Ce mardi matin, à 10 h 30, un patient de 45 ans arrive au service de pneumologie de l’hôpital Tenon, Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Il est envoyé par son médecin, après un scanner thoracique passé il y a quatre jours. Sur les images, la pneumologue Marie Wislez remarque trois masses pulmonaires dont l’une est excavée. « C’est peut-être infectieux, soupçonne-t-elle. Ce n’est pas toujours du cancer. » Pour en avoir le cœur net, le patient doit passer des examens complémentaires en hôpital de jour. Grâce au dispositif mis en place par l’établissement, ils auront tous lieu pendant la même journée, dans la semaine qui suit.
La pneumologue Marie Wislez est à l’initiative de la consultation, créée en mai 2016. © C. F.
Une prise en charge sans retard
Depuis mai 2016, le service propose en effet une consultation « image suspecte – cancer du poumon ». Deux demi-journées par semaine, les spécialistes en oncopneumologie reçoivent en moins de sept jours des patients adressés par leur médecin traitant ou un radiologue après un scanner suspect. Les examens nécessaires au diagnostic sont réalisés la semaine suivante en hôpital de jour. Marie Wislez a lancé cette initiative après avoir constaté qu’il fallait restructurer la filière diagnostic en oncologie. « Le cancer du poumon est le plus mortel des cancers. Il est souvent diagnostiqué à un stade avancé. Il ne faut donc pas qu’il y ait de retard de prise en charge », rappelle-t-elle. De plus, ajoute-t-elle, il a tendance à s’accompagner de comorbidités : « Les patients sont fumeurs, beaucoup ont des artères ou un cœur malades, parfois une insuffisance respiratoire ou une bronchite chronique… Il faut évaluer ces comorbidités pour savoir si l’on peut opérer, enlever une partie du poumon, irradier ou faire une chimiothérapie. Il y a beaucoup plus d’examens à réaliser que pour un cancer du sein ou du colon par exemple. »
Un exemple d’examen de scanner suspect. © Hôpital Tenon AP-HP
« Je sais ce que j’ai à faire, c’est rassurant »
Solène, l’infirmière de coordination, prend le patient en charge en charge. « Le médecin a proposé une fibroscopie bronchique aujourd’hui ou demain, indique-t-elle. On a cette flexibilité pour obtenir un rendez-vous. Cet après-midi ils ont une place à 15 heures. » Elle interroge le patient pour savoir s’il est à jeun, puis elle lui explique le déroulement de la journée : la prise de sang, un anxiolytique si besoin, l’anesthésie locale pour la fibroscopie… Le patient est arrivé à la consultation anxieux, mais il semble désormais rasséréné. « Le processus est bien expliqué et je sais ce que j‘ai à faire dans la journée, c’est rassurant. Quand j’ai passé le scanner il y a quelques jours, je me suis mis à stresser parce que j’avais des nodules. Mais ça peut être plein de choses », témoigne-t-il.
L’infirmière de coordination fait une prise de sang à un patient avant sa fibroscopie bronchique. Le patient est venu en consultation le matin et passe l’examen l’après-midi même. © C. F.
« La coordination, c’est de l’humain »
Face à des patients souvent inquiets, Solène fait en sorte que tout se déroule sereinement, dans un parcours balisé et condensé. « L’idée c’est que le patient n’ait pas à revenir plusieurs fois, résume-t-elle. On rassemble tout pour que ça soit plus cohérent, et éviter au patient d’attendre et d’aller à gauche, à droite. » La réorganisation de la filière permet aussi au patient d’éviter de se poser trop de questions. « Est-ce qu’un médecin va me revoir ? Quand vais-je rentrer chez moi ? » Autant d’interrogations qui décuplent le stress dans l’attente du diagnostic. « La coordination c’est de l’humain, les choses sont organisées pour que tout ça soit plus facile à vivre, poursuit Solène. L’infirmière de coordination est un repère pour le patient, c’est un contact supplémentaire, en plus de la secrétaire médicale et du médecin. » À 15 heures, le patient passera sa fibroscopie comme prévu puis rentrera chez lui. Il démarrera aussi un traitement antibiotique. Le diagnostic sera délivré quelques jours plus tard.
Un pneumologue du service réalise une fibroscopie bronchique sur le patient. © C. F.
Simplifier les démarches pour les médecins
Cette consultation dédiée entend aussi faciliter l’accès au parcours de soins, et donc la vie des médecins. « À Tenon, nous recevons un gros volume de patients pour le diagnostic et le traitement de nouveaux cancers, reprend Marie Wislez. Les médecins traitants et les médecins hospitaliers, ou même les patients, ne savaient pas comment rentrer dans la filière. Les médecins se plaignaient de ne pas savoir à qui écrire, les dossiers arrivaient n’importe où, rapporte-t-elle. Nous nous sommes également aperçus qu’il y avait 30 % des diagnostics pour lesquels les patients passaient par les urgences, c’est vraiment trop. » Pour remédier à cela, plusieurs mesures ont été mises en place comme la création d’un numéro, d’un mail et d’un secrétariat unique afin de centraliser les demandes. Deux vacations de consultation ont été instaurées, avec trois à quatre patients reçus à chaque fois. « Nous avons organisé sur l’hôpital six à huit parcours patients avec des plages réservées de scanner, d’IRM et de TEP-TDM, qui sont redistribuées si elles ne sont pas utilisées », détaille Marie Wislez.
Le service d’imagerie médicale accueille les patients en hôpital de jour. Des plages horaires sont réservées sur le scanner et l’IRM pour que les patients passent leurs examens rapidement. © C. F.
Des plages dédiées en imagerie
Dans le service d’imagerie médicale, les patients pris en charge en hôpital de jour ont accès au plateau technique à des horaires dédiés. « Certaines plages sont réservées le lundi matin, puis les patients sont vus en consultation dans la foulée l’après-midi », décrit Hélène Dubesset, la secrétaire du service d’imagerie. Pour Marie Wislez, cette nouvelle organisation bénéficie autant aux patients qu’aux médecins du service. « Aujourd’hui, tout est très bien structuré, note la pneumologue. C’est plus confortable. C’est aussi moins angoissant pour le médecin qui est sûr de ne pas oublier un patient. Les médecins de ville et les correspondants hospitaliers savent tout de suite à qui écrire ». Après les consultations et les examens, les médecins font la synthèse et déterminent si une nouvelle série d’examens est nécessaire. Puis vient la décision thérapeutique. « Quand nous avons fait un point au centième patient, nous avons constaté que la consultation aboutissait à un diagnostic de cancer du poumon dans 70 % des cas et de métastases d’autres cancers dans 10 % des cas. Les autres cas sont des infections ou d’autres pathologies pulmonaires », rapporte Marie Wislez.
. Le diagnostic sera délivré quelques jours après les examens. Cette organisation et cette rapidité permettent d’apaiser les patients. © C. F.
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