Jean-Michel Bartoli

« Notre place est aux côtés du patient, pas cachée derrière des écrans »

Radiologue à l’hôpital de la Timone, à Marseille, Jean-Michel Bartoli, est le président de la 65e édition des Journées francophones de radiologie. Pour Docteur Imago, il détaille quelques-uns des grands thèmes de ce cru 2017 placé sous le signe du patient.

Le 29/09/17 à 15:00, mise à jour aujourd'hui à 14:06 Lecture 7 min.

Jean-Michel Bartoli est le président des JFR 2017, une édition qui se concentre sur la relation entre le patient et le radiologue. © C. F.

Docteur Imago / Le patient est le fil conducteur des JFR 2017. Pourquoi ce thème ?

Jean-Michel Bartoli / Le patient est au centre de nos préoccupations. Quelle que soit la pathologie, du prénatal au post mortem, le parcours patient intègre pratiquement toujours la radiologie. Aux JFR, nous sommes entre médecins, manipulateurs, chercheurs, industriels, etc. C’est un lieu de rencontres et d’échanges entre professionnels. Ce qui m’ennuie, c’est qu’il peut nous arriver, dans nos discussions, quand on fait le bilan du congrès, de nous interroger sur ce qu’il nous a apporté à nous, mais pas sur ce qu’il a apporté pour les patients. C’est pourquoi, en tant que président, j’ai souhaité que le thème directeur soit « le patient et son radiologue ». Il s’agit d’amener les participants à se demander systématiquement ce que les innovations et les parcours de recherche apportent au patient.

Docteur Imago / Comment se traduit cette volonté du point de vue de l’organisation ?

J.-M. B. / Le comité d’organisation et moi-même avons souhaité que les associations de patients participent à nos travaux. Nous les avons déjà rencontrées deux fois cette année, en préparation du congrès.

D. I. / Le radiologue d’aujourd’hui est-il plus attentif que par le passé à la relation avec le patient ?

J.-M. B. / Cette relation est primordiale. La profession reconnaît son importance et elle rencontre l’adhésion des plus jeunes. Cela me perturbe quand un patient me dit : « Je suis allé à l’IRM. » Dans les prochaines années, j’espère que je l’entendrai dire : « Je suis allé voir le Dr X qui a réalisé un examen d’IRM. » Les choses évoluent déjà avec l’échographie et la mammographie, où il y a une relation directe, ainsi qu’en radiologie interventionnelle, où la consultation avec le radiologue est obligatoire avant l’acte. Le patient « s’approprie » le radiologue.

D. I. / Comment favoriser cette évolution ?

J.-M. B. / À l’hôpital, il faudrait changer l’architecture des services. Chaque secteur devrait disposer d’un lieu de rencontre individualisé qui permette de discuter pour annoncer le résultat. Il faut aussi faire de la formation ; les jeunes internes le réclament. En outre, j’espère que les progrès de l’intelligence artificielle et les big data vont nous libérer de tâches accessoires qui ne sont pas celles pour lesquelles nous avons été formés, qu’elles nous permettront d’intégrer tout ce temps perdu qui n’est pas de la valeur ajoutée radiologique. Notre place, celle des manipulateurs et des radiologues, elle est aux côtés du patient, en direct, et pas cachée derrière des écrans.

D. I. / Le paradoxe de l’intelligence artificielle est qu’elle peut faire peur, tout en offrant des perspectives de développement très intéressantes pour la profession. Comment l’envisagez-vous ?

J.-M. B. / Est-ce que c’est un cauchemar ou un rêve ? C’est toute la question. Ce que je sais, c’est qu’il est important pour les radiologues de faire de la prospective. Si on ne prend pas en main la portion radiologique de l’intelligence artificielle, nous en serons les otages. C’est à nous de nous imposer. De toute façon, la technologie avance. La question est donc de savoir comment les professionnels de la radiologie vont tirer profit de ces innovations. Il faut les maîtriser, former les plus jeunes et les mettre dans des labos de recherche au contact des industriels. Ces outils doivent devenir une aide pour nous. Il faut se les approprier et participer à leur développement pour que cela nous aide non seulement pour notre précision diagnostique mais aussi pour libérer du temps pour la prise en charge du patient. Nous avons une chance énorme en radiologie, c’est que nous utilisons déjà les outils informatiques toute la journée. Quelle autre spécialité exploite autant que nous les stations de travail, les données numériques ? Nous avons de l’avance à ce niveau et il est hors de question de la perdre.

