Docteur Imago / Début 2017, l’UNCAM a décidé de baisser les tarifs de certains actes réalisés par les radiologues, pour opérer notamment des économies, provoquant le mécontentement des radiologues. Qu’en pensez-vous ?
Marine Le Pen / L’imagerie médicale a, pendant de nombreuses années, accompagné les mesures d’économies de dépenses de santé. Cet accompagnement médicalisé a permis des économies conséquentes qui font de la spécialité d’imagerie médicale un modèle de responsabilité. Il me paraît dès lors injustifié que certains actes relevant de cette seule spécialité soient affectés par des baisses tarifaires.
D. I. / Le taux d’équipement en IRM en France ainsi que les délais d’attente pour passer un tel examen inquiètent les professionnels de santé en imagerie médicale. Le système d’autorisation pour les équipements lourds en imagerie médicale doit-il évoluer, dans son concept même et/ou son application ?
M. L. P. / Je suis très attachée à une offre d’imagerie médicale diagnostique et interventionnelle de qualité dans tous les territoires de notre nation. L’IRM fait partie intégrante des modalités indispensables aujourd’hui dans la prise en charge des patients. Elle s’est imposée comme un moyen diagnostic incontournable. Il convient dès lors d’en faciliter le déploiement, notamment en faisant respecter par les ARS les préceptes des plans de prise en charge des patients, notamment pour le cancer. S’agissant de la méthodologie des autorisations d’équipements lourds, la spécialité de radiologie et imagerie médicale a montré, au travers des G4 régionaux, et des URML, sa capacité à dialoguer avec les ARS pour un déploiement constructif et équilibré des équipements. Ce système me paraît donc fonctionner et peut éventuellement être amélioré à la suite de concertations entre les différents acteurs. Je considère qu’il faut également amplifier la valeur de la démarche d’autorisation en lui donnant valeur de contrat et, par suite, d’honorer le tarif sur la base duquel l’autorisation a été donnée pendant toute la durée de l’amortissement des équipements lourds.
D. I. / Les radiologues souffrent, comme les autres médecins, d’une pénurie démographique. Comptez-vous agir pour pallier ce problème ?
M. L. P. / La radiologie et l’imagerie médicale souffrent, comme toutes les autres spécialités, d’une politique absurde d’un numerus clausus totalement inadapté à la gestion des besoins en renouvellement humain du corpus professionnel. J’ai à plusieurs reprises indiqué que je relèverai fortement ce numerus clausus, en le rendant compatible avec les besoins de renouvellement du corps médical, et notamment des médecins spécialistes. Je considère que les représentants de la spécialité, notamment le G4, ont un rôle essentiel à jouer dans les travaux de mise en adéquation de la formation avec les besoins. Je m’engage pour ma part à mettre les moyens nécessaires à disposition des universités pour permettre la formation des effectifs adéquats dans toutes les spécialités.
D. I. / La loi créant les groupements hospitaliers de territoire prévoit une mutualisation des moyens techniques et humains en imagerie médicale. Cela va-t-il dans le bon sens ?
M. L. P. / Je souhaite un équilibre des pouvoirs dans les GHT permettant de motiver et mobiliser la radiologie libérale dans le service des besoins locaux. Considérant que la grande majorité des médecins spécialistes en radiologie et imagerie médicale sont dans le secteur libéral et, pour l’essentiel d’entre eux, en secteur 1 conventionnel, je suis très favorable à encourager par tous les moyens nécessaires les coopérations prévues à l’article L 61 22–15 du Code de la Santé publique favorisant la création de plateaux d’imagerie mutualisés. Ces coopérations peuvent s’entendre sous différentes formes, la plus à même, à mon sens, de garantir un fonctionnement optimal de ces structures étant un partenariat public-privé paritaire.
D. I. / 47 % des postes de radiologues exerçant à l’hôpital ne sont pas pourvus, d’après plusieurs représentants de la profession. Comment imaginez-vous agir pour garder les professionnels dans le secteur public ?
M. L. P. / Les carrières hospitalières doivent être revalorisées, cela concerne bien sur également les médecins radiologues. Je considère qu’il faut d’abord augmenter le nombre des médecins formés pour garantir la pérennisation des postes hospitaliers, mais aussi garantir la complémentarité des secteurs public et libéral. Je considère ensuite qu’il faut faciliter les carrières mixtes, de médecins passant d’un secteur (public) à l’autre (libéral) au cours de leur carrière. À très court terme, les médecins retraités doivent être mobilisés pour pallier la pénurie, en lieu et place des médecins étrangers. Je mettrai en place des déductions de charges pour tout médecin radiologue libéral ou hospitalier public retraité reprenant du service hospitalier public, jusqu’à ce que ma politique de recomposition des effectifs médicaux nationaux porte ses fruits.
