L’enquête réalisée par quatre syndicats d’étudiants, d’internes et de médecins (Anemf, Isnar-IMG, ISNCCA, ISNI) et dont les chiffres ont été dévoilés le 13 juin 2017, révèle que sur les 22.000 réponses au questionnaire mis en ligne, 66,2% des déclarants présentaient des signes d’anxiété, 27,7% des signes de dépression, et 23,7% ont eu des idées suicidaires dont 5,8% dans le mois précédant l’enquête.
Un constat accablant
Avant de lancer cette enquête nationale en début d’année, l’Intersyndicat national des internes (ISNI) avait relevé de nombreux signes avant-coureurs, avec des conséquences parfois dramatiques : « Nous avons connaissance depuis novembre de cinq suicides d’internes, explique Leslie Grichy, vice-présidente des questions sociales de l’ISNI. Ce n’est pas nouveau, il y a des suicides tous les ans. Devant ce constat nous avons donc mis en place des cellules d’écoute dans une dizaine de villes françaises. » Très vite, le syndicat réalise que ces cellules d’écoute ne sont pas un outil suffisant pour prendre en charge la détresse des soignants : « Nous étions face à des internes qui étaient déjà au bout du rouleau, avec un risque suicidaire important. Il nous a donc semblé essentiel de mettre en place des mesures préventives. Pour cela, nous avions besoin de données chiffrées sur lesquelles nous appuyer. C’est pour cela que nous avons lancé cette enquête. »
Des causes multifactorielles
Les quatre syndicats ont mis en ligne un questionnaire basé sur le barème « Hospital anxiety depression scale », une échelle validée internationalement et qui permet d’établir un score d’anxiété et de dépression. La principale raison du mal-être des soignants trouve sa source dans un rythme de travail infernal: « La législation n’est pas appliquée, dénonce Leslie Grichy. Il y a des internes qui travaillent plus de 60 heures par semaine, et d’autres plus de 24 heures d’affilée. On sait très bien que c’est un facteur de dépression. » Une autre cause serait une conséquence inhérente à la mission quotidienne des soignants : « En tant que médecin, nous sommes confrontés à la souffrance, à la maladie, à la mort, et malgré ce que l’on peut nous apprendre de manière informelle, nous n’y sommes pas insensibles. »
Un sujet tabou
En dévoilant les résultats de leur enquête, les syndicats espèrent apporter un éclairage sur le mal-être des médecins, un sujet qui reste encore tabou… y compris pour eux-mêmes : «Certains internes culpabilisent de nous appeler, révèle Leslie Grichy. C’est difficile de demander de l’aide quand on est médecin. » Pour illustrer cette réalité, la représentante de l’ISNI cite les travaux d’Éric Galam sur la souffrance des soignants et l’exigence de toujours renvoyer l’image d’un professionnel infaillible : « Cela englobe tout ce qu’on nous apprend à être de manière implicite en tant que médecin : être surpuissant face à la maladie et sans affect vis-à-vis des patients. Donc les médecins, en plus d’être une population à risque, sont aussi une population qui ne va pas consulter car ils pensent qu’ils n’en ont pas le droit. Cela engendre des retards de diagnostic et de prise en charge qui conduisent ensuite à des résultats catastrophiques. »
Trois propositions présentées au ministère
Peu de temps après l’enquête, les représentants de l’ISNI ont été reçus au ministère de la Santé : « Nous avons formulé trois propositions principales : à court terme le respect de la législation sur le temps de travail, à moyen terme le développement de la formation des médecins au management, et à long terme une amélioration du service de santé au travail pour que tous les étudiants en médecine puissent en bénéficier, notamment à travers les bureaux d’interface professeurs-étudiants. » Le syndicat attend désormais des actes concrets de la part des autorités et maintient sa vigilance: « L’idée c’est de faire d’autres enquêtes de ce genre et de faire une veille pour voir si des mesures seront réellement mises en place. »
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