D. I. / Plusieurs sessions des JFR seront consacrées à la radiologie interventionnelle, un domaine en fort développement et qui suscite les convoitises. Les radiologues sont-ils en concurrence avec les autres spécialités ?

J.-M. B. / Je ne sais pas si on peut appeler ça de la concurrence. Ce qui compte, c’est le patient. Le rôle d’une spécialité comme la nôtre, c’est d’être capable de répondre à la demande en matière d’organisation du système de soins radiologiques et de formation. La radiologie interventionnelle, nous l’avons inventée. Notre travail, c’est donc de continuer à être aussi innovants que nous l’avons été jusqu’à maintenant. Après, que d’autres spécialités s’approprient certains actes, ce n’est pas ma principale préoccupation. De toute façon, on ne peut pas tout faire, il faut être réaliste. Ce qui m’importe, c’est que les radiologues soient bien formés, qu’ils aient un environnement radiologique et des conditions techniques de fonctionnement de qualité pour faire en sorte que les patients soient bien pris en charge.

D. I. / L’imagerie hybride est également au programme de ces JFR. Est-ce que cette technologie pourrait aboutir à une fusion entre la radiologie et la médecine nucléaire ?

J.-M. B. / C’est une question très variable suivant les pays. En France, pour l’instant, la radiologie et la médecine nucléaire restent des spécialités séparées, même si elles partagent souvent à un même pôle d’imagerie. Au niveau de la formation, nous collaborons beaucoup avec les médecins nucléaires. Avec la réforme du troisième cycle, les étudiants pourront en effet suivre des stages couplés dans les deux spécialités. Nous menons de nombreux autres travaux en commun. Par exemple, la SFR et la SFMN ont collaboré à la rédaction du « Guide du bon usage des examens d’imagerie ». Sur le plan hospitalier, nous sommes encore deux spécialités distinctes mais il y a une volonté commune de travailler ensemble, notamment sur l’enseignement et la formation continue.

D. I. / Quelle sera la place des internes durant ces JFR ?

J.-M. B. / Leur place sera énorme. Mon but, en tant que président, était de faire en sorte que ces JFR soient les plus intéressantes et valorisantes pour eux. Le sel du métier, quand on est professeur, c’est de s’occuper des jeunes. Comme chaque année, ils auront un espace dédié, « le salon des juniors », dans lequel ils pourront se retrouver. Ils ont organisé des sessions spécifiques pour eux et ont élaboré leur propre programme. Il y aura aussi, bien sûr, des sessions scientifiques qui leur seront dédiées et des sessions d’interprétations radiologiques. Lors d’une séance, ils pourront présenter leur thèse en 180 secondes. Tous les internes de première année de radiologie, avant même d’avoir commencé le 1er novembre, sont invités par la Société française de radiologie pour venir voir ce que sont les JFR et la radiologie.

D. I. / Les JFR organisent des sessions en espagnol et en anglais. Le fait d’être un congrès francophone est-il un frein à l’international ?

J.-M. B. / Nous sommes des journées francophones et nous le revendiquons. Nos collègues de Belgique, de Suisse, du Maghreb, du Canada, du Liban, d’Asie, d’Afrique noire et d’Amérique latine ont beaucoup de relations avec la radiologie française. La participation des radiologues et des manipulateurs de ces pays est très importante. Nous sommes le deuxième plus gros congrès mondial d’imagerie, avec une masse de visiteurs impressionnante. Nous avions déjà une journée hispanique et nous avons monté cette année un programme anglophone. Des orateurs étrangers vont présenter leurs travaux de recherche et leurs expériences et les confronter à ceux des orateurs français. Cela nous permettra de montrer que les francophones parlent bien anglais mais surtout qu’ils ont des choses très importantes à montrer.

Auteurs

Carla Ferrand

Discussion

2 commentaires

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  1. Marc KredimiIl faudrait que vous insistiez auprès de vos collègues de prendre cinq minutes pour recevoir les patients et leur expliquer l examen qu ils viennent de passer
    Il y a 7 ans

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