Docteur imago / Début 2017, l’UNCAM a décidé de baisser les tarifs de certains actes réalisés par les radiologues, pour opérer notamment des économies, provoquant le mécontentement des radiologues. Qu’en pensez-vous ?
Nicolas Dupont-Aignan / Le système de santé français tel qu’il fut conçu à la Libération a longtemps été une fierté et reposait sur l’excellence de nos médecins et un système de remboursement performant. Les difficultés, réelles, de financement ont cependant inspiré à nos gouvernants des politiques de rabotage budgétaire progressif au détriment des patients et des professionnels de la santé, sans que la nature des problèmes soit véritablement réglée.
Vous comprendrez donc que je ne saurais cautionner la baisse des tarifs décidée par l’UNCAM. D’autres économies de long terme peuvent être réalisées, sans pénaliser ceux qui font vivre notre système de santé. Je pense notamment à la mise en place d’un modèle de santé préventif s’appuyant sur les nouvelles technologies et les nouveaux outils de dépistage. Les pistes sont nombreuses :
- mesure, grâce à des objets connectés, des données relatives à son corps et à ses activités afin de les analyser et/ou de les partager en vue d’avoir un meilleur contrôle sur son bien-être ou sa santé ;
- des patients mieux informés et acteurs de leur santé qui s’appuieront sur les nouvelles technologies pour structurer des communautés de patients, notamment pour les maladies chroniques (forums de discussion/réseaux sociaux), suivre leur état de santé (objets connectés/santé mobile) ou encore se former (e-learning/e-coaching).
- Les professionnels de santé connectés, co-acteurs d’un collectif de soins s’appuyant sur de nouveaux outils performants centrés sur les pratiques médicales, la mise en réseau des professionnels de santé et la refonte des parcours de formation.
D. I. / Le taux d’équipement en IRM en France ainsi que les délais d’attente pour passer un tel examen inquiètent les professionnels de santé en imagerie médicale. Le système d’autorisation pour les équipements lourds en imagerie médicale doit-il évoluer, dans son concept même et/ou son application ?
N. D.-A. / L’imagerie médicale doit être organisée autour du patient. Dans de nombreux territoires, seule la mutualisation des moyens humains et matériels en imagerie peut permettre d’assurer pour tous les patients l’accès à l’ensemble des techniques d’imagerie.
Ces regroupements peuvent favoriser le maintien du maillage territorial (c’est l’imagerie de première intention, indispensable pour les médecins traitants), le développement du dépistage du cancer du sein, assuré à 80 % par les radiologues libéraux, et l’accès à des plateaux techniques de pointe, en particulier l’IRM.
D. I. / Les radiologues souffrent, comme les autres médecins, d’une pénurie démographique. Comptez-vous agir pour pallier ce problème ?
N. D.-A. / L’accès à la santé est un droit garanti. Or l’État ne remplit plus sa mission en la matière. Les fractures territoriales s’accroissent, les évolutions démographiques de certaines branches de la santé accentuent la raréfaction des médecins sur des parcelles de plus en plus nombreuses du territoire. Si le numerus clausus a doublé entre 1997 et 2007, il stagne depuis 9 ans. Je prévois dans mon projet l’augmentation du numerus clausus de médecins d’1/3 pour atteindre 10 000 praticiens par an, toutes spécialités confondues.
D. I. / La loi créant les groupements hospitaliers de territoire prévoit une mutualisation des moyens techniques et humains en imagerie médicale. Cela va-t-il dans le bon sens ?
N. D.-A. / La création des GHT découle d’une logique bureaucratisante à laquelle je m’oppose : elle rompt l’équilibre précieux entre le public et le privé. L’hospitalocentrisme autour des CHU – dont le contrôle s’étend désormais jusqu’à la validation de certains équipements lourds dans les blocs opératoires en matière notamment de radiologie et de biologie — est une ingérence contre laquelle je me bats.
D. I. / 47 % des postes de radiologues exerçant à l’hôpital ne sont pas pourvus, d’après plusieurs représentants de la profession. Comment imaginez-vous agir pour garder les professionnels dans le secteur public ?
N. D.-A. / Cela peut commencer par la fin de la baisse des tarifs d’imagerie et par une réorganisation de l’hôpital public mettant en œuvre la déconcentration budgétaire par pôles et services, pour rationaliser son utilisation et la participation plus resserrée des professionnels concernés.
D. I. / Les médecins libéraux critiquent la mise en place du système de tiers payant généralisé. Comment voyez-vous leur place dans le système de santé ?
N. D.-A. / Je mettrai fin à l’obligation de tiers payant généralisé et reviendrai à la situation d’avant la réforme Touraine pour alléger le travail du médecin et lui redonner la pleine maîtrise de ses revenus.
D. I. / La radiologie interventionnelle fait l’objet de nombreuses avancées en termes de traitement mini-invasif pour les patients. D’un autre côté, les radiologues déplorent le manque de remboursement dans cette spécialité. Favoriserez-vous le développement de cette discipline ? Avec les radiologues ?
N. D.-A. / L’imagerie interventionnelle a toute sa place dans la thérapeutique, avec des actes comme les infiltrations. Elle se substitue à des actes chirurgicaux plus lourds, plus invasifs et beaucoup plus coûteux. Il faut donc bien sûr l’encourager, en associant cardiologues et radiologues.
D. I. / L’article 99 de la loi de santé prévoit la possibilité pour l’UNCAM de décider unilatéralement les tarifs en imagerie lourde, en court-circuitant le conventionnement négocié avec les professionnels concernés. Qu’en pensez-vous ?
N. D.-A. / Ce ne sont pas des méthodes que j’approuve. Dès mon élection je réunirai les États généraux de la santé avec tous les professionnels concernés pour bâtir un régime de sécurité sociale unique (supprimer le régime social des indépendants (RSI) ainsi que l’affiliation obligatoire à une mutuelle d’entreprise pour les salariés). Y seront discutées les dispositions les plus défavorables de la loi du 13 août 2013. Le mode consultatif doit devenir la norme de gestion de notre système de santé.
D. I. / Le décret d’actes des manipulateurs d’électroradiologie médicale prévoit la délégation possible de l’échographie par les médecins. Cela doit-il être encouragé ? Dans quel but ?
N. D.-A. / Je refuse cette dérive qui dévalorise les professions de santé et m’oppose à toute politique d’accès partiel à une profession réglementée.
D. I. / Souhaitez-vous rajouter quelque chose ?
N. D.-A. / De manière plus générale, je veux rétablir l’égalité d’accès des Français à la santé. Beaucoup doit être fait en la matière. Je pense notamment à la réduction des déserts médicaux, qui sera possible si nous permettons aux médecins s’y établissant de toucher plus de revenus via des diminutions de cotisations d’Urssaf et si nous remettons de l’ordre dans l’implantation des maisons de santé afin de s’assurer qu’elles couvrent correctement le territoire et ne créent pas de nouveaux déséquilibres.
Les dépenses de santé des Français, contrairement aux idées reçues, ne sont pas excessives : elles comptent pour 10,9 % du PIB contre 16,4 % aux États-Unis. La politique de relocalisation d’emplois que je préconise, par une baisse des charges massives sur nos entreprises qui investissent en France assurera la survie d’un système de santé que nous devons préserver.
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