Docteur Imago / L’aimant de 11,7 T est arrivé au centre NeuroSpin en mai 2017. Quand les recherches vont-elles commencer ?
Denis Le Bihan / Il faudra encore attendre trois ou quatre ans avant de commencer les études et de voir les bénéfices médicaux. Cet aimant est exceptionnel, c’est le plus volumineux au monde. Il permettra d’obtenir le champ magnétique le plus élevé jamais atteint chez l’homme, équivalent à 223 000 fois celui de la terre. Il va d’abord faire l’objet de tests. Nous allons monter en puissance par paliers. Avant qu’il atteigne les 11,7 T il va s’écouler un an. Puis il va être intégré dans une IRM, ce qui va encore prendre quelques mois. Pour l’utiliser sur l’homme, nous devrons obtenir l’autorisation de l’Agence nationale du médicament et des produits de santé (ANSM). Nous espérons examiner notre premier sujet humain volontaire fin 2019 ou début 2020.
D. I. / Comment cet aimant sera-t-il utilisé au sein du centre NeuroSpin ?
D. L. B. / C’est un instrument de recherche scientifique sur le cerveau. Pour l’instant, des physiciens vont travailler dessus pour s’assurer que le système fonctionne. Il y a aussi des neuroscientifiques, des radiologues, des neurologues et des cliniciens de différentes disciplines. Les principaux enjeux sont de mieux comprendre le fonctionnement normal du cerveau ainsi que des pathologies, et de développer des biomarqueurs pour les diagnostics.
D. I. /Quelles sont les perspectives pour la recherche en neuro-imagerie ?
D. L. B. /La principale motivation, c’est qu’en augmentant le champ magnétique, nous allons augmenter le signal. Cela va nous apporter un gain en résolution spatiale très important. Nous allons passer d’une précision au millimètre à une précision au dixième de millimètre. Cette finesse va servir d’une part pour l’étude du cerveau normal. Avec l’imagerie, nous avons identifié environ 200 régions cérébrales qui sont théoriquement spécialisées dans des fonctions que l’on ne connaît pas pour la plupart. Nous espérons être capables d’analyser des neurones et des cellules gliales au sein de chaque région, avec l’éventualité de pouvoir un jour faire le lien entre la structure et la fonction à une échelle de quelques centaines ou quelques milliers de cellules.
D. I. / Vous vous intéresserez aussi aux pathologies du cerveau…
D. L. B. /L’une des pistes à étudier est la maladie d’Alzheimer. Nous espérons voir l’hippocampe, où la pathologie se manifeste en premier lieu avec une grande précision pour pouvoir faire un diagnostic précoce. C’est un peu l’idée d’une biopsie virtuelle pour observer le cerveau humain à une échelle inédite. Cela va nous servir également pour les recherches sur l’épilepsie et la compréhension des pathologies psychiatriques. Mon espoir aussi, c’est que l’on découvre des choses dans le cerveau dont on n’a pas la moindre idée aujourd’hui.
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