Structure libérale de radiologie interventionnelle

« Nous n’avions pas de modèle car personne d’autre n’avait fait ça auparavant »

L’Institut de radiologie interventionnelle des Savoie (IRIS) est une structure libérale consacrée à 100 % à l’interventionnel. Alexandre Nérot, radiologue interventionnel et cocréateur du projet, explique les raisons de ce choix d’activité et les avantages qu’il y a trouvé.

Aujourd'hui à 7:00, mise à jour aujourd'hui à 16:32 Lecture 5 min.

« Il y a une grosse démarche de faire comprendre aux gens ce qu’est la radiologie interventionnelle, parce que nous sommes les seuls accessibles en direct », témoigne Alexandre Nérot. DR

Docteur Imago / Pourquoi avoir créé un groupe libéral entièrement dédié à l’interventionnel ?

Alexandre Nérot / Nous voulions créer une démarche nouvelle. Notre vision est que la radiologie diagnostique et la radiologie interventionnelle sont deux spécialités très différentes et souvent difficiles à adapter dans l’organisation d’un service. La radiologie interventionnelle demande de pouvoir répondre à des consultations en urgence, de devoir gérer parfois les patients de la veille. Cela ne fonctionne pas à la vacation, parce que quand on prend en charge des gens au bloc opératoire, c’est une responsabilité médicale, mais aussi humaine. Il faut être capable d’assurer le suivi, prévoir les soins à domicile, remplir des documents, répondre aux questions du patient… Ce sont des choses qui sont difficiles à mettre en œuvre dans un groupe classique de diagnostic et cela engendre parfois des frictions. Notre objectif était donc de faire uniquement de l’interventionnel.

D. I. / Comment est né votre projet à l’échelle locale ?

A. N. / Il y avait deux groupes de radiologues essentiellement diagnostiques dans notre région. Nous avions discuté de notre projet avec eux, et ils nous ont confirmé que l’activité interventionnelle les désorganisait, qu’ils avaient du mal à y répondre de manière qualitative. Ils ne faisaient pas de gros gestes nécessitant une autorisation d’activité en radiologie interventionnelle avancée à l’époque, car cela demande une organisation bien spécifique. Nous avons donc commencé à créer notre activité à deux en 2023, indépendamment des autres groupes locaux qui continuaient leur activité diagnostique principale.

D. I. / Sur quels sites exercez-vous ?

A. N. / Mon collègue et moi exerçons dans notre cabinet à Argonay, près d’Annecy (74). Nous exerçons aussi dans les cliniques de la région où nous louons des blocs opératoires. Cela ressemble beaucoup au modèle chirurgical finalement. Nous gardons également une activité à l’hôpital. Pour démarrer notre activité libérale, nous n’avions pas de modèle car personne d’autre n’avait fait ça auparavant. Il a fallu défricher énormément de choses : sur la qualité de nos comptes rendus, la qualité des suivis, la qualité des ordonnances, avoir des process qui soient parfaits pour chaque geste, et travailler sur les cotations pour que ce soit une activité dont on peut vivre.

D. I. / Pourquoi avoir choisi cette configuration d’activité ?

A. N. / Je suis parti de l’hôpital car il y avait des problèmes d’organisation et de délais. Si vous aviez une sciatique, et qu’il vous fallait une infiltration épidurale, on vous donnait plusieurs mois de délai. Ça nous rendait fous. On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose. Actuellement, nous répondons aux demandes de biopsies très rapidement, dans la semaine, et ça modifie complètement la prise en charge des patients oncologiques dans notre région. Les oncologues nous avouent que nous avons modifié leur quotidien. En plus de ça, nous sommes présents à toutes les réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) d’oncologie. Nous faisons des embolisations, des thermo-ablations, des cimentoplasties… Tous ces gestes qui ne sont d’habitude pas faits en libéral parce qu’ils sont difficiles à organiser. Certains gestes peuvent être faits par des chirurgiens et nous venons proposer une alternative spécialisée qui, à mon avis, est bénéfique pour les patients.

D. I. / Comment vous sont adressés les patients ?

A. N. / Certains patients nous contactent directement parce qu’ils ont entendu parler de nous. Ils nous découvrent sur Internet et prennent rendez-vous sur notre Doctolib. Cela nous a permis d’avoir des process et des filières rapides. Nous avons un délai de moins d’un mois pour le bloc. Nous avons pu développer énormément l’embolisation articulaire, qui est une technique nouvelle. Nous faisons partie des gros centres français sur cette technique, alors que nous ne sommes pas un centre hospitalier universitaire (CHU). Certains patients nous sont adressés car nous avons un domaine d’expertise qui est reconnu par nos correspondants.

D. I. / Comment s’organise votre activité en cabinet de ville ?

A. N. / Nous faisons principalement des microbiopsies et des infiltrations. Nous n’avons pas de manipulateurs radio au cabinet parce que c’est un lieu de consultation, nous faisons des petits gestes sous échographie et nous sommes autonomes sur nos gestes. Nous pratiquons les infiltrations d’une façon très différente de la plupart des centres. Nous voyons les patients en consultation. On reprend tous les examens avec eux, on rediscute de l’indication, on refait éventuellement un examen clinique. Cela permet de changer l’indication assez souvent. Les infiltrations sont demandées par des orthopédistes qui savent exactement ce qu’ils veulent, mais parfois elles sont demandées par des médecins moins expérimentés. Du coup, je pense qu’on a un rôle à jouer qui n’est pas simplement un rôle de « porte-aiguille ». Notre objectif est de remettre de l’expertise dans ce geste. Les patients comprennent pourquoi ils sont là, et cela les fait participer beaucoup plus à la compréhension de leur pathologie et du traitement.

D. I. / Les patients qui viennent dans votre cabinet sont-ils familiarisés avec votre discipline ?

A. N. / Il y a une grosse démarche de faire comprendre aux gens ce qu’est la radiologie interventionnelle, parce que nous sommes les seuls accessibles en direct, alors que d’habitude la radiologie interventionnelle est en seconde ligne, derrière d’autres médecins. C’était important de montrer que nous sommes des spécialistes, que l’on voit les gens en consultation, qu’on leur fait des ordonnances et que nous assurons leur suivi. On nous adresse donc de plus en plus de patients. Notre seule différence par rapport à d’autres radiologues interventionnels est de nous rendre disponibles. On ne fait pas de gestes plus incroyables que d’autres personnes de notre spécialité. Nous avons juste pignon sur rue.

D. I. / Quels sont vos objectifs pour les mois et les années à venir ?

A. N. / Notre objectif est de développer notre activité pour pouvoir répondre un peu plus aux demandes, et éventuellement recruter d’autres radiologues qui auraient envie de se lancer. Notre projet va probablement créer des émules. Beaucoup de gens m’appellent pour savoir ce que nous faisons. Nous pourrions peut-être aider d’autres personnes à faire pareil ailleurs.

Auteurs

Carla Ferrand

Journaliste cheffe de rubrique

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