Laure Fournier, radiologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou, le constate avec regret : les radiologues ont souvent peu de temps à consacrer à la recherche et ont du mal à l’intégrer dans leur planning déjà bien rempli. Lors du Congrès européen de radiologie 2019, à Vienne, elle a livré quelques conseils pour améliorer la situation. « La recherche ne doit pas être considérée comme une tâche de dernière minute ; elle doit faire partie intégrante de vos missions, au même titre que le travail clinique et l’enseignement », a-t-elle souligné.
Les radiologues bien entourés
Pour constituer une équipe de recherche, les radiologues doivent d’abord s’entourer de professionnels qualifiés, entame-t-elle. « Ils ne peuvent pas faire les choses seuls. Il leur faut un manipulateur, un physicien ou un ingénieur pour les assister. Selon moi, le manipulateur sera la meilleure option, car il ou elle sait comment fonctionne le service et collaborera aisément avec les autres manips qui voient les patients et mettent en place le protocole de recherche. »
Des manipulateurs motivés
Laure Fournier note qu’il est primordial d’intégrer ces manipulateurs le plus tôt possible dans le processus pour décupler leur motivation. « Quand je mets en place un projet de recherche, j’essaie dès le départ de les consulter sur le déroulement des phases de tests, la faisabilité, le contrôle qualité, etc. Ils deviennent autonomes et c’est une aide très importante », explique-t-elle.
Fidéliser les assistants de recherche
« Les assistants de recherche clinique ont tendance à partir travailler pour les labos. »
Autre second rôle important : l’assistant de recherche clinique (ARC). « Ce sont des professionnels de la recherche. Ils connaissent tous les aspects réglementaires, vérifient la conformité. Ils aident pour l’inclusion des patients et le suivi, et font le contrôle qualité en temps réel. C’est leur travail et ils le font très bien », insiste Laure Fournier. Les radiologues devront les familiariser avec le monde de l’imagerie et les « fidéliser ». « L’assistant de recherche clinique travaille dans un service de recherche clinique et ne connaît pas l’imagerie, rappelle l’intervenante. De plus, il y a un turn-over important car ces professionnels ne sont pas très bien rémunérés et ont tendance à partir travailler pour des laboratoires pharmaceutiques. La difficulté sera de les garder avec vous. »
Un spécialiste IT
En complément des manips et des ARC, l’équipe peut s’enrichir d’autres professionnels : « Si vous avez beaucoup de chance, vous aurez aussi un méthodologiste, un statisticien et un ingénieur informatique. Ce dernier est très important pour gérer le stockage et la traçabilité des datas. Nous pouvons être amenés à échanger les données dans les études multicentriques et nous ne pouvons plus le faire seuls comme avant. » Les radiologues peuvent aussi éventuellement compter sur le soutien du constructeur. « S’il est impliqué dans votre étude, il peut aider à amener des ingénieurs et mettre en place le protocole », indique Laure Fournier.
L’imagerie est plus souvent un outil pour la recherche…
Concernant l’imagerie dans les essais cliniques, deux cas de figure se présentent, décrit Laure Fournier. D’une part, les essais cliniques avec l’imagerie comme sujet central de l’étude, « par exemple la validation d’un biomarqueur d’imagerie », et d’autre part, les essais cliniques qui utilisent l’imagerie comme outil pour les recherches dans un autre domaine. Cette dernière configuration est la plus fréquente dans les services d’imagerie, constate la radiologue, qui remarque que « les deux s’alimentent l’une l’autre ».
…mais y joue un rôle central
Néanmoins, même lorsque l’imagerie est un « simple » outil pour la recherche, elle lui apporte toute sa substance. « D’une certaine manière, vous êtes au centre des choses même si ce ne sont pas vos recherches. Pourquoi ? Parce que l’imagerie est présente dans la plupart des essais cliniques. » C’est le cas en oncologie et en neurologie, mais aussi de plus en plus en cardiologie, en pneumologie et pour les maladies inflammatoires. « L’imagerie est le critère qui validera la recherche. En oncologie, la décision de donner l’autorisation pour un médicament sera prise sur des données dérivées de l’imagerie. Nous devons donc fournir des données de qualité pour ces études », commente Laure Fournier. L’intervenante remarque d’ailleurs que la pression sur les radiologues augmente car les exigences et les attentes dans ce domaine sont de plus en plus élevées.
La communication comme point faible
Pour organiser la recherche dans un service d’imagerie, il faut aussi surmonter les difficultés de communication, prévient Laure Fournier. « Les radiologues sont en général peu familiarisés avec les exigences des essais cliniques ; ils se sentent peu impliqués ou sont peu motivés par l’issue des essais. Cela vient du fait qu’ils ne sont pas forcément mis au courant. Personne ne les a impliqués dans le processus ou ne leur a demandé comment s’organiser, déplore-t-elle. Quant aux cliniciens, la plupart du temps, ils ignorent – ou font semblent d’ignorer – qu’un examen d’imagerie pour un essai clinique est différent d’un examen d’imagerie de routine. Ils font parfois l’impasse sur le rôle de l’imagerie. Cela engendre une sorte d’incompréhension entre les cliniciens et les radiologues. »
Chère recherche
Impossible, en outre, de faire l’impasse sur les coûts et surcoûts engendrés. Du point de vue financier, le dialogue avec les autorités et les pouvoirs publics prend des airs d’éternel combat. « Il faut leur faire comprendre que la recherche entraîne du travail supplémentaire et que cela doit être payé au département d’imagerie pour rémunérer le personnel et l’infrastructure, martèle Laure Fournier. En France, nous bataillons depuis 6 ans avec le ministère mais nous ne désespérons pas. »
Des acteurs formés et impliqués
La formation des professionnels, radiologues, manipulateurs radio, ARC, est également un point essentiel pour le développement de la recherche dans les services d’imagerie : « Nous devons être au fait des bonnes pratiques cliniques, connaître les exigences en matière de traçabilité et de qualité, les critères d’évaluation, etc. » Comme l’explique Laure Fournier, la clé du succès d’une activité de recherche repose grandement sur la volonté de ses acteurs : « Il faut y investir du temps, de l’effort et de l’argent. Il faut être patient aussi car on ne réunit pas une équipe en une semaine. Les choses se construisent petit à petit », conclut-elle.
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