Congrès de l'imagerie de la femme

Pour l’INCa, la tomosynthèse ne tient pas encore toutes ses promesses

Au congrès de la SIFEM, Patrice Heid, ingénieur biomédical a communiqué les résultats d’un état des lieux de la tomosynthèse commandé par l’INCa. Entre doses parfois trop fortes, qualité d’image parfois trop faible, et disparités entre les appareils, la modalité ne lui paraît pas prête pour intégrer le dépistage organisé.

Le 06/07/17 à 7:00, mise à jour hier à 14:16 Lecture 3 min.

L'adoption par la France du protocole européen de contrôle qualité pour la tomosynthèse est "longue et chaotique", juge Patrice Heid, ingénieur biomédical. © V. F.

Il reste du chemin à parcourir. Voilà qui pourrait résumer le « bilan des promesses de la tomosynthèse » présenté le 16 juin par Patrice Heid au congrès de la Société d’imagerie de la femme (SIFEM). L’intervention de cet ingénieur biomédical, chez Arcades, a fait réagir les 900 auditeurs rassemblés au palais du Pharo, de Marseille. Après une description des principes et des technologies de cette modalité, il a communiqué les résultats d’une étude financée par l’Institut national du cancer (INCa). Cette dernière, qui sera bientôt publiée, dresse un état des lieux des appareils présents sur le marché français.

Certains systèmes dépassent les limites européennes

Elle a ainsi évalué et comparé les doses délivrées par chaque modèle. Sur ce point, le bilan est contrasté. Pour ce qui est de la dosimétrie 2D, « certains systèmes nécessitent plus de doses, voire sont hors-norme si on applique le protocole européen (lire encadré), [1] rapporte Patrice Heid. L’écart de dosimétrie avec les systèmes de mammographie numérique (DR) est important, note-t-il. En dosimétrie 3D, les résultats varient beaucoup selon les systèmes, avec un « écart allant du simple au quadruple ». Les constructeurs promettaient que la dose cumulée des acquisitions 2D + 3D serait équivalente à une dose d’examen 2D classique. Ce cumul dépasse pourtant les valeurs limites préconisées par le protocole européen pour la 2D.

[contenu_encadre img= » » titre= »Le contrôle qualité européen » contenu= »L’Europe a développé un protocole de contrôle qualité. Il a été rédigé et publié par le groupe European Reference Organisation for Quality Assured Breast Screening and Diagnostic Services (EUREF). Par ailleurs, Le TOMMY trial est une grande étude anglaise qui teste la tomosynthèse dans le domaine du dépistage. Elle prévoit un contrôle qualité obligatoire réalisés par des physiciens » auteur= » » legende= » » credit= » »]

La qualité d’image est moins bonne

La tomosynthèse nécessite logiquement une dose plus élevée pour baisser le rapport signal/bruit. Cette exigence pose le problème du rapport bénéfice sur risque de la modalité, avec le nombre de cancers détectés, le nombre de faux positifs, les cancers radio-induits… En ce qui concerne la qualité d’image, évaluée sur fantôme, « les systèmes ont un écart important en image 2D. Et en tomosynthèse, la qualité d’image est moins bonne qu’en 2D. Là aussi, l’écart entre les systèmes est relativement important, souligne Patrice Heid. Le rapport qualité image dose est important. On se rend compte qu’il y a des soucis en termes de qualité d’image. On ne peut pas aujourd’hui comparer la tomosynthèse sur les appareils actuels à la 2D dans ce domaine », explique-t-il.

Les vues synthétiques ne se valent pas

La vue synthétique est la reconstruction d’une image 2D à partir de l’acquisition des images 3D. Elle est validée chez certains constructeurs et en cours de développement ou validation chez d’autres constructeurs. « Elle ne peut pas aujourd’hui remplacer la 2D. Il faut faire des études cliniques. De plus, toutes les vues synthétiques ne se valent pas, ne donnent pas le même résultat », commente Patrice Heid. Une compression minimale reste nécessaire car elle permet de diminuer la dose, le flou cinétique, le diffusé, etc.

Des études par constructeur et un contrôle qualité

Face à de telles disparités entre appareils, il faut des études cliniques par constructeur ainsi qu’un contrôle qualité, conclut Patrice Heid. « L’augmentation de la dose limite est envisageable si le rapport bénéfice risque est bon. Certains appareils disposent de plusieurs niveaux de dose et de plusieurs modes tomo. Pour pouvoir choisir, il faut des preuves cliniques. La vue synthétique pourra répondre à une partie de la problématique si les résultats cliniques sont avérés pour chaque constructeur », estime-t-il.

Un lobbying « inacceptable » auprès de l’ANSM

La France doit adapter dans sa législation le protocole européen du contrôle qualité, poursuit-il. « C’est très long et chaotique. Les constructeurs font un lobbying absolument inacceptable auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Cette dernière se laisse enfumer à un degré incroyable », dénonce-t-il. En parallèle, l’Europe travaille. L’EUREF devrait donner des validations machine par machine avec tests. « Certains appareils pourraient ne pas être validés au départ », prévient-il.

Auteurs

Virginie Facquet

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