Au Togo, au Cameroun, en Côte-d'Ivoire...

« Le technicien prend seul la décision d’injecter le produit de contraste »

Lors des journées francophones de scanner, en janvier dernier, des techniciens en imagerie médicale du Togo, du Cameroun et de Côte-d'Ivoire, ont présenté leur travail et leurs pratiques. En Afrique noire francophone, la formation est lacunaire et les radiologues manquent.

Le 08/03/17 à 8:00, mise à jour aujourd'hui à 14:15 Lecture 4 min.

Boniface Yao (au centre), Narcisse Nwediwe Nana (à gauche), et Robert Aziagba (à droite), ont conduit une étude sur la pratique de la scanographie dans leurs pays. © V. F.

Lors des Journées francophones de scanner, organisées par l’Association française du personnel paramédical d’électroradiologie fin janvier 2017 à Paris, trois techniciens exerçant au Cameroun, en Côte d’Ivoire et au Togo ont donné un aperçu de la pratique du scanner et du métier de « manip » en Afrique noire francophone. « En Afrique, la formation des utilisateurs du scanner est insuffisante. La formation initiale est purement théorique et les opportunités manquent pour suivre une formation continue », entame Boniface Yao, manipulateur cadre en Côte d’Ivoire.

Pas de NRD

Comme la formation, la radioprotection des patients et du personnel est limitée. « Les niveaux de référence diagnostique (NRD) n’existent pas dans la plupart des pays. Il n’y a donc pas de repères pour optimiser les doses, pas de contrôles qualité, et les conditions de travail du manipulateur au poste de scanner sont ardues », poursuit-il. Le manipulateur est au centre de l’activité scanographique, mais « il rencontre des difficultés de maîtrise des technologies, des problèmes d’optimisation de la dose », précise-t-il. Il doit faire face à une exposition incontrôlée et à des pannes fréquentes.

Une étude pour un état des lieux

Les trois manipulateurs invités ont conduit ensemble une étude pour dresser l’état des lieux de la pratique scanographique dans leurs trois pays, afin de mettre en place une stratégie commune de développement des compétences et de mutualisation des ressources. Ils ont déterminé les caractéristiques technologiques des installations de scanographie, répertorié les types d’examens réalisés et les principales techniques mises en œuvre, sans oublier d’évaluer le profil socioprofessionnel des techniciens supérieurs d’imagerie médicale et leurs conditions de travail au scanner.

L’âge moyen des scanners est de 5 ans

« L’étude a porté sur les examens notés sur les registres d’examens de scanner de 2011 à 2015 des hôpitaux publics et privés ayant un scanner qui fonctionne et sur des questionnaires envoyés aux techniciens et aux cadres des unités de scanner. Nous avons été limités par la taille de l’échantillonnage, le retard de la transmission et les problèmes de connexion internet », explique Robert Aziagba, manipulateur et PCR au Togo. Dans les trois pays, les scanners sont répartis principalement dans les capitales (encadré). « Vingt-quatre centres de scanner ont répondu sur les trois pays. L’âge moyen des appareils était de 5 ans, ce qui correspond à la durée utile prévue des équipements de scanner, selon l’American Hospital Association », mentionne le rapporteur. Une évolution vers les technologies multibarrettes est notée, avec une préférence pour les scanners 16 barrettes. Les examens de routine sont les scanners cérébraux et du rachis avec, en vasculaire, une tendance à réaliser plus de scanners angiothoraciques et angiocérébraux. En interventionnel, sont réalisés des myéloscanners et des arthroscanners. « Il n’y a pas d’infiltrations guidées sous scanner », précise Robert Aziagba.

[contenu_encadre img= » » titre= »Distribution des scanners dans les pays étudiés » contenu= »• Cameroun : 28 scanners soit 1 scanner pour 642 857 habitants ;
• Côte d’Ivoire : 27 scanners soit 1 scanner pour 910 985 habitants ;
• Togo : 7 scanners soit 1 scanner pour 1 million d’habitants.  » auteur= » » legende= » » credit= » »]

Cinq scanners par jour

Le technicien en imagerie médicale un rôle central dans les pays étudiés. « Nous sommes dans un contexte de certaine rareté des médecins radiologues. Dans la majorité des cas, le technicien prend seul la décision d’injecter le produit de contraste et donne souvent des informations sur le résultat de l’examen au patient », précise Robert Aziagba (encadré). La maintenance des appareils est disponible dans 91,7 % des cas et la maintenance préventive se fait tous les 3 mois dans 50 % des cas. Les délais d’attente avant intervention en cas de panne sont généralement de 0 à 2 semaines. « Le nombre d’examens croît depuis 5 années et a presque doublé entre 2014 et 2015. En 5 ans, 146 653 scanners ont été réalisés, soit en moyenne 5 scanners par jour par centre », indique-t-il. Il faut savoir que l’examen n’est pas remboursé.

Une majorité d’hommes

Les techniciens en imagerie sont dans 87 % des cas des hommes et leur âge varie entre 25 et 56 ans. Ils ont suivi une formation différente selon le pays et 66 % d’entre eux n’ont jamais suivi de formation au scanner, en dehors de la formation initiale, qui est uniquement théorique pour 31,3 % d’entre eux. L’autoformation entre collègues est du fait très courante (78 %). « Lors de cette étude nous avons relevé une insuffisance de pratique dans la formation initiale et la rareté d’opportunités de formation continue. L’optimisation de la dose au patient est un problème car il n’existe pas de repères, mais le niveau de technologie des appareillages est en nette évolution dans nos pays », conclut Narcisse Nwediwe Nana, manipulateur cadre au Cameroun.

Auteurs

Virginie Facquet

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