Docteur Imago / Quel cadre législatif régit la financiarisation en radiologie ?
Priscille Bex / Cela dépend des accords signés et du type de structure déjà existante, mais les financiers, ou bien des tiers qui ne sont pas forcément radiologues, investissent en général dans les sociétés d’exercice libéral (SEL). Pour ces SEL, la règle est que les personnes qui travaillent dans la structure doivent détenir au moins 50 % des droits de vote et diriger la société. Un cas de figure fréquent est que les financiers achètent dans un format qui permet de différencier les participations. Ils séparent les droits financiers des droits de vote, ce qui leur permet d’avoir 99 % des droits financiers. Les droits de vote sont laissés aux médecins pour leur permettre, sur le papier, de voter sur des décisions souvent stratégiques. Mais il y a d’autres documents juridiques, dans le cadre de pacte d’associés entre autres, qui peut comporter des engagements par les médecins de faire valider certaines décisions par le financier. Par exemple, on observe souvent une centralisation au niveau du groupe de l’achat de matériels et de produits après l’arrivée de financiers. Les médecins gérants n’ont pas toujours la charge de négocier ces contrats, mais ça ne veut pas forcément dire qu’ils ne les choisiront pas. Là est la difficulté de savoir ce qui peut potentiellement être imposé ou non aux médecins.
D. I. / Les financiers peuvent-ils influer sur les choix du médecin ?
P. B. / Des financiers qui ne sont pas médecins ne peuvent pas dire à un médecin de faire un scanner plutôt qu’un IRM. En revanche, ils peuvent influencer le choix des machines, ou émettre des souhaits de rentabilité en demandant au médecin de faire tant de patients par heure. Les ingérences sont donc en effet possibles. On ne peut pas vraiment en déterminer les impacts réels, car cela dépend des groupements.
« Les médecins ne doivent pas être forcés ou induits en erreur. »
D. I. / Quels intérêts la financiarisation peut-elle avoir pour les radiologues ?
P. B. / Tous les financiers ne se valent pas ; ce n’est pas forcément quelque chose de négatif. La financiarisation peut avoir un intérêt économique, car c’est quand même souvent un apport de trésorerie important pour certains radiologues qui peuvent avoir du mal à financer des machines plus performantes. Certains apprécient également d’être déchargés d’une partie de la gestion administrative et de pouvoir se concentrer sur l’exercice purement médical. Cela permet aussi à un certain nombre de radiologues qui souhaitent quitter la profession de vendre leur activité, mais cela pose le problème de la transmission à d’autres médecins. C’est sur ce point que beaucoup se plaignent car cela ferme le marché aux médecins.
D. I. / Quel conseil donneriez-vous à des radiologues avant qu’ils ne signent avec un financier ?
P. B. / Il faut absolument qu’ils se fassent conseiller. Si certains médecins vendent leur structure pour partir, d’autres y restent. Ces derniers doivent savoir ce que cela implique de rester. Dans quelle mesure auront-ils encore leur mot à dire ? Qu’est-ce que cela va changer dans leur manière de travailler au quotidien ? Les