Coopération transfrontalière

La radiologie à la sauce franco-belge au GIE des Trois-Frontières

En Meurthe-et-Moselle, l’hôpital de Mont-Saint-Martin a constitué un GIE avec des radiologues libéraux belges. Depuis bientôt dix ans, cette coopération a permis à l’hôpital lorrain de retrouver des radiologues, et aux médecins belges de profiter des avantages d’une structure juridique française.

Le 24/08/18 à 11:00, mise à jour hier à 14:13 Lecture 4 min.

Depuis 2009, le centre hospitalier Hôtel-Dieu de Mont-Saint-Martin coopère avec des radiologues libéraux belges au sein d'un GIE. © Hôpital de Mont-Saint-Martin/Groupe SOS

Dans un triangle de terre entre la France, la Belgique et le Luxembourg, le groupement d’intérêt économique (GIE) des Trois-Frontières semble avoir trouvé une formule efficace pour prospérer. Créé en 2009, il comprend deux structures : côté français, le centre hospitalier Hôtel-Dieu de Mont-Saint-Martin, établissement de santé privé d’intérêt collectif (ESPIC), et côté belge, un groupement de radiologues libéraux. « Nous sommes un établissement de droit privé. Cela a donc été assez simple pour nous de monter un GIE, note Éric Jarlaud, le directeur de l’hôpital. Pour un établissement public, cela aurait été un peu plus compliqué. Il aurait fallu monter plutôt un GCS, quelque chose de plus lourd. »

Un GIE d’inspiration belge

Le groupement des radiologues belges compte dix médecins qui possèdent une structure libérale de l’autre côté de la frontière, à l’hôpital d’Arlon, situé à 20 km de l’hôpital de Mont-Saint-Martin. « En Belgique, l’organisation est un peu différente, explique Éric Jarlaud. Il y a les CHU d’un côté et tout le reste fonctionne sur le même modèle que les ESPIC en France. Ce sont des groupements privés qui gèrent des missions de service public» Dans ces établissements du Plat Pays, les hôpitaux fournissent l’infrastructure et les radiologues leurs prestations.

Un maximum de temps médical

L’hôpital de Mont-Saint-Martin s’est inspiré de cette organisation belge pour monter le GIE transfrontalier. Aujourd’hui, les libéraux belges sont propriétaires du groupement à 55 % et l’établissement français à 45 %. « Eux apportent leur savoir-faire et nous leur fournissons le bâtiment, les secrétaires, les manipulateurs radio, etc. », résume Éric Jarlaud. Selon lui, cette organisation est la clé du succès. « Les Belges fonctionnent comme ça : ils sont libéraux mais toute l’intendance est gérée par l’hôpital. Ils ont reproduit à l’identique le modèle qu’ils connaissaient en Belgique. Le but est qu’ils aient un maximum de temps médical. » L’hôpital n’a aucun droit de regard. « Nous n’avons pas notre mot à dire. C’est leur structure juridique. Nous leur faisons confiance et cela fonctionne bien. »

La France, paradis fiscal des radiologues belges

Pour constituer ce GIE, les radiologues libéraux belges ont créé une structure juridique en France. Une démarche administrative avantageuse pour eux, d’après Éric Jarlaud : « Cela peut sembler paradoxal mais la France est un eldorado fiscal pour les Belges. En Belgique, les radiologues sont matraqués en termes de revenus. » Si la France est un eldorado pour les médecins belges, la Belgique est une mine d’or radiologique pour la France, dans un contexte de pénurie médicale. « Quand nous avons créé le GIE, l’hôpital de Mont-Saint-Martin avait des difficultés financières et du mal à recruter des médecins », se souvient Éric Jarlaud. Le partenariat avec les Belges s’est imposé de lui-même. « Dans un bassin de population de 100 000 habitants, côté français, il n’y a plus de radiologie à moins de 30 km », déplore le directeur.

Attirer les jeunes médecins

Après presque dix ans d’existence, il se félicite de ce partenariat « gagnant-gagnant ». « Il est difficile de trouver des médecins à Longwy, et Arlon n’est pas non plus une ville qui fait rêver les Belges. Une grosse structure comme la nôtre les fait venir plus facilement. Être à la fois associé à un gros cabinet de radiologie dans un hôpital belge et à une structure hospitalière française est intéressant pour un jeune radiologue. » D’autant que le GIE revendique un plateau technique de trois scanners et quatre IRM. « Nous n’aurions pas pu nous offrir ce matériel si nous n’avions pas eu un résultat financier positif. Quand il a fallu investir dans une nouvelle IRM, on ne s’est pas posé de question. »

Une frontière invisible pour les patients

En 2017, l’hôpital de Mont-Saint-Martin a réalisé 7 900 examens de scanner et 12 500 examens d’IRM. Grâce à un accord transfrontalier, tous les patients, belges ou français, peuvent passer des examens d’imagerie d’un côté ou de l’autre de la frontière. « Un habitant de Longwy qui va à Arlon peut utiliser sa carte vitale française dans le lecteur belge et inversement. Au niveau des accords transfrontaliers, nous sommes un centre innovant et pivot, se félicite Éric Jarlaud. La tarification des actes d’imagerie diffère des deux côtés de la frontière mais comme c’est transparent pour le patient, il n’y a pas de conséquence. »

Une externalisation complète de l’imagerie en projet

Les libéraux belges partagent leurs vacations entre l’hôpital d’Arlon et celui de Mont-Saint-Martin. « Nous avons une présence en imagerie du lundi au samedi matin, ainsi que toute la permanence des soins aux urgences, avec une activité d’imagerie 24 heures sur 24, détaille Éric Jarlaud. Nous faisons aussi de la téléradiologie. Nous avons un PACS avec eux, qui leur permet de mutualiser leurs astreintes. Quand ils sont d’astreinte en Belgique, ils interprètent des examens français et belges. » Au-delà de l’imagerie en coupe, les radiologues belges apportent également leur contribution pour la radiographie et la mammographie, mais avec un statut différent. « Pour ces modalités, ils sont nos prestataires de services, précise Éric Jarlaud. Nous réfléchissons à une externalisation complète pour qu’ils prennent entièrement la main sur la radiologie. »

Auteurs

Carla Ferrand

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