Finances publiques

La Cour des comptes préconise un cadre « plus strict » pour réguler les dépenses d’imagerie

Les dépenses d’imagerie évoluent à un rythme « difficilement soutenable », écrit la Cour des comptes dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, qui suggère la mise d’un protocole prix/volumes, avec une enveloppe sur plusieurs années « compatible avec une trajectoire de retour à l’équilibre ».

Le 17/10/22 à 7:00, mise à jour le 11/09/23 à 13:23 Lecture 5 min.

Selon les données de la Cour des comptes, les dépenses d'imagerie ont connu une hausse cumulée de 5,9 % de 2017 à 2019. Après une année 2020 marquée par la pandémie de Covid-19, elles ont rebondi de 11,7 % en 2021 pour atteindre près de 4,8 milliards d’euros. TouNTravail personnel, CC BY-SA 3.0, Lien

La Cour des comptes a publié ce 4 octobre 2022 son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, dont les dépenses représentent, rappelle-t-il, 35 % du produit intérieur brut (PIB), soit 813 milliards d’euros en 2020. Le secteur de l’imagerie, à la fois en développement du fait de l’innovation et confronté à des difficultés, fait partie des domaines dans lesquels des réformes sont nécessaires, estime la Cour.

Un accroissement du progrès technique

Les rapporteurs évoquent dans un premier temps les « évolutions multiples » que connaît le secteur de l’imagerie. « L’imagerie médicale est marquée par une vague de progrès technologiques dont il est attendu une amélioration du dépistage et du diagnostic », écrivent-ils. Parmi ces évolutions technologiques, ils citent l’apparition de techniques de pointe, le développement du numérique, l’arrivée d’appareils de plus en plus puissants ou encore l’hybridation. Le nombre d’appareils IRM aurait augmenté de 32 % de 2015 à 2020, selon le rapport. Une évolution qui devrait se poursuivre d’ici 2023.

L’imagerie lourde totalise de plus en plus d’examens

Ce progrès technique s’accompagne d’une augmentation du nombre total d’examens de 3,4 %, sur la période 2017-2019, mentionne le rapport, « les progressions les plus marquées concernant l’imagerie lourde (+ 12,9 % pour les IRM notamment). » En revanche, sur la période 2019-2021, le nombre total d’actes n’a augmenté que de 0,7 %, précise le document.

Mais un nombre insuffisant d’actes remboursés

Pourtant, seul un nombre limité d’examens innovants sont pris en charge, déplore le rapport. « Alors que l’innovation technique est foisonnante et rapide, seule une trentaine de nouvelles prestations ont été inscrites sur la liste des actes remboursables par l’assurance maladie depuis 2015. Celles-ci étant de surcroît très ciblées. Aucune de ces nouvelles inscriptions ne concerne des techniques s’appuyant sur l’intelligence artificielle. »

Les dépenses liées à l’imagerie lourde en hausse

Cette inertie autour de l’innovation n’empêche pas les dépenses d’imagerie d’augmenter. Selon les données de la Cour des comptes, elles ont ainsi connu une hausse cumulée de 5,9 % de 2017 à 2019. Après une année 2020 marquée par la pandémie de Covid-19, elles ont rebondi de 11,7 % en 2021 pour atteindre près de 4,8 milliards d’euros. Parmi les examens les plus dépensiers figurent les échographies et les actes d’imagerie lourde, qui ont « le plus contribué à la croissance de la dépense jusqu’en 2019 », selon le rapport.

Une évolution des dépenses « difficilement soutenable »

Pour contenir ces dépenses, la Cour des comptes appelle à une « plus grande pertinence des examens d’imagerie, en particulier pour l’imagerie lourde ». Les mesures prévues dans le cadre du protocole de régulation des dépenses élaboré en 2018 entre l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) et la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR), n’auraient pas suffi, estiment les rapporteurs. « Ce texte a posé le principe de mesures visant une plus grande pertinence des actes, leur degré de mise en œuvre étant censé déterminer des ajustements tarifaires plus ou moins amples… les objectifs relatifs à la pertinence des actes n’ont été que partiellement atteints », écrivent-ils. Dans cette situation, « le rythme d’évolution des dépenses consacrées à l’imagerie est difficilement soutenable », s’alarment-ils.

Vers un protocole prix/volume

Fort de ce constat, ils recommandent d’envisager « la mise en place d’un cadre plus strict ». Celui-ci prendrait la forme d’un protocole prix/volumes négocié avec les représentants des radiologues. Cet accord fixerait, sur plusieurs années, « une enveloppe de dépenses en imagerie diagnostique compatible avec une trajectoire de retour à l’équilibre des comptes de la branche maladie ».

Une hausse des tensions dans le secteur hospitalier

Le rapport pointe aussi les contraintes qui pèsent sur le développement du secteur de l’imagerie, à commencer par les difficultés croissantes que connaît l’activité hospitalière, « en raison d’une préférence accrue des radiologues pour l’exercice libéral, et d’une répartition territoriale inégalitaire », estime la Cour. L’hôpital rassemble seulement 22 % des radiologues, et le taux de vacance est en augmentation depuis 2015. « Les hôpitaux recourent à l’intérim médical ainsi qu’à l’intervention à distance de radiologues par la téléradiologie, pratique en fort développement mais insuffisamment régulée », mentionne le rapport.

Une coopération entre le secteur public et libéral

Afin de répondre à ces insuffisances dans les ressources humaines et aux besoins des populations dans le secteur public, le rapport préconise de développer la coopération entre l’hôpital et la ville. Une tâche difficile, du fait de « différences marquantes » entre les deux secteurs, concernant notamment la rémunération, l’acquisition de nouveaux appareils ou encore la participation à la permanence des soins, note le document. « La législation a prévu, en 2011, la possibilité de plateaux d’imagerie médicale mutualisés entre hôpitaux et cliniques (PIMM) mais le bilan est décevant : seuls trois plateaux ont été constitués et cinq sont en projet selon une enquête du ministère dans une dizaine de régions. »

Un accès inégal aux équipements d’imagerie selon les territoires

À cela s’ajoutent des disparités régionales concernant l’accès aux équipements, scanners et IRM, rappelle le rapport. « Il faudrait en moyenne 32 jours pour accéder à un examen d’IRM, soit 12 jours de plus que le délai maximal prévu par le plan cancer 2014-2019 pour permettre de détecter les cancers le plus tôt possible », soulignent les rédacteurs du document. La Cour des comptes recommande donc de « doter les ARS d’outils de suivi du taux d’utilisation des équipements, des volumes produits et des délais d’attente pour accéder aux plateaux d’imagerie lourde ». L’objectif est ainsi d’améliorer la répartition des équipements d’imagerie afin de permettre à un plus grand nombre de patients d’y avoir accès.

Auteurs

Solenn Duplessy

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