Maltraitance chez l'enfant

L’imagerie médicolégale pour « faire parler le corps des victimes »

La première Journée francophone d'imagerie médicolégale s'est tenue samedi 14 octobre à Paris, dans le cadre des JFR 2017. Une des sessions a mis en avant l’apport de l’imagerie - et notamment de l'IRM - dans le diagnostic de maltraitance des enfants, aussi bien sur le plan médical que judiciaire.

Le 15/10/17 à 7:00, mise à jour aujourd'hui à 14:14 Lecture 2 min.

Selon la radiologue Catherine Adamsbaum, une datation précise des lésions "est absolument impossible en imagerie et elle est inutile au diagnostic" dans les cas de maltraitance. © C. F.

Samedi 14 octobre, les Journées francophones de radiologie (JFR) ont accueilli la première Journée francophone d’imagerie médicolégale. La session matinale s’est intéressée au thème de « la maltraitance chez l’enfant ».

L’IRM pour diagnostiquer le syndrome du bébé secoué

La première intervenante, Catherine Adamsbaum, radiologue à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, a mis en avant les avantages de la résonance magnétique pour le diagnostic du syndrome du bébé secoué. « L’IRM cérébrale a un intérêt pronostique. Elle a aussi un intérêt diagnostique », explique-t-elle. Pour les examens d’IRM, les séquences de diffusion sont essentielles. « Il y a en effet beaucoup de lésions anoxiques parmi les lésions observées dans le cadre du syndrome du bébé secoué », précise Catherine Adamsbaum. Le T2*, pour sa part, « met en évidence les dépôts d’hémosidérine au niveau du parenchyme cérébral, au niveau des collections sous-durales. Il montre beaucoup mieux que le scanner les ruptures de veines ponts », ajoute la radiologue. L’IRM permet également d’observer des « déchirures » au niveau frontal et temporal lorsque le cerveau percute la boîte crânienne. « Il y a une haute valeur diagnostique et cela a été réactualisé dans les recommandations de la HAS. »

Le piège de la datation

Catherine Adamsbaum poursuit son intervention en mettant en garde l’assemblée sur les effets contre-productifs de la datation des lésions. « Une datation précise est absolument impossible en imagerie et elle est inutile au diagnostic, indique-t-elle. Au contraire, une mauvaise datation va compliquer toutes les étapes ultérieures et l’expert va être obligé de contredire la radiologue qui a fait le diagnostic, même s’il a été bien fait. Les avocats pourront ensuite s’engouffrer dans cette discordance et le débat judiciaire s’en trouvera modifié. » S’il ne fournit pas de datation précise, le radiologue peut en revanche identifier des lésions distinctes dans le temps. Il signalera ainsi que certaines sont plus anciennes que d’autres. « C’est inconstant mais c’est un argument diagnostique majeur car cela indique d’emblée au moins deux épisodes de violences. Cela signe le très haut risque de récurrence, et donc de décès de l’enfant », explique Catherine Adamsbaum.

« Le corps est une scène de crime »

La présence d’une magistrate a permis d’aborder le sujet de la maltraitance infantile sous un aspect plus judiciaire. Sarah Massoud, juge d’instruction au tribunal de grande instance de Créteil (94), a insisté sur l’importance des expertises médicales pour identifier les cas de maltraitance. « Sans scène de crime, un juge d’instruction ne peut pas mener des investigations, explique-t-elle. Pour nous, le corps est une scène de crime et, par votre analyse, vous le faites parler. »

« Vous n’avez pas à trancher sur la culpabilité d’une personne »

Si un radiologue est saisi en tant qu’expert dans une procédure judiciaire, il doit savoir comment procéder une fois les constatations médicales réalisées. Sur ce point, Sarah Massoud tient à alerter sur les limites à ne pas franchir. « Le juge d’instruction aura toujours tendance à demander à l’expert un peu plus que ce qui est écrit dans l’ordonnance, explique-t-elle. Surtout, ne répondez qu’aux seules questions auxquelles vous pouvez répondre. Vous n’avez absolument pas à trancher sur la notion de culpabilité ou d’imputabilité à telle ou telle personne. »

Auteurs

Carla Ferrand

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