région Grand-Est : « J’ai tendance à le croire car tout ce que les épidémiologistes nous ont dit jusqu’à maintenant s’est produit, quasiment à l’heure près », témoigne Michel Schmitt.

« Il faut tout le temps rassurer »

Le service d’imagerie organise deux réunions quotidiennes pour écouter les agents, faire un point, donner les dernières nouvelles : « Ça se passe bien, chacun s’investit et il y a beaucoup d’entraide, constate le chef de service. On va tout dans le même sens, l’ambiance est bonne mais on sent que c’est fragile. Il faut tout le temps rassurer. Certains agents nous font part de leurs inquiétudes, d’autres non, mais on voit qu’ils n’ont pas leur comportement habituel. »

« Si on doit en faire davantage, on en fera davantage »

Tous les jours, de nouveaux patients COVID+ arrivent à l’hôpital de Colmar : « Si on doit en faire davantage, on en fera davantage, on travaillera plus la nuit. La radiologie doit être facilitatrice, on s’adaptera », assure le chef de service. À une situation déjà tendue s’ajoute l’éventuel surplus des patients de ville. En effet, l’équipe de l’hôpital expliquait avoir appris hier matin que deux gros cabinets de ville auraient fermé à Colmar, par manque de masques et par inquiétude du personnel. « Je ne sais pas ce que cela va représenter en termes de surplus d’activité, s’inquiète Michel Schmitt. J’avais proposé aux cabinets de ville qu’ils prennent toute la patho non infectée, et nous les urgences et les COVID, mais là on est un peu perdus. On ne sait pas comment on va gérer. » (Cette information sur la fermeture de cabinets à Colmar a fait l’objet d’une rectification le 19 mars, voir notre encadré ci-dessous NDLR).

Les soignants à l’heure du choix

Alors que le pic épidémique n’est pas encore atteint, à Colmar, les soignants ont déjà dû faire des choix : « Les urgentistes et réanimateurs se démènent pour s’adapter. Mais en réanimation, il y a 15 respirateurs pour 20 patients, alors on branche 15 patients », soupire Michel Schmitt. Le salut pourrait-il venir de l’installation d’un hôpital de campagne de l’armée en Alsace, annoncée par le président de la République le 16 mars ? Pour le chef de service, l’idée est bonne, encore faut-il y mettre les moyens : « On ne sait pas où il sera ; on ne sait pas quand et on ne sait pas combien de lits il y aura. L’idéal serait d’ouvrir un gros hôpital COVID qui regroupe tout et où on irait travailler. Cela désaturerait les autres services qui pourraient reprendre leurs activités normales. »

L’armée en renfort

Dans l’attente de cet hôpital militaire, l’armée a d’ores et déjà été mise à contribution pour soulager la région Grand-Est. Ce matin, six patients COVID+ hospitalisés à Mulhouse et à Colmar ont été transférés par avion militaire vers les hôpitaux des armées Laveran (Marseille) et Saint-Anne (Toulon), annonce la ministre des armées Florence Parly sur son compte Twitter.

[contenu_encadre img= » » titre= »Rectificatif » auteur= »C. F. » legende= » » credit= » »]Le 19 mars, le cabinet d’imagerie médicale du Vignoble à Colmar a souhaité apporté une rectification concernant une information publiée dans notre article sur la fermeture des cabinets de ville évoquée par le service d’imagerie de l’hôpital Albert-Schweitzer. La radiologue libérale Valérie Wildy nous a informé que le cabinet d’imagerie du Vignoble « est ouvert et n’a jamais été fermé », et qu’un service minimum a été mis en place depuis le 17 mars. Quant au cabinet Bartholdi, après une journée de fermeture le 18 mars due à des difficultés d’organisation, il a rouvert le 19 mars à 8h après avoir reçu des masques. Il propose désormais « une activité réduite au minimum, permettant d’accueillir les urgences ». L’hôpital Albert-Schweitzer a été informé aujourd’hui par mail de cette réouverture.

Dans un mail du 18 mars, le Conseil départemental du Haut-Rhin de l’Ordre des médecins rappelait aux médecins libéraux le principe de l’article R.4127-47 du code de la santé publique : ‘’Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée…’’[/contenu_encadre]

Auteurs

Carla Ferrand

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