En Seine-Saint-Denis, l’hôpital de Montfermeil a remis à plat toute l’organisation de son service d’imagerie médicale pour faire face à l’afflux de patients COVID. Sur le territoire, une coopération étroite s’est mise en place depuis trois semaines : « Nous collaborons avec l’hôpital Avicenne – AP-HP à Bobigny, qui est passé en établissement de niveau 2 environ une semaine avant nous. Cela nous a permis de bénéficier de leur expérience, explique Philippe Khafagy, le chef du service de radiologie de l’hôpital montfermeillois. Je collabore plus particulièrement en imagerie thoracique avec Pierre-Yves Brillet, chef du service de radiologie de l’hôpital Avicenne, qui est également membre du bureau de la Société d’imagerie thoracique (SIT). »
Une réorganisation avec les radiologues libéraux
Les machines scanner et IRM sont exploitées dans le cadre d’un GIE avec des radiologues libéraux. Ces derniers se sont également adaptés à la nouvelle organisation : « Nos confrères du privé ont déprogrammé toute leur patientèle, ce qui nous a permis d’exploiter toutes les machines et de créer un circuit COVID sur l’un des deux scanners », indique Philippe Khafagy. Pour assurer la prise en charge des patients COVID, le service de radiologie a déprogrammé de nombreux examens non urgents et non oncologiques, et a mis en place un circuit dédié. « En imagerie, nous avons un secteur COVID séparé du reste du service, avec une entrée distincte. Dans la section non COVID, nous faisons uniquement les scanners et IRM de patients d’oncologie, des patients hospitalisés et des biopsies », détaille le chef de service.
Le scanner pour trier les patients
Actuellement, l’équipe d’imagerie réalise entre 30 et 40 scanners COVID par jour. « La machine tourne 24 heures sur 24, assure Philippe Khafagy. Quand un patient arrive au SAU, s’il a une symptomatologie de COVID sans manifestations respiratoires, il rentre chez lui sans test PCR ni examen d’imagerie. En revanche, s’il présente des manifestations respiratoires significatives, il est prélevé et il passe un scanner thoracique d’emblée. » Le scanner s’est rapidement imposé comme un outil de tri efficace : « S’il montre des images caractéristiques de cette maladie, il permet de classer le patient COVID positif indépendamment des résultats du test PCR », souligne Philippe Khafagy.
Philippe Khafagy, chef du service d'imagerie de l'hôpital de Montfermeil.
Rotation des équipes et interprétation à distance
Dès le début de la crise, les équipes ont adapté leur fonctionnement. La composition des équipes et des plannings a été totalement revue, en concertation avec les équipes soignantes et la direction. « Pour les équipes médicales et paramédicales, nous avons mis en place un système de rotation avec des binômes ou des trinômes, détaille Philippe Khafagy. Notre équipe de manipulateurs a accepté de travailler en 12 heures. Cela a permis de réduire leur nombre de jours de présence dans le service. » De jour comme de nuit, un seul radiologue, parfois assisté par un interne, est présent dans le service pour assurer la permanence des soins, car le reste des médecins peuvent exercer à distance grâce à un système de téléradiologie. « Cette configuration permet de préserver les équipes d’une surexposition à l’infection », ajoute Philippe Khafagy.
Public et privé en bonne intelligence
À l’échelle du département, la coopération public-privé s’est mise en place rapidement pour garantir le suivi des patients : « Nous avons créé un partenariat avec nos collègues privés du GIE qui exercent par ailleurs aux alentours de Montfermeil, explique Philippe Khafagy. Nous leur avons donné accès à notre PACS, ce qui nous a permis de leur adresser une liste de patients oncologiques afin de les prendre en charge dans leurs cabinets de ville. Cela permet de protéger au mieux les patients et de leur proposer des délais de rendez-vous raisonnables. » Grâce à ce circuit, le service d’imagerie de l’hôpital bénéficie d’un retour d’informations sur ces patients : ceux qui ont eu leur rendez-vous, ceux qui n’ont pas répondu et ceux qui ont annulé. « Cela nous permettra d’avoir une traçabilité et de recontacter les patients après l’épidémie. L’objectif est de réduire le plus possible les retards de prise en charge et les pertes de chance pour les patients », souligne le radiologue.
La pénurie des masques
À l’instar de nombreuses structures de soins en France, l’hôpital de Montfermeil a lui aussi dû composer avec un manque de matériel de protection : « Les premiers jours, nous n’avions pas suffisamment de masques chirurgicaux, comme partout ailleurs, déplore le chef de service. Notre priorité, et celle de la direction, a été depuis le départ la sécurité de notre personnel soignant. La direction a œuvré avec toute son énergie, en coopération avec la mairie et l’ARS, pour répondre à ce besoin. » L’hôpital a mis en ligne une cagnotte pour récolter des dons afin d’acheter du matériel de protection et mettre en place une blanchisserie en ville pour laver les blouses des soignants dans un délai réduit à proximité de l’établissement. « Beaucoup de particuliers et d’entreprises du territoire ont répondu à cet appel aux dons », indique l’hôpital de Montfermeil. Depuis quelques jours, la situation s’est améliorée.
Plusieurs personnels infectés
Dans sa lutte contre le COVID-19, l’hôpital de Montfermeil paye un lourd tribut, et plusieurs membres du personnel ont été infectés : « Dans notre service, nous avons eu cinq cas d’infection à COVID-19, dont une personne hospitalisée, dévoile Philippe Khafagy. Aujourd’hui, tous sont guéris. Malheureusement, le week-end dernier, toute la communauté hospitalière a été plongée dans une grande tristesse suite au décès de notre directrice des soins par intérim. N’ayant pas été testée, nous ne pouvons toutefois pas assurer formellement que ce décès soit dû au COVID-19. »
« Tout le monde se donne à fond »
Face à l’adversité, les équipes de l’hôpital de Montfermeil refusent de baisser les bras et poursuivent leur mission coûte que coûte. « Les deux premières semaines ont été difficiles pour les équipes, se remémore le chef de service. C’était très lourd en termes de pression car nous devions nous adapter à une situation inédite. Aujourd’hui, nous avons réussi à trouver un rythme d’organisation et une cohérence de fonctionnement qui ont fait retomber la tension, mais nous restons extrêmement vigilants quant à la suite des événements. Ce qui est réconfortant c’est que toute la communauté médicale fait corps. Tout le monde est sur le pont. »
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