Docteur Imago / Quels sont les enjeux actuels de la recherche sur la sclérose en plaques ?
Benedetta Bodini / La sclérose en plaques (SEP) est une maladie démyélinisante. Sa forme la plus fréquente est la forme par poussées et rémission. Après quinze ans de maladie, entre 50 et 60 % des personnes atteintes entrent dans une phase secondairement progressive. C’est-à-dire que leur état s’aggrave petit à petit et se dégrade sans poussée. À côté des formes débutant par des poussées, 15 % des patients présentent une évolution progressive d’emblée. Aujourd’hui il existe très peu, voire aucun médicament contre la forme progressive de la SEP. Nous ne comprenons pas encore la physiopathologie de la progression de la maladie. En particulier, nous ne savons pas d’où vient cette neurodégénérescence que nous pensons être à la base de cette progression. C’est l’enjeu actuel de la recherche.
D. I. / Comment l’imagerie médicale peut-elle faire évoluer la compréhension de cette maladie ?
B. B. / L’IRM conventionnelle est la technique la plus utilisée en clinique. Grâce à elle, on peut poser le diagnostic et observer l’efficacité des médicaments ciblant l’inflammation sur l’évolution de la maladie. Cependant, les techniques d’IRM utilisées en routine ne sont pas spécifiques, ni quantitatives. L’IRM ne nous aide donc pas beaucoup à comprendre la physiopathologie de la maladie. D’où l’intérêt des nouveaux outils. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, les techniques d’IRM structurelle ont connu un développement gigantesque. Grâce à des séquences avancées comme le transfert d’aimantation, l’imagerie du tenseur de diffusion ou la spectroscopie, on peut quantifier l’atteinte microstructurelle des tissus cérébraux des patients. Au fur et à mesure du temps, on a découvert que les tissus d’apparence normale n’étaient pas normaux et qu’il y avait une atteinte en dehors des lésions visibles sur les séquences conventionnelles d’IRM.
D. I. / Quelles sont les avancées techniques les plus notables ?
B. B. / Ces dernières années, de nouvelles séquences ont été mises au point comme la Double Inversion Recovery (DIR). Cette dernière nous a permis de découvrir qu’il y avait des lésions non seulement dans la substance blanche mais aussi dans la substance grise. L’IRM quantitative – par transfert d’aimantation, du tenseur de diffusion et la spectroscopie – nous a apporté beaucoup pour comprendre la mécanique de la maladie. Il y a également eu beaucoup de recherches sur la SEP avec l’IRM fonctionnelle. Elle permet de comprendre comment un cerveau atteint par la maladie réagit par rapport à un cerveau normal du point de vue fonctionnel.
D. I. / Quelles sont les limites de l’IRM ?
B. B. / L’IRM quantitative est très intéressante et très sensible. Le désavantage, c’est que c’est encore une mesure indirecte et donc pas complètement spécifique de l’atteinte microstructurelle des tissus. Dans la SEP, différents processus ont lieu comme la démyélinisation, la perte axonale et l’activation microgliale. Donc, par exemple, quand on fait une imagerie du tenseur de diffusion, on voit qu’il y a un changement de la diffusion des molécules d’eau dû à la pathologie mais on ne peut pas comprendre lequel des processus est le responsable majeur de ce changement. D’autre part, la spectroscopie est intéressante pour mesurer la concentration des différents métabolites mais n’a pas une très bonne résolution. On a malgré tout encore un problème de spécificité avec ces séquences avancées.
D. I. / Quelle serait la solution à ce problème de spécificité ?
B. B. / Depuis quelques années, nous essayons de développer l’imagerie moléculaire avec la TEP. Les traceurs radioactifs permettent de se lier à une cible spécifique, par exemple la myéline, la microglie activée ou les neurones. L’imagerie moléculaire permet de vraiment différencier chaque composante et de la suivre au fil du temps pour comprendre quels sont les mécanismes à l’origine de la progression de la maladie. C’est la première étape pour pouvoir développer un jour de nouvelles thérapeutiques.
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