La pénurie des radiologues constatée, il reste à en déterminer les raisons. La plus « évidente » serait d’ordre politique : les écoles de médecine ne formeraient pas assez de jeunes radiologues. Le numerus clausus des étudiants en médecine – et probablement le nombre d’internes en imagerie médicale – ont baissé des années quatre-vingt au début des années deux mille. La pyramide des âges en témoigne. Elle montre une nette diminution du contingent de médecins de moins de 45 ans entre 1990 et 2010 [1]. Depuis une dizaine d’années, l’effectif des internes en imagerie remonte. Le nombre de places disponibles aux épreuves nationales classantes est passé de 166 à 276 entre 2010 et 2016. Pour autant, estime Jean-Philippe Masson, président de la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR), cela « ne suffira pas à compenser les départs en retraite » qui vont s’accentuer dans les prochaines années. Les projections de la DREES [2] annoncent une baisse des effectifs, qui ne s’inversera qu’en 2029.
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Des spécialisations chronophages et des besoins accrus
Le nombre de professionnels ne fait pas tout. Pour le Conseil professionnel de la radiologie française (G4), qui a édité son livre blanc [3], le « problème démographique » tient aussi à l’évolution des pratiques. Le radiologue d’aujourd’hui s’oriente vers une spécialisation d’organe, intervient aux urgences et en pédiatrie. Il participe à des réunions de concertation pluridisciplinaires en cancérologie et multiplie les actes de radiologie interventionnelle. Autant de pratiques plus « chronophages » que l’imagerie « classique ». De même, le développement de l’imagerie en coupe, « avec une multiplication du nombre d’images générées par examen » se traduit par un « accroissement du temps d’interprétation ». Si le nombre et la densité de radiologues augmentent légèrement, l’effectif ne suffit donc plus à couvrir les besoins des patients, selon le G4. D’autant que ces derniers augmentent avec le vieillissement de la population.
Un changement de mentalité chez les jeunes générations
À ces causes « techniques », le livre blanc ajoute des facteurs d’ordre « sociétal ». « Les nouvelles générations de médecins aspirent à pratiquer des plages horaires moins contraignantes, voire à travailler à temps partiel […] afin de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle », expliquent ses auteurs. Ils invitent d’ailleurs à raisonner en « temps de radiologie disponible » mis à disposition de la population plutôt qu’en effectif de médecins pour évaluer les besoins en radiologues.
La qualité de vie et le salaire vident les hôpitaux
« Les jeunes médecins sont attentifs au projet qu’on leur propose et aussi à la qualité de vie », confirme Michel Claudon, directeur de la conférence nationale des présidents de commission médicale d’établissement (CME) des CHU. Une mentalité qui peut expliquer pourquoi les radiologues boudent l’hôpital au profit de l’exercice libéral. D’après le rapport de la Cour des comptes sur l’imagerie médicale [4], les différences de revenus et « les contraintes plus fortes qui pèsent sur le secteur hospitalier », comme la participation à la permanence des soins et les horaires à rallonge, sont les principaux facteurs d’éloignement.
L’offre de proximité souffre de la baisse des forfaits techniques
Associée aux lacunes démographiques, la recherche de la qualité de vie inciterait aussi les libéraux à privilégier la capitale et les zones plus « attractives » comme les Alpes-Maritimes, et à mal se répartir sur le territoire. Jean-Philippe Masson y ajoute une justification économique. « Il y a des petits cabinets qui ne s’en sortent plus financièrement à cause de toutes les baisses de tarifs de ces dernières années. Environ 120 ont fermé depuis sept ans », affirme-t-il. La question financière forcerait donc les radiologues libéraux à se regrouper au sein de grosses structures pour réaliser des économies d’échelle, réduisant l’offre de proximité. Nous ne disposons pas de données sur l’évolution de la répartition géographique des cabinets qui pourraient étayer ces propos.
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