Retour d’expérience

Les leçons du plan blanc à l’hôpital Saint-Antoine

Le 13 novembre 2015, les attentats survenus à Paris et à Saint-Denis ont déclenché la mise en action du plan blanc au sein des établissements de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. L’hôpital Saint-Antoine était en première ligne. Retour d’expérience avec Yves Menu, chef de service de l'unité d'imagerie.

Le 18/01/17 à 8:00, mise à jour aujourd'hui à 14:15 Lecture 4 min.

« Il y a eu une immense solidarité au sein de l’équipe », se félicite Yves Menu, chef de service de l'unité d'imagerie de l'hôpital Saint-Antoine © C. F.

La nuit du 13 novembre 2015, les professionnels des hôpitaux parisiens ont dû faire face à un afflux massif de blessés. Pour coordonner les services de secours et de soins, l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a activé le plan blanc, une liste définie à l’avance de procédures à appliquer dans de telles situations. À l’hôpital Saint-Antoine, l’unité d’imagerie médicale a accueilli des dizaines de patients pendant la nuit. La prise en charge s’est, dans l’ensemble, bien déroulée, estime Yves Menu, le chef du service : « Nous avons organisé un Comité de retour d’expérience (CREX) pour analyser le plan blanc, explique-t-il. Au niveau du service d’imagerie, l’un des aspects très importants qui ressort est la mobilisation spontanée des professionnels. À Saint-Antoine, il n’a pas été nécessaire d’appeler qui que ce soit, car les gens se sont spontanément organisés pour venir. Il y a eu une immense solidarité au sein de l’équipe. » De quoi compenser une faille importante dans les documents du plan blanc. « C’est plutôt une bonne chose que nous n’ayons pas eu à réquisitionner de personnel car la liste de contacts n’était pas à jour, reconnaît Yves Menu. Par exemple, la personne qui était censée organiser la réponse en imagerie ne travaillait plus dans l’hôpital. »

Le PACS à la traîne

L’analyse de la mise en œuvre du plan Blanc a fait ressortir les points positifs et les défauts de l’organisation des établissements hospitaliers parisiens, mis en lumière les succès, les lacunes et les améliorations nécessaires. L’une d’elles concerne l’informatique, un outil essentiel qui a présenté des faiblesses au moment fatidique. « Le PACS a été sujet à un ralentissement majeur, lié au fait que l’administration profite de la nuit pour faire des transferts d’informations. Ce problème était déjà observé depuis plusieurs mois et je l’avais signalé. Il se produisait toutes les nuits, entre 3 heures et 5 heures du matin. La nuit du 13 novembre, nous avons enchaîné les scanners mais les chirurgiens n’avaient pas accès aux images alors qu’ils opéraient des patients qui avaient une balle dans le thorax », déplore le radiologue. Depuis, l’hôpital a saisi l’ampleur du problème et fait le nécessaire pour améliorer le flux informatique.

Une organisation globalement efficace

Passé ce désagrément informatique, la prise en charge des victimes a été efficace grâce à des personnels très impliqués et à des équipements utilisés à bon escient, assure Yves Menu. « Nous n’avons eu aucun problème sur la qualité et la quantité des équipements, ni sur les personnels médicaux et non médicaux. Les urgentistes ont fait un très gros travail pour répartir les patients, avec l’aide des chirurgiens et des médecins. Les scanners ont été réalisés les uns après les autres, sans trop d’attente et avec une bonne priorisation en fonction des urgences. » En temps normal, un seul scanner fonctionne la nuit, et trois manipulateurs sont présents dans le service. Le 13 novembre, en quelques minutes le nombre de manips disponibles est monté à dix. Cela a permis d’ouvrir le deuxième scanner et de renforcer l’équipe de radiologie conventionnelle. « Ce n’est pas tellement une question de ressources matérielles, car nous avons vu qu’avec deux scanners, de la radio et un peu d’échographie, ça tenait la route. Nous avons les équipements qu’il faut pour faire face, mais il faut les ouvrir et il faut des gens pour les faire fonctionner », analyse Yves Menu.

Les qualités humaines des équipes

Lorsqu’il fait le bilan de cette situation sans précédent, le chef de service retient surtout les qualités humaines des équipes. « Si on avait eu besoin de trente chirurgiens, on en aurait eu trente. Les équipes hospitalières sont très impliquées dans leur métier et pour leurs semblables », apprécie-t-il. Pour la mise en place de l’équipe paramédicale, les manipulateurs se sont contactés directement. « Ils se sont arrangés pour venir à l’hôpital en covoiturage C’était une organisation spontanée et j’ai pris ça comme le témoignage d’une équipe qui a le sens du travail en commun. D’autant qu’ils ne se sont pas appelés au hasard ; ils se sont organisés en fonction des compétences de chacun. »

L’importance de la polyvalence des manipulateurs

En effet, les deux scanners du service d’imagerie de Saint-Antoine sont de marques différentes et présentent des subtilités de fonctionnement non négligeables dans un tel contexte d’urgence. « Nous étions bien contents que, dans l’équipe, il y ait des gens qui sachent faire marcher les deux appareils, rapporte Yves Menu. Les interfaces sont différentes, donc ça ne s’improvise pas. Tout cela prend du sens quand on est confronté à l’urgence. » Ce constat le conforte dans l’idée qu’il faut maintenir la polyvalence des manipulateurs. « Quand on est en période normale, il faut organiser des formations, insiste-t-il. On ne peut pas réduire l’équipe au point de plus pouvoir se le permettre. La mise en œuvre du plan blanc a permis à l’administration de mieux comprendre ces nécessités. Depuis, quand on parle de formations internes, on a une oreille un peu plus attentive. » Aujourd’hui, le quotidien a repris son cours à l’hôpital Saint-Antoine, mais les évènements ont laissé leur empreinte. « Derrière les sourires il y a une certaine gravité, note Yves Menu. En même temps, cela a accru l’estime mutuelle entre les gens. Il y a beaucoup de motivation, de détermination, d’initiatives. »

Auteurs

Carla Ferrand

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