Tout professionnel de santé est tenu de se former pendant toute sa carrière. Lors des Journées francophones de radiologie d’octobre 2016, Elvis Cordier, directeur adjoint des ressources humaines du groupe hospitalier de la région de Mulhouse et Sud Alsace, a fait le point sur cette obligation de formation continue et sur les évolutions qu’elle a connues au fil du temps.
La loi Delors comme point de départ
«Si nous devions dater la création de la formation continue en France, nous évoquerions la loi du 16 juillet 1971, ou loi Delors, entame-t-il. Selon ce texte, «la formation a pour objet de permettre l’adaptation des travailleurs au changement des techniques et des conditions de travail, de favoriser leur promotion sociale par l’accès aux différents niveaux de la culture et de la qualification professionnelle et leur contribution au développement culturel, économique et social.» Les années soixante-dix voient se développer le « 1 % formation » qui consiste à consacrer 1 % de l’ensemble des salaires, des traitements, de la masse salariale, à la formation professionnelle et à la formation continue des salariés.
L’ingénierie de la formation
La réglementation évolue au fil du temps, et avec elle l’ingénierie de la formation. Au début des années quatre-vingt-dix, l’Agence française de normalisation (AFNOR) défini cette dernière comme «un ensemble de démarches méthodologiques articulées1.» Ces règles s’appliquent à la conception de systèmes d’actions et de dispositifs de formation pour atteindre efficacement l’objectif fixé. L’ingénierie inclut quatre phases : l’analyse du besoin, la conception du projet, la coordination et le contrôle de sa mise en œuvre et l’évaluation des effets de la formation. Pour Elvis Cordier, elles ne sont pas appliquées de manière suffisante : «À ce jour, la plupart des établissements de santé ne font pas d’ingénierie de la formation médicale continue, déplore-t-il. Bien entendu, nous mettons en œuvre et coordonnons des choses en termes de formation, mais nous évaluons rarement les effets des formations sur le personnel médical et non-médical, dans une moindre mesure pour ce dernier car la planification est un peu plus formalisée.»
La formation médicale continue
La formation médicale continue (FMC) devient une obligation légale pour tous les médecins en exercice avec les ordonnances Juppé de 1996. Les lois du 4 mars 2002 pour la FMC et du 9 août 2004 pour l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP) instaurent l’obligation quinquennale de valider 250 crédits (FMC : 150 et EPP : 100) et élargissent l’obligation aux chirurgiens-dentistes, pharmaciens et sages-femmes. Cette législation donne lieu à deux rapports de l’Inspection générale des affaires sociales, en 2006 et 2008. « Ils pointent des avancées indiscutables mais constatent que le dispositif était complexe et peu lisible. De plus, son impact sur la qualité des pratiques est encore difficile à évaluer », indique Elvis Cordier.
La formation des manipulateurs
Pour les manipulateurs relevant de la Fonction publique hospitalière (FPH), la réglementation s’appuie sur le décret du 21 août 2008 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de la FPH. Pour les manipulateurs relevant du secteur privé, le Code du travail s’applique. Les dispositions sont notamment prévues dans la partie législative, 6e partie relative à la formation professionnelle continue, dont l’article L6312-1 relatif à l’initiative de la demande de formation, les articles L6321-1 à L6321-2, relatifs aux obligations de l’employeur en matière de formation et les articles L6321-6 à L6321-12 relatifs au statut du salarié en formation. L’employeur se doit d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Les actions de formation mises en œuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation. « La loi n’oblige pas l’employeur privé à mettre en place un plan de formation, mais il y est fortement incité, contrairement à l’employeur relevant de la FPH », précise Elvis Cordier.
Le développement professionnel continu
En 2009, l’article 59 de la Loi hôpital, patients, santé et territoire (HPST) crée le développement professionnel continu (DPC). Les pouvoirs publics veulent alors établir un cadre pérenne et général applicable à l’ensemble des professionnels de santé médicaux et non médicaux quel que soit leur mode d’exercice. « L’idée est de renforcer l’évaluation des pratiques professionnelles, le perfectionnement des connaissances, l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins, ainsi que la prise en compte des priorités de santé publique car les programmes de DPC doivent s’inscrire dans certaines grandes orientations définies par décrets, Analyse Elvis Cordier. La loi fixe alors trois grands principes qui sont toujours valables dans la nouvelle formule du DPC : il est obligatoire, le respect de cette obligation est contrôlé et des critères de qualité des actions sont définis par décret. » Les professionnels de santé doivent suivre une formation tous les ans.
Ce cadre est modifié le 26 janvier 2016 par la loi 41-2016 de modernisation du système de santé. Son article 114 instaure une nouvelle version du DPC qui est traduite et précisée dans le décret 2016-942 du 8 juillet 2016. L’arrêté du 8 décembre 2015 fixe les orientations du DPC des professionnels de santé pour les années 2016 à 2018. Le décret de 2016 définit des orientations nationales et des axes du DPC par métier ou spécialité médicale.
Une obligation devenue triennale
La nouvelle réglementation du DPC (loi 2016-41) remplace l’obligation annuelle de formation par une obligation parcours triennale. Pour y satisfaire, le professionnel de santé doit s’engager dans un parcours défini par le Conseil national professionnel (CNP) compétent, ou justifier sur la période de son engagement dans une démarche d’accréditation, ou dans un processus comportant des actions de formation, d’évaluation et d’amélioration des pratiques et de gestion des risques. Cette démarche doit comporter au moins deux des trois types d’actions sus-cités et au moins une action s’inscrivant dans le cadre des orientations prioritaires prévues à l’article L 4021-2. Ces orientations prioritaires sont de trois types : celles définies dans le cadre de la politique nationale de santé, celles définies par le CNP et celles prévues pour les professionnels des services de santé des Armées.
Les critères d’enregistrement des organismes
L’arrêté du 14 septembre 2016 fixe les critères d’enregistrement des organismes ou structures qui souhaitent présenter des actions de DPC. Elles doivent répondre à un cahier des charges précis, défini nationalement », poursuit Elvis Cordier.
Mutualiser les expertises
« Les objectifs de la FMC et du DPC sont relativement clairs bien que multiples. Il faut maintenir et actualiser ses connaissances et compétences, satisfaire son obligation triennale, anticiper l’évolution des métiers et techniques, anticiper les évolutions des emplois et des effectifs, coordonner et optimiser les moyens, améliorer les pratiques, etc. », résume Elvis Cordier, avant de constater que Ie cadre réglementaire est «manifestement peu intégré par les professionnels». Il note qu’il existe une grande variabilité dans la construction des plans de formation et de DPC selon la nature et la taille des structures et qu’il n’y a pas ou peu de coordination dans les établissements de santé entre les plans de DPC pour le personnel médical et le non-médical. « Nous constatons également que l’ingénierie est incomplète. La mise en œuvre ne fonctionne pas trop mal, nous arrivons à dépenser les crédits réservés à la formation, mais nous ne respections pas la structuration préalable qui permettrait de mieux les utiliser », témoigne-t-il. En guise de pistes de progrès, il propose de «favoriser l’implication et la compréhension des enjeux de tous les acteurs locaux en communiquant, de mutualiser les expertises, notamment dans la FPH, au sein des établissements support de GHT et d’encourager les établissements de santé à s’autonomiser, à demander des habilitations afin de pouvoir dispenser des parcours prioritaires et à s’enregistrer comme organisme de formation ».
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