Docteur Imago / D’où est parti ce projet d’appareil de radio adapté aux pays émergents ?
Bertrand Klaiber / C’est un projet de recherche lancé en 2012 avec des universités en Suisse et au Cameroun. Il a abouti à la fabrication d’un prototype. La société Pristem a ensuite été créée pour industrialiser cette nouvelle technologie. Nous recherchons des financements et négocions avec des investisseurs. L’appareil sera commercialisé d’ici deux ans.
D. I. / Pourquoi avoir entrepris cette démarche ?
B. K. / Il y a un très grand besoin mais aussi un marché dans les pays émergents. Aujourd’hui, ils s’équipent en partie grâce à des donations, mais ce système conduit souvent à l’échec, parce que le matériel donné est obsolète ou en mauvais état, ou qu’il n’est pas entretenu car les gens ne se l’approprient pas. Et quand les financements s’arrêtent, tout tombe à l’eau. On se retrouve avec des poubelles d’équipements médicaux dans les hôpitaux. Le Bénin a récemment refusé un important don d’équipements médicaux de France car ce sont un peu des cadeaux empoisonnés. Nous pensons qu’une solution durable passe par une approche commerciale. Cette approche est aussi préconisée par l’OMS et de nombreux gouvernements.
D. I. / Quelles sont les particularités de fonctionnement et de conception de votre équipement ?
B. K. / Nous voulons prouver qu’il y a un marché et qu’il nécessite des équipements moins chers et adaptés au contexte. Notre machine a donc été conçue pour résister à l’humidité, à la chaleur et à la poussière des climats tropicaux. Elle peut fonctionner de manière efficace malgré les infrastructures défaillantes ou manquantes de nombreux hôpitaux dans les pays du Sud. Nous avons mis au point un système d’alimentation électrique adapté aux réseaux très perturbés, qui fonctionne avec des panneaux solaires. Pour faire baisser les prix, nous avons opté pour un système numérique. L’analogique coûte trop d’argent : les films sont chers, il faut de l’eau pour développer, et la qualité d’image est mauvaise. De plus, le personnel médical et technique est souvent peu formé. Il fallait donc créer quelque chose de facile à utiliser. Et comme la plupart des hôpitaux n’ont pas de systèmes informatiques, notre solution comprend une suite logicielle et une station de travail pour être autonome.
D. I. / Quelles zones géographiques ciblez-vous ?
B. K. / Nous commençons par l’Afrique car les constructeurs ont négligé ce marché. Nous visons aussi à terme les marchés d’Asie du sud-est, l’Inde, la Chine, ainsi que l’Amérique du Sud. En outre, le fait d’offrir un système de radiologie très performant, durable et bon marché va certainement ouvrir la porte de certains segments de marché dans les pays industrialisés.
D. I. / Comment avez-vous fixé le prix de votre machine ?
B. K. / Les pays émergents achètent de plus en plus des équipements qui viennent d’Inde ou de Chine. Nous essayons donc de nous aligner sur leurs prix. Notre but est d’offrir la qualité suisse à un prix plus bas. Notre appareil n’est pas nettement moins cher à l’acquisition mais il fait la différence au niveau du coût total de possession. Dans les pays émergents, les équipements sophistiqués tombent vite en panne à cause des conditions climatiques et les frais de maintenance sont très élevés. Notre équipement a besoin de très peu de maintenance. Il n’y a pas de consommables. Il est vraiment fait pour coûter un minimum à l’usage.
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