D. I. / Les médecins libéraux critiquent la mise en place du système de tiers payant généralisé. Comment voyez-vous leur place dans le système de santé ?
M. L. P. / Beaucoup de cabinets de groupe de radiologie m’ont fait savoir qu’ils pratiquent le tiers payant depuis plus de 15 ans à leur grande satisfaction. La mesure est juste compte tenu des coûts élevés de certains actes d’imagerie. L’incitation me paraît être le meilleur moyen d’aider les cabinets moins dotés à se tourner vers cette formule. Pour ce qui est des cabinets de ville, je supprimerai le caractère obligatoire du tiers payant généralisé, qui devra être demandé par le patient pour être appliqué, lorsque sa situation personnelle le justifie.
D. I. / La radiologie interventionnelle fait l’objet de nombreuses avancées en termes de traitement mini-invasif pour les patients. D’un autre côté, les radiologues déplorent le manque de remboursement dans cette spécialité. Favoriserez-vous le développement de cette discipline ? Avec les radiologues ?
M. L. P. / Je veux encourager la recherche nationale dans le domaine des traitements interventionnels qui contribuent au développement des soins ambulatoires et revaloriser leurs tarifs à la mesure des améliorations de soins assurées, ainsi que des économies de traitement entraînées. Je suis bien sûr favorable à développer cette discipline avec les représentants de la spécialité.
D. I. / L’article 99 de la loi de santé prévoit une possibilité pour l’UNCAM de décider unilatéralement les tarifs en imagerie lourde, en court-circuitant le conventionnement négocié avec les professionnels concernés. Qu’en pensez-vous ?
M. L. P. / Il me paraît navrant qu’un article rompant le principe d’une négociation conventionnelle ait pu être voté à l’encontre des seules spécialités d’imagerie médicale. Je m’engage à abroger l’article 99 introduit par la LFSS2017 et à garantir une stabilité des tarifs permettant l’opérabilité des équipements d’imagerie pour la durée de leur amortissement.
D. I. / Le décret d’actes des manipulateurs en électroradiologie médicale prévoit la délégation possible de l’échographie par les médecins. Cela doit-il être encouragé ? Dans quel but ?
M. L. P. / Toute délégation d’actes doit être à mon sens élaborée avec la plus grande attention entre les délégataires et les récipiendaires des tâches concernées afin d’assurer la continuation d’un service de qualité aux patients. Je considère que, si les représentants des médecins radiologues et des manipulateurs s’entendent sur des transferts, ils doivent être encouragés par le gouvernement notamment parce qu’ils peuvent contribuer à réduire les délais de prise en charge des patients, et je me suis engagée en ce sens dans mon projet, pour une meilleure coopération entre les différentes professions de santé.
D. I. / Souhaitez-vous rajouter quelque chose ?
M. L. P. / Je me suis déjà prononcée à plusieurs reprises pour une stabilité tarifaire permettant de garantir l’opérabilité des équipements. Une approche similaire est envisageable pour les tarifs médicaux. Je considère que, dans la mesure où votre spécialité assume des transferts d’indications et (sous contrôle d’un organisme indépendant) démontre que de tels transferts s’opèrent effectivement, tout devrait être fait pour accompagner cette démarche qualitative. De plus, dans le cadre d’une telle substitution, les économies apportées par la réalisation d’actes plus performants ou moins invasifs, mais nécessairement plus économiques doivent être réattribuées majoritairement vers les professionnels qui favorisent ou accompagnent une telle démarche. Une fongibilité des enveloppes financières entre la ville et l’hôpital dans le cadre de coopérations fonctionnelles et équilibrées entre des partenaires publics et privés s’engageant dans une telle démarche devrait donc être mise en place.
Sur la téléradiologie, garantir à tous les patients sur tout le territoire un accès égal à un avis spécialisé de haut niveau est un engagement fort de ma campagne pour la justice sociale. Bien qu’il faille faire face à une urgence de résolution du manque de médecins de votre spécialité, il m’apparaît essentiel de ne pas considérer la téléradiologie comme une alternative, mais bien comme un accompagnement.
Par conséquent, cette offre doit être encadrée, et le modèle de charte que le conseil professionnel de la radiologie a mis en place avec le soutien du conseil national de l’ordre des médecins, garantissant la lecture d’examen d’imagerie par des médecins formés conformément au standard de qualité médical français me paraît essentiel. Cette charte, à mon sens, doit donc être opposable à toute activité de téléradiologie.
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