En France, la seconde lecture (L2) des mammographies fait partie intégrante du dépistage organisé du cancer du sein. Lors du dernier congrès de la Société d’imagerie de la femme, Isabelle Doutriaux-Dumoulin, radiologue à l’institut cancérologique de l’Ouest (ICO), centre René-Gauducheau, à Nantes (44), a fait le bilan de cette pratique et s’est demandé si elle a toujours sa place en 2017.
1 100 cancers détectés chaque année en seconde lecture
6 % des cancers détectés dans le cadre du dépistage organisé le sont en seconde lecture. « Après une période de décroissance, ce taux est stable depuis 2012, constate l’intervenante. Pour 2 000 femmes dépistées, nous détectons 15 cancers, dont un par la L2, au prix de 19 bilans diagnostiques différés post L2, poursuit-elle. Au total, 1 100 cancers sont détectés en L2 chaque année, selon les données de l’association Santé publique France pour la période 2013-2014.
Des résultats hétérogènes
Ces résultats, précise Isabelle Doutriaux-Dumoulin, sont très hétérogènes sur le territoire français. « Le taux de cancers varie de 2 à 17 % selon les départements », observe-t-elle. En plus de la géographie, d’autres facteurs entrent en compte. Si l’âge semble n’avoir aucun impact, la possibilité qu’un cancer du sein soit détecté en L2 est moindre quand les seins sont denses. Elle augmente en revanche avec le rang de dépistage. « La probabilité qu’un cancer soit dépisté en L2 diminue lorsque la proportion de deuxièmes lecteurs parmi les premiers lecteurs augmente », remarque ainsi Isabelle Doutriaux-Dumoulin. Les statistiques montrent aussi l’influence d’un « effet de fidélisation ». « Le pourcentage de cancer dépisté lors de la L2 est de 6,4 % dans les dépistages subséquents alors qu’il n’est que de 2,8 % dans les dépistages initiaux sans antécédents mammographiques », note l’intervenante.
Le taux de rappel augmente
Selon la littérature scientifique, la L2 accroît le taux de détection, au prix d’une augmentation du taux de rappel. L’utilisation de la mammographie numérique ne fait pas baisser ce taux de rappel, mais diminue le nombre de procédures invasives. « Une étude s’est intéressée aux effets de l’expérience des lecteurs. Elle n’a pas observé de corrélation entre cette expérience et les taux de rappel et de détection », rapporte Isabelle Doutriaux-Dumoulin. Autre constat : « Un taux de rappel élevé est corrélé avec un taux de détection plus élevé de cancer. »
Plus de dépistage = moins de faux positifs
Le nombre de mammographies lues n’est pas le seul indicateur de performance des lecteurs. « Une publication indique que les radiologues qui ont une forte activité de dépistage et une faible activité de diagnostic présentent un taux de diagnostic plus faible, mais ont moins de faux positifs. L’interprétation diagnostique de dépistage positif améliore le taux de détection de cancers. »
Utile pour le maintien de la qualité
À l’aune de ces données, Isabelle Doutriaux-Dumoulin s’interroge : « Y a-t-il encore une place pour la L2 ? ». Difficile de trancher en observant les pratiques d’autres pays. « L’organisation française est spécifique et repose sur un grand nombre de lecteurs. Du fait, nous ne pouvons pas vraiment nous servir de la bibliographie des études étrangères car nous travaillons différemment », explique la radiologue. Pour sa part, la réponse est plutôt positive. « La seconde lecture a probablement un rôle dans le maintien de la qualité en détectant des clichés techniquement insuffisants. Elle a aussi un rôle de formation pour le L1 lors de positifs L2 », mentionne-t-elle. Pour rappel, le L1 a une obligation de lire plus de 500 mammographies par an et le L2, 1 500. Le L2 ne voit que des examens notés ACR1 ou 2.
« La L2 devrait se faire dans les mêmes conditions que la L1 »
Certaines données manquent cependant pour se faire une opinion claire. Ainsi, le coût/efficacité du programme français n’est pas connu. Il y a aussi le problème du surdiagnostic. « Il n’est pas spécifique à la L2. Cette dernière détecte plus de cancers canalaires in situ et plus de cancers infiltrants de petite taille. Mais sont-ils tous de bon pronostic ? Il faudrait affiner les études d’évaluation en ce sens », propose Isabelle Doutriaux-Dumoulin. Cette radiologue évoque la dématérialisation de L2 et ne trouve pas logique qu’elle ne se fasse pas dans les mêmes conditions que la L1. La lecture sur console offre en effet un confort et, probablement, une amélioration de la lecture.
Plus de cancer en tomosynthèse, mais plus d’échographies
Reste la question de la tomosynthèse. « Nous ne savons pas quand elle arrivera dans le dépistage. Comment peut-on faire L2 et tomosynthèse ? », interroge Isabelle Doutriaux-Dumoulin. Cette modalité n’est pas encore admise dans le dépistage. « En Loire-Atlantique, le comité technique a décidé, pour ne pas abaisser le taux de participation, de l’accepter », rapporte-t-elle. Entre 2013 et 2015, la région a recensé 6 283 mammographies avec tomosynthèse sur un total de 100 000. Bilan : « Les médecins ont trouvé plus de cancers dans le groupe de tomosynthèse. En revanche, il y a beaucoup plus d’échographies. Est-ce parce que la tomosynthèse est en cours d’évaluation et que les radiologues sont en formation ? Est-ce parce que les examens sont réalisés dans des centres un peu plus experts ? Je pense que la tomosynthèse va changer la donne, mais quand ? à court, moyen ou long terme ? Je ne sais pas », conclut Isabelle Doutriaux-Dumoulin.
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