Le dernier congrès annuel de la Société française de neuroradiologie (SFNR) 1 a consacré une partie de ses débats au big data. Pour en parler, il a invité Jérôme Béranger, docteur en éthique du numérique. Chercheur associé à l’INSERM à l’université de Toulouse, il a cofondé la société Adel, dont il gère la sécurité informatique. « Depuis quelques années, nous assistons un vrai déluge de la numérisation. Nous partons d’une démarche hypothético-déductive vers une démarche empiro-inductive », entame-t-il. Dans ce contexte, les interactions avec les personnes sont de plus en plus réduites et les relations dématérialisées.
Les Big Data, un paradoxe
« Il y a un paradoxe dans les big data : on croise des données différentes, dépersonnalisées pour aller vers une médecine personnalisée, ciblée », poursuit-il. Un paradoxe entre l’amont et l’aval qui s’appuie sur la recherche, la science et les soins. La médecine 3.0 est celle des applications de bien-être. La médecine 4.0 est celle des big data et de la « Watsonisation » de la médecine 2. Ces technologies peuvent permettre, entre autres, une meilleure évaluation et optimisation des protocoles de traitement et des parcours de soins.
Une technologie bientôt incontournable
La technologie est de plus en plus performante et complexe. Selon Jérôme Béranger, elle sera bientôt incontournable. « Des études démontrent qu’en 2030, aucun diagnostic médical ne se fera sans un système expert qui donnera le diagnostic. La mission du médecin sera toujours de soigner, mais son rôle et ses fonctions risquent de changer », prédit-il.
Se former aux nouvelles technologies
Leur utilité ne doit pas faire oublier les enjeux éthiques des big data. « Il ne faut pas banaliser l’enregistrement des données. Il y a des réflexions sur le traçage, la surveillance, le pilotage, le contrôle et la maîtrise de la donnée », soulève Jérôme Béranger. Les professionnels de santé doivent se former à ces nouvelles technologies pour les intégrer à leur pratique quotidienne et créer un lien entre la ville et l’hôpital. « Il faut penser aux problèmes au niveau de l’attente de l’interopérabilité, de la protection des données. Le cadre juridique adapté est de plus en plus précis, notamment avec le cadre européen qui sera en application en mai 2018 », mentionne le chercheur.
Une conscience éthique
L’éthique, c’est le conflit des valeurs et la boussole qui permet de dire que l’action mise en œuvre est moralement acceptable. « Un algorithme sans conscience éthique est comme une personne sans âme, leurs existences n’ont pas de sens pour l’humanité. Il ne faut pas déshumaniser les activités professionnelles », prévient Jérôme Béranger.
Rester proche du patient
Ces évolutions à venir poussent à s’interroger sur l’avenir de la profession. « Notre petit cerveau de radiologue sera-t-il encore utile ? », se demande Hubert Desal, chef de service du CHU de Nantes et modérateur de la session. « Ces technologies vont modifier l’organisation des soins avec le patient, le médecin et la machine. C’est extrêmement enthousiasmant, mais je partage son inquiétude. C’est important d’envisager le pire pour préparer l’avenir », intervient Jean-François Méder, président de la Société française de radiologie et chef de service de l’hôpital Sainte-Anne à Paris. « Avec la montée en puissance du 4.0, il me paraît capital de ne pas oublier la proximité avec le patient. Si nous l’oublions, nous oublions pour quoi nous avons été formés », insiste-t-il.
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