Docteur Imago / Combien y a-t-il de radiologues interventionnels en France ?
Hélène Vernhet-Kovacsik / C’est un chiffre compliqué à évaluer. À l’heure actuelle, il est difficile de parler de radiologues interventionnels car ce n’est pas une surspécialité reconnue. De nombreux actes de radiologie interventionnelle sont réalisés partout et par tout le monde. Pour clarifier la situation, nous avons entamé un travail de grande ampleur avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS).
D. I. / Comment procédez-vous ?
H. V.-K. / Nous avons classé les actes interventionnels en trois catégories. Les actes de niveau 1 sont faits par tous les radiologues. En cabinet, il peut s’agir d’une ponction, d’une infiltration, d’insérer une aiguille sous échographie, etc. Dans ce contexte, tous les radiologues sont radiologues interventionnels. Les actes de niveau 2 et 3 sont réalisés en établissement : drainages, destructions tumorales percutanées, poses de voies centrales, etc. 20 à 30 % des radiologues les pratiquent mais on ne connaît pas leur nombre ni leur activité exacte.
D. I. / Quels sont les besoins en effectifs ?
H. V.-K. / L’interventionnel est une activité en augmentation et qui va continuer à se développer. L’objectif de formation est donc d’aboutir à 40 % de radiologues interventionnels sur l’effectif total. Ce ne serait pas une activité exclusivement interventionnelle, mais elle comprendrait la réalisation d’actes de niveau 2 et 3.
D. I. / Cet objectif de 40 % est conséquent. Pourrait-on imaginer qu’un jour la radiologie interventionnelle soit une spécialité indépendante ou restera-t-elle toujours dans le giron de la radiologie ?
H. V.-K. / Nous ferons toujours partie de la radiologie car nous venons de l’image et la connaissance de nos systèmes de guidage fait le socle du métier. Cette place de l’image est essentielle. Elle participe au bilan préthérapeutique du patient, puis à son suivi.
D. I. / Comment le radiologue revendique-t-il sa valeur ajoutée en interventionnel ?
H. V.-K. / L’organisation du parcours du patient a évolué. Dans l’ancien mode de recrutement, le patient allait voir le chirurgien et celui-ci l’adressait au radiologue. Aujourd’hui, le radiologue le reçoit en consultation directe, dont le résultat doit être lisible dans les établissements. Notre valeur ajoutée passe aussi par une reconnaissance complète par nos instances de cette activité de radiologie interventionnelle. Je pense que c’est dans l’organisation de la prise en charge du patient que les choses vont changer et nous permettre de développer et de conserver ces techniques. Les machines sont en radiologie et nous, radiologues, sommes les acteurs de l’évolution des technologies radiologiques. C’est toujours nous qui les créons et les améliorons.
D. I. / Quels sont les gros chantiers actuels de la FRI ?
H. V.-K. / Nous travaillons depuis 2 ans avec la DGOS sur la rédaction d’un décret pour que la radiologie interventionnelle soit mieux reconnue. Ce document définit trois branches : neuroradiologie interventionnelle, radiologie oncologique interventionnelle et radiologie interventionnelle « autres activités », qui intègre toute la sphère vasculaire et correspond en grande partie à une activité d’urgence. Il devrait être opérationnel d’ici 2020.
D. I. / Vous travaillez en outre sur la mise en place d’un registre opérationnel de ressources humaines et de matériel…
H. V.-K. / Il s’agit d’obtenir des données plus précises sur les effectifs et les activités en interventionnel. Le Conseil professionnel de la radiologie française (G4) a conçu un questionnaire qui sera diffusé courant 2019 auprès de tous les radiologues français pour établir avec précision le nombre de ceux qui réalisent des actes de niveaux 2 et 3. Cela nous permettra de mieux visualiser qui fait quoi, et ainsi de proposer une organisation territoriale, notamment dans le domaine de la cancérologie.
D. I. / Où en êtes-vous concernant la tarification des actes ?
H. V.-K. / C’est un de nos chevaux de bataille. Tout ce qui est fait en ambulatoire est intéressant pour les patients mais beaucoup moins pour les cliniques et établissements. Beaucoup d’actes nouveaux n’ont en effet pas de cotation et emploient du matériel qui n’est pas remboursé. Nous allons travailler pour valoriser ces prises en charge et essayer d’obtenir un meilleur remboursement pour les activités en ambulatoire.
D. I. / Au niveau technologique, que nous réserve le futur en interventionnel ?
H. V.-K. / L’intelligence artificielle (IA) est utile dans beaucoup de techniques de radiologie interventionnelle, notamment pour l’aide à la décision thérapeutique. Elle a aussi permis de développer des procédés de recalage et de fusion d’images extrêmement efficaces, qui nous aident à mettre en place des thérapeutiques très ciblées. Ensuite, nous allons vers l’apprentissage profond, la 5G et la robotique. Il y a aussi des avancées sur le guidage magnétique pour aller directement à des lésions, sur la mise en place de capteurs connectés dans l’organisme… À plus long terme, l’impression 3D permettra de reproduire des organes, qui seront réimplantés en percutané et sous guidage. Ce sera donc de la radiologie interventionnelle !
D. I. / Avec de telles perspectives de développement, pourrait-on dire que l’interventionnel est le futur de la radiologie ?
H. V.-K. / Je pense que les thérapeutiques guidées par l’image, qu’elles soient anatomiques ou fonctionnelles, sont le futur de la médecine en général.
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