Fait-on trop d’actes d’imagerie ? Selon une partie de la littérature scientifique, la réponse est oui. « La surutilisation […] est un phénomène avéré dans les pays industrialisés », écrivent ainsi deux chercheurs canadiens [1], qui se basent sur des études antérieures. Selon eux, « ce sont 20 à 50 % des procédures d’imagerie qui seraient concernées ».
Des examens d’imagerie lourde sans l’avis du radiologue
Sans avancer de chiffres, la Cour des comptes relaie ce constat pour la France dans un rapport sur l’imagerie médicale, publié en 2016 [2]. « L’utilisation excessive des examens d’imagerie médicale est toujours une question d’actualité », note le document. Il s’appuie entre autres sur plusieurs publications de l’Académie nationale de médecine. La première date de 2013 [3]. Elle relève que les examens d’imagerie lourde sont « très souvent » prescrits en première ligne, « sans que l’imageur compétent, qui va effectuer l’examen, ait pu se prononcer ».
Résultats : des dépenses indues pour l’Assurance maladie et une irradiation moyenne annuelle en hausse de + 20 % en France entre 2007 et 2012, selon les relevés de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Pas de double lecture des mammographies après 74 ans
L’imagerie lourde n’est pas la seule pointée du doigt. L’Académie de médecine constate ainsi qu’un « grand nombre » de mammographies sont réalisées au-delà de 74 ans, l’âge limite de participation aux programmes de dépistage organisé, « en dehors des protocoles de double lecture ». Or, chez les femmes de ce profil, un surdiagnostic peut avoir des conséquences graves.
L’échographie banalisée
L’échographie est elle aussi mise en cause. Elle est décrite comme un examen « trop souvent réalisé banalement voire systématiquement sans recherche spécifique ». Comme pour la mammographie, passé un certain âge, des anomalies sans conséquence peuvent être découvertes et entraîner des examens complémentaires potentiellement nocifs. À noter qu’en 2014, selon les données collectées par la Cour des comptes, les radiologues réalisaient 51,23 % des actes d’échographie, les cardiologues, 15,06 %, les médecins généralistes, 14,73 %, les gynécologues, 12,95 %, et les autres spécialistes 6,02 %.
Des causes organisationnelles
La Cour des comptes et l’Académie de médecine avancent plusieurs raisons à ces excès d’examens. Parmi celles-ci, « le cloisonnement du système de santé, qui amène à des redondances par duplication des examens d’imagerie pour les mêmes patients » et « l’insuffisance des systèmes de partage et de transmission des données […] entre établissements de radiologie publics et privés ».
Les médecins se protègent, les patients consomment
Une autre source d’examens inutiles viendrait des médecins, qui pourraient être tentés de prescrire des actes complémentaires pour prouver l’absence de négligence en cas de problème, ou pour répondre aux « pressions consuméristes » des patients. Enfin, la Cour des comptes pointe du doigt « l’effet potentiellement inflationniste de la rémunération à l’acte ». « En activité libérale, rappelle-t-elle, toute modification des pratiques et des actes réalisés impacte directement les revenus. »
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