Docteur Imago / Début 2017, l’UNCAM a décidé de baisser les tarifs de certains actes réalisés par les radiologues, pour opérer notamment des économies, provoquant le mécontentement des radiologues. Qu’en pensez-vous ?
François Fillon / La lisibilité tarifaire constitue une garantie de qualité indispensable pour des activités mobilisant des technologies et des savoirs complexes, caractérisés par un devoir permanent d’adaptation. Compte tenu de la situation persistante de déficit très significatif de l’Assurance-maladie, des gains d’efficience doivent être recherchés et le levier tarifaire ne peut évidemment pas être écarté par principe. Mais je m’engage à ce qu’au cours du quinquennat à venir le Gouvernement mette tout en œuvre pour restaurer un échange véritable avec les professionnels. Ils sont les mieux placés, dans une logique de contractualisation, pour identifier les leviers de gains d’efficience à actionner.
D. I. / Le taux d’équipement en IRM en France ainsi que les délais d’attente pour passer un tel examen inquiètent les professionnels de santé en imagerie médicale. Le système d’autorisation pour les équipements lourds en imagerie médicale doit-il évoluer, dans son concept même et/ou son application ?
F. F. / C’est une des erreurs lourdes de la politique menée depuis 2012 que d’avoir fait porter l’essentiel de l’ajustement budgétaire sur les dépenses d’avenir comme l’investissement. Je veux rompre avec cette logique qui menace l’avenir de notre système de santé, comme l’a d’ailleurs montré la Cour des comptes dans ses travaux récents sur l’imagerie. Pour permettre à la France de rattraper son retard dans l’accessibilité aux IRM, je suis prêt à examiner toutes les options (y compris la révision du système des autorisations) avec les professionnels concernés.
D. I. / Les radiologues souffrent, comme les autres médecins, d’une pénurie démographique. Comptez-vous agir pour pallier ce problème ?
F. F. / Tous ensemble, nous devons sortir des postures et nous rassembler pour adapter notre système de protection sociale aux nouvelles réalités économiques et sociales, tout en préservant ses principes fondateurs. Le premier de ces principes est celui de l’accessibilité. La République doit être en mesure de garantir, pour tous nos concitoyens où qu’ils soient sur notre territoire, l’accessibilité aux soins dans les meilleures conditions possibles. La situation est alarmante, dans de nombreux territoires de l’Hexagone, mais aussi de l’Outre-Mer.
L’absence de décisions depuis 2012 sur l’organisation du système impose de prendre des mesures d’urgence de lutte contre la désertification médicale.
Nous améliorerons le maillage médical du territoire en développant maisons médicales et structures de petites urgences. Nous franchirons un saut quantitatif et qualitatif dans la logique de soutien à l’installation dans les zones où les praticiens sont en nombre insuffisant.
Nous encouragerons les stages de formation dans ces zones en agissant à la fois auprès des maîtres de stage et sur la rémunération des futurs médecins qui y effectuent leur stage.
Une nouvelle étape doit également être franchie pour inciter au partage de compétence entre professionnels de santé.
Je propose, enfin, un déverrouillage, dès 2017, du modèle économique des activités de télémédecine, téléconsultation et télé-expertise. Ce sera un signal très tangible d’accompagnement de la révolution du numérique en santé. La téléradiologie, dont nous connaissons tout l’intérêt notamment en termes d’accessibilité des soins, trouvera donc, enfin, un modèle économique stable et lisible pour se développer.
D. I. / La loi créant les groupements hospitaliers de territoire prévoit une mutualisation des moyens techniques et humains en imagerie médicale. Cela va-t-il dans le bon sens ?
F. F. / Il faut impérativement sortir de la logique de cloisonnement et de fermeture qui prévaut depuis 2012.
Les plateaux mutualisés d’imagerie doivent, dans cet esprit, être considérés comme un outil précieux et utile pour atteindre cet objectif et non comme une finalité en soi. Ces plateaux ont, en particulier, vocation à renforcer l’accessibilité à l’imagerie sur le territoire. Nous devrons aussi favoriser des formes plus souples d’exercice partagé entre la ville et l’hôpital.
Cet esprit d’ouverture et de coopération s’incarne notamment dans ma proposition de transformer les actuels groupements hospitaliers de territoire (GHT) en groupements de santé de territoire (GST) afin que les professionnels libéraux et les établissements privés puissent y trouver toute leur place, alors qu’ils en sont aujourd’hui écartés.
D. I. / 47 % des postes de radiologues exerçant à l’hôpital ne sont pas pourvus, d’après plusieurs représentants de la profession. Comment imaginez-vous agir pour garder les professionnels dans le secteur public ?
