Analyse

Le décret d’actes ramène certaines pratiques dans la légalité

Le nouveau décret d’actes des manipulateurs d’électroradiologie médicale met fin à la surveillance obligatoire par les médecins de leur travail. Si, pour certains représentants des deux professions, cette mesure n’a fait qu’introduire dans la loi des évolutions de fait, elle semble aussi destinée à pallier rapidement et à moindres frais le déficit de médecins.

Le 25/01/17 à 8:00, mise à jour hier à 14:16 Lecture 3 min.

Le nouveau décret d'actes facilite l'exercice de la téléradiologie en permettant aux manipulateurs de réaliser certains actes seuls. Un moyen de lutter contre la pénurie de radiologues (photo d'illustation). © Carla Ferrand

Pourquoi avoir remplacé le décret d’actes de manipulateurs d’électroradiologie médicale ? La question peut se poser, tant le nouveau texte, publié le 5 décembre 2016, ouvre la voie à une transformation des pratiques, aussi bien pour les manipulateurs que pour les radiologues. Pour rappel, sa principale mesure est la suppression de la surveillance obligatoire par le médecin de certains actes du manipulateur. Désormais, le niveau de présence « réglementaire » du praticien varie selon les actes. Pour certains, il n’a plus besoin d’être physiquement là. Pour d’autres, il n’a même plus à être « en mesure d’intervenir immédiatement ».

Mettre les textes en conformité avec le terrain

Pour une partie des représentants de la profession, dont certains ont travaillé à sa rédaction, le principal objectif est d’inscrire dans la loi une situation de fait. « Le texte d’avant était trop ancien et ne correspondait plus aux situations cliniques que l’on connaît, il fallait le dépoussiérer », expliquait Laurent Verzaux, responsable du groupe téléradiologie de la Société française de radiologie (SFR), le 12 janvier dernier. « Avec le développement de la téléradiologie et l’arrivée de la radio dans tous les services d’urgence, il y avait de nombreux cas de figure où le radiologue et l’urgentiste n’étaient pas présents. L’ancien décret était en décalage complet avec la réalité du terrain », détaillait Fabien Voix, président de l’Association française du personnel paramédical d’électroradiologie, le 22 décembre 2016. En clair, radiologues et manipulateurs travaillaient hors du cadre réglementaire. Ils avaient donc intérêt à ce que ce dernier change.

Pallier la pénurie de radiologues

Pour d’autres, les enjeux sont plus importants. La CGT estime ainsi que la pénurie de radiologues a « pesé forcément dans certaines décisions ». Au vu des chiffres, l’hypothèse semble plausible. Dans les hôpitaux publics, le taux de vacance des emplois statutaires de radiologue atteignait en effet 40,9 % au 1er janvier 2015, selon un rapport du ministère des Affaires sociales et de la santé. La situation s’aggrave, d’autant que de nombreux départs en retraite interviendront dans les prochaines années. Une augmentation massive du numerus clausus n’aurait pas d’effet avant une décennie. Autorisés à travailler seuls dans certaines conditions, les manipulateurs de petits services locaux pourraient réaliser des examens que des radiologues interpréteraient à distance, grâce à la téléradiologie. Ces derniers pourraient alors se concentrer sur leur cœur de métier : l’interprétation des clichés et le diagnostic. Idem dans le privé, où un radiologue pourrait « tourner » entre plusieurs cabinets ou recevoir les examens depuis des cabinets de proximité.

Faire des économies

La CGT, encore elle, décèle aussi des préoccupations financières dans le décret d’actes. « La pénurie médicale a été créée volontairement pour justement reporter sur les paramédicaux des actes, ceci à moindre coût et sans reconnaissance salariale pour ces professionnels », dénonce-t-elle. Là encore, l’assertion apparaît crédible d’un point de vue comptable. Dans la fonction publique hospitalière, un manipulateur de classe normale et de catégorie B en début de carrière gagne 1 616,35 € par mois, quand le traitement d’un radiologue s’élève à 4 106,04 € bruts mensuels au 1er janvier 2017. Sans compter que la formation d’un manip est moins chère que celle d’un radiologue. Dans une dynamique de baisse des dépenses, l’argument a de quoi séduire le Gouvernement, même s’il n’a émis aucun commentaire en ce sens.

Auteurs

Jérome Hoff

Rédacteur en chef adjoint

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