« Jamais la première fois sur un patient. » C’est le credo de l’apprentissage par la simulation. Cette méthode permet aux étudiants, aux internes et aux professionnels médicaux et paramédicaux de s’exercer à de nouvelles techniques, dans un contexte réaliste, avant de plonger dans le grand bain. Née aux États-Unis, la simulation s’est progressivement implantée en France ces dix dernières années.
Une obligation hétérogène
Dans notre pays, la loi n’impose que rarement le recours à la simulation. « Elle n’est obligatoire que pour la formation des infirmières, explique Jean-Claude Granry, président de la Société francophone de simulation en santé (Sofrasims) et responsable du centre de simulation du CHU d’Angers. En médecine, il n’y a pas d’obligation réglementaire. Cela dépend de chaque spécialité et même de chaque CHU. Dans certains établissements la formation par la simulation est obligatoire pour les internes. »
Une question d’éthique
Au-delà de l’aspect réglementaire, le développement de la simulation est le fruit de considérations éthiques. Un changement d’état d’esprit semble s’opérer, même si, pour Jean-Claude Granry, il y a encore « beaucoup de travail à faire ». « Pour beaucoup d’étudiants en médecine il n’y a rien de choquant à faire un geste la première fois sur un patient, s’étonne-t-il. Aujourd’hui, c’est pourtant parfaitement anormal. »
La simulation dans chaque CHU
En 2015, la ministre de la santé Marisol Touraine avait émis le souhait que tous les CHU soient équipés d’un centre de simulation d’ici 2017. « C’est pratiquement le cas aujourd’hui, remarque Jean-Claude Granry, mais c’est très variable en importance. La HAS répertorie trois types de centres de simulation qui vont du plus simple au plus élaboré. » Au total, la France dénombre une centaine de structures de simulation, dont une quarantaine de type 3, les plus sophistiquées.
Des financements publics
Pour ce qui est des financements, la simulation en santé bénéficie d’une dotation ministérielle « de 8,2 millions d’euros par an depuis 2013 », indique le président de la Sofrasims. Plusieurs centres de simulation sont issus d’un partenariat entre CHU et université et les financements proviennent du public : état, régions, conseils généraux, etc. « Il y a aussi la possibilité de faire appel au privé, par exemple avec des laboratoires. Mais cela pose le problème des conflits d’intérêts. Cela peut être une solution si les choses sont faites de manière transparente. »
Réalité virtuelle et mannequins haute-fidélité
La simulation en santé bénéficie désormais d’espaces dédiés de plus en plus vastes. Des salles reproduisent à l’identique l’environnement hospitalier : salles d’accouchement, blocs opératoires, services de réanimation ou d’imagerie médicale, etc. De caméras permettent de revoir et d’analyser les gestes. La simulation bénéficie de technologies de plus en plus sophistiquées. Des mannequins haute-fidélité permettent ainsi aux apprenants de répéter autant de fois que nécessaire avec du matériel professionnel. « Il y a trois types de simulation, détaille Jean-Claude Granry. Synthétique avec des mannequins, humaine avec des acteurs, et numérique avec la réalité virtuelle. »
La HAS et le ministère nous ont beaucoup soutenus
Après avoir connu quelques lenteurs, la simulation en santé en France commence à prendre de l’ampleur. « Nous avons rattrapé notre retard sur les cinq ou six dernières années, notamment grâce aux institutions, poursuit Jean-Claude Granry. La HAS et le ministère nous ont beaucoup soutenus. Pour ce qui est de la simulation numérique, la France est plutôt dans le peloton de tête. Il nous manque juste un constructeur de simulateur mais il y a des projets en cours. »
La radiologie dans la plupart des centres
Depuis l’origine, la simulation est principalement tournée vers l’anesthésie-réanimation, la médecine d’urgence, la chirurgie et la néonatalogie. Pourtant, l’imagerie médicale a su trouver sa place dans la plupart des centres. Ils proposent des formations initiales et continues avec des thèmes comme la radiologie interventionnelle, la radioprotection, le traitement de l’image, les urgences vitales, l’ergonomie, la radio-anatomie, les protocoles en IRM ou la relation signant-soigné en radiothérapie.
Simuler la technique mais aussi la relation avec le patient
Audrey Fohlen, radiologue au CHU de Caen (Calvados), fait partie des membres du comité pédagogique et scientifique du centre de simulation Norsims, inauguré fin 2016 au sein de l’hôpital normand. Pour elle, la radiologie a tout à gagner avec la simulation, notamment en matière de relationnel et de communication. De son avis, ces compétences sont en effet peu enseignées durant la formation initiale des médecins. « Il y a la simulation très pratique, mais ce qui nous intéresse aussi c’est la simulation d’annonce au patient. On oublie souvent que le radiologue est un médecin à part entière. Il n’est pas qu’un prestataire de service qui fait l’examen et le compte rendu. Quand un clinicien examine un patient, il se pose une question et c’est le radiologue qui donne la réponse. C’est donc le radiologue qui se trouve face au patient. La simulation lui permet d’apprendre à communiquer avec ce dernier, de savoir comment se présenter, comment se comporter face à lui, comment lui expliquer ses résultats ou lui annoncer sa maladie. »
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