Docteur Imago / Un article publié dans la revue European Journal of Radiology [1] s’interroge sur l’efficacité de la double lecture en mammographie. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Isabelle Doutriaux-Dumoulin / Cette méta-analyse reprend quatre publications qui montrent que la double lecture aboutit à détecter plus de cancers mais que cette différence n’est pas statistiquement significative. Elle aurait, de plus, l’inconvénient de faire grimper le taux de faux positifs. Les auteurs concluent donc à l’absence de bénéfice en termes de coût-efficacité de la deuxième lecture par rapport à une simple lecture. Toutefois, les études qu’ils ont rassemblées se basent sur des modes de dépistage différents du nôtre. On peut se demander si cette revue de littérature est transposable aux résultats français. La question de l’efficacité mérite cependant d’être posée car la double lecture a un coût.
Docteur Imago / En quoi notre dépistage est-il particulier par rapport aux autres pays ?
Isabelle Doutriaux-Dumoulin / Il est décentralisé. Après invitation, les femmes vont chez le radiologue agréé de leur choix, au plus près de chez elles. Dans beaucoup d’autres pays, elles doivent se rendre dans des centres de dépistage. En France, les radiologues qui font du dépistage doivent lire plus de 500 mammographies par an. Ceux qui interviennent dans les quatre publications citées par Margarita Posso et coll. ne font que ça. Ils lisent entre 1700 et 5000 mammographies par an. L’expertise est donc très différente.
Docteur Imago / Et en ce qui concerne la lecture des examens ?
L’autre trait propre à la France, c’est que la seconde lecture centralisée, réalisée au centre de gestion de dépistage, ne concerne que les mammographies interprétées comme normales par le premier radiologue. Dans la méta-analyse que vous citez, tous les examens de dépistage sont vus par un deuxième lecteur. Il y a ensuite un troisième lecteur, ou un panel de lecteurs, qui relit tous les dossiers positifs discordants des lecteurs 1 et 2. C’est ce qu’on appelle une double lecture avec consensus. En France, le premier lecteur prend en charge les dépistages positifs et n’envoie en deuxième lecture que les dépistages normaux. Les dépistages positifs du deuxième lecteur s’ajoutent ensuite aux positifs du premier lecteur.
Docteur Imago/ Quels sont les chiffres de la double lecture en France ?
Isabelle Doutriaux-Dumoulin / Nous avons un taux de cancer dépisté en deuxième lecture de 0,45 pour 1000, soit 6,1 % des cancers dépistés (chiffres 2013-2014 Santé publique France-InVS). Cette proportion de cancers détectés par la L2 varie selon les départements entre 2 % et 17 %. La deuxième lecture en France permet de détecter 1 100 cancers par an.
Docteur Imago/ Pourrait-on imaginer que le système de dépistage évolue dans les prochaines années ?
Isabelle Doutriaux-Dumoulin / Le dépistage du cancer du sein, généralisé à l’ensemble du territoire français en 2004, repose historiquement sur la radiologie libérale. L’idée était à l’époque que chaque femme puisse aller chez le radiologue le plus proche de son domicile. Aujourd’hui, l’évolution technologique, en particulier l’arrivée de la tomosynthèse, ainsi que la démographie médicale, imposent un regroupement des cabinets de radiologie. On peut donc se demander si ce mode de fonctionnement du dépistage est toujours pertinent… Je n’ai pas la réponse.
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