« Il faut montrer au patient que nous existons et que nous jouons un rôle clé, déclarait Alain Blum, radiologue au CHRU de Nancy, dans nos pages il y a quelques semaines. Je le constate lors de mes consultations : les patients sont demandeurs d’un contact avec le radiologue. Il peut leur détailler des choses que ne peuvent pas leur expliquer les autres médecins. » Mieux informés des tenants et aboutissants de leur examen, les patients ressortiraient gagnants d’une communication renforcée avec le radiologue. L’inverse serait aussi vrai selon Alain Blum, qui considère qu’une relation radiologue patient plus étoffée pourrait garantir la survie de la spécialité. « Si le radiologue ne se montre plus et que la machine le supplante, il risque de disparaître, redoute-t-il. Tous les jours, j’entends des gens qui me disent qu’ils n’ont pas vu de radiologue, qu’ils ne savent pas ce qu’est un radiologue. Dans ces conditions, il est difficile de défendre la spécialité. »
Gérer le patient de A à Z
Des radiologues l’ont bien compris et œuvrent au quotidien pour maintenir le lien avec les patients. C’est le cas de Boris Guiu, radiologue interventionnel à l’hôpital Saint-Eloi de Montpellier (34). Son service tient non seulement des consultations radiologiques avant et après les procédures, mais gère aussi toute l’hospitalisation. « Nous avons des lits, ce qui n’est pas courant. Nous revoyons le patient en consultation, nous programmons les imageries de suivi. Bien sûr, tout cela se fait dans le cadre de réunions de concertation pluridisciplinaire où les décisions sont prises en commun, mais nous maîtrisons la filière du début à la fin. »
« C’est ce qui rend le métier passionnant »
Boris Guiu insiste sur la nécessité pour les radiologues de s’approprier cette mission vis-à-vis du patient. « C’est vital pour deux raisons, plaide-t-il. D’une part pour que le patient nous considère comme des vrais thérapeutes plutôt que comme des photographes. D’autre part parce que c’est le sens de la médecine : nous ne devons pas être que des techniciens. » Pour lui, ce type de prise en charge donne tout son intérêt à l’activité interventionnelle. « Nous devons donner l’information aux patients car c’est nous qui faisons le geste, expliquer les risques car c’est médicolégal. Nous devons les suivre, les mettre dans de bonnes conditions, les faire sortir ou les garder quand c’est nécessaire, les revoir et gérer le suivi, énumère-t-il. Et quand il y a une récidive il faut aussi la gérer. C’est ce qui rend le métier passionnant ».
Une position unique vis-à-vis du patient
Radiologue spécialisé en imagerie digestive et pelvienne au centre hospitalier Lyon-Sud, Pascal Rousset a fait du relationnel avec le patient une conviction. « En radiologie, notre position vis-à-vis du patient est singulière, souligne-t-il. Nous voyons à travers les patients. Il y a quelque chose qui relève parfois de l’intime pour eux et qui n’est pas toujours facile à comprendre. Lorsque nous discutons avec eux, nous leur donnons une vision de l’anatomie, de la physiologie, et une représentation de la médecine que n’ont pas les chirurgiens et les cliniciens. Grâce à l’image, nous pouvons leur montrer des anomalies, leur faire comprendre leur pathologie. »
Un lien souvent imperceptible
En y regardant de plus près, le lien entre le patient et le radiologue existe bel et bien, mais il a la particularité d’être souvent imperceptible, explique Pascal Rousset : « Nous ne sommes pas en première ligne mais nous infléchissons directement la prise en charge. Nous le constatons lors des réunions de concertation pluridisciplinaire où les décisions de prise en charge thérapeutique dépendent ce que nous annonçons en imagerie. Tout cela est le plus souvent invisible pour le patient. » Cette relation avec le patient a pu s’étoffer de façon progressive, en partie à travers la spécialisation. « Avec la spécialisation, il y a une meilleure compréhension du parcours du patient. Nous avons donc la possibilité d’être un interlocuteur pour lui expliquer les choses, estime Pascal Rousset.
Il faut aussi savoir se mettre en retrait
« Cependant, prévient-il, le radiologue doit aussi se positionner dans le parcours de soins. Il faut savoir où mettre le curseur dans la réception du patient. » De fait, cet aspect relationnel est parfois difficile à doser, aussi bien vis-à-vis des confrères que des patients eux-mêmes, car le radiologue doit aussi savoir se mettre en retrait. « Certains patients seront très demandeurs de contact avec nous pour avoir le diagnostic, tandis que d’autres ne voudront pas nous voir et préféreront se référer à leur clinicien pour connaître la suite. »
La formation pour sensibiliser les internes
Afin de prêcher la bonne parole auprès des futures générations, Pascal Rousset a créé un module de simulation relationnelle à destination des internes de sa région. Une formation basée sur le volontariat… pour le moment. « Je n’ai pas voulu les contraindre, mais je pense qu’à terme, ce module deviendra obligatoire car les futurs médecins doivent tous avoir une formation minimale pour savoir comment accueillir et s’entretenir avec un patient », déclare-t-il. La séance est basée sur des jeux de rôle dure une matinée. « Ils repartent enthousiastes, constate-t-il. Cela leur ouvre des perspectives. »
Tout dépend de la personnalité de chacun
Aujourd’hui, seul un tiers des internes prennent part à cette formation. « Il y a encore des progrès à faire », note Pascal Rousset, qui reste conscient que la relation avec le patient dépend aussi de la personnalité et des affinités de chacun. « Les internes qui choisissent la radiologie ont parfois le souhait de se retrancher derrière la technique et de ne pas être forcément dans un rapport immédiat avec le patient. »
Discussion