F. F. / Les superpositions successives de normes législatives et réglementaires ont considérablement rigidifié l’exercice médical à l’hôpital. La situation actuelle est devenue absurde : ces normes sont aujourd’hui très largement illisibles et incompréhensibles pour les professionnels eux-mêmes.
Notre système est devenu aujourd’hui incapable de valoriser les professionnels qui s’engagent de manière philosophique et volontariste pour l’hôpital, il est aussi incapable de répondre à des problématiques aiguës d’attractivité de l’exercice médical hospitalier dans certains territoires et dans certaines disciplines, comme effectivement la radiologie.
Cette situation est peu propice à l’innovation scientifique et au déploiement de perspectives de carrière attractives. La montée de ce sentiment de découragement constitue un motif majeur d’inquiétude pour l’avenir du service public hospitalier.
Je ferai donc du soutien à l’attractivité de l’exercice médical pour le service public hospitalier une priorité du quinquennat. Les pistes d’action possibles sont nombreuses et je propose une revalorisation de la rémunération des professionnels qui s’engagent pour l’hôpital grâce à un cadre de gestion assoupli pour les établissements, source de gains d’efficience dont une partie devra être redistribuée sous forme de gains de pouvoir d’achat pour les professionnels.
D. I. / Les médecins libéraux critiquent la mise en place du système de tiers payant généralisé. Comment voyez-vous leur place dans le système de santé ?
F. F. / J’ai pris l’engagement de mettre fin à l’obligation du tiers payant généralisé et obligatoire. Celui-ci donne aux Français la dangereuse illusion que la santé est gratuite. Il risque de générer une inflation non justifiée du volume d’actes médicaux. Cette mesure est aussi le symbole de la logique de renforcement de la bureaucratisation du système qui a prévalu depuis 2012.
Face à l’exaspération des professionnels, le pouvoir socialiste a presque systématiquement pris le parti de la défiance et fait le choix d’options centralisatrices et bureaucratiques.
Je propose une approche exactement inverse en faisant résolument le choix de la confiance. Cette autonomie laissée aux professionnels s’exprimera aussi bien vis-à-vis de la médecine de proximité que des professionnels exerçant en établissement ; elle impactera l’organisation générale du système. Je veux proposer un cap clair pour redonner des perspectives d’avenir ambitieuses à toutes celles et tous ceux qui s’engagent pour la santé et l’autonomie de nos concitoyens.
D. I. / La radiologie interventionnelle fait l’objet de nombreuses avancées en termes de traitement mini-invasif pour les patients. D’un autre côté, les radiologues déplorent le manque de remboursement dans cette spécialité. Favoriserez-vous le développement de cette discipline ? Avec les radiologues ?
F. F. / Je veux libérer l’innovation médicale et thérapeutique. La radiologie interventionnelle est clairement l’un de ces domaines à la pointe des progrès de la médecine. Nous devrons donc effectivement définir des modalités tarifaires encourageant ces innovations et, ici encore, je ferai le choix du dialogue avec les professionnels.
D. I. / L’article 99 de la loi de santé prévoit une possibilité pour l’UNCAM de décider unilatéralement les tarifs en imagerie lourde, en court-circuitant le conventionnement négocié avec les professionnels concernés. Qu’en pensez-vous ?
F. F. / Nous ne pouvons plus nous permettre de pratiquer une politique de rabot budgétaire qui empêche toute stratégie d’anticipation des professionnels. C’est pourquoi je propose, tout à l’inverse, une stratégie globale de retour à l’équilibre de l’Assurance maladie reposant sur 20 Md€ d’économies lisibles et documentées sur la durée du quinquennat. Et c’est avec les professionnels et non contre eux que je conduirai les réformes nécessaires.
D. I. / Le décret d’actes des manipulateurs en électroradiologie médicale prévoit la délégation possible de l’échographie par les médecins. Cela doit-il être encouragé ? Dans quel but ?
F. F. / Je crois au renforcement des partages de compétence entre professionnels de santé. C’est un moyen de répondre au manque de médecins que connaissent certaines spécialités, notamment dans le domaine de l’imagerie. Des expériences intéressantes de partages de compétences ont déjà été conduites sur le terrain. Ici encore, les évolutions éventuelles doivent se construire avec l’ensemble des acteurs concernés.
D. I. / Souhaitez-vous rajouter quelque chose ?
F. F. / Je souhaite dire que pour réussir la modernisation de notre système de santé, je m’appuierai sur les idées et l’engagement de tous ses acteurs, car je suis convaincu que la réforme ne réussira que si elle est portée par eux. J’organiserai donc les États généraux de la santé fin 2017/début 2018 pour arrêter définitivement les mesures de modernisation de notre système de santé solidaire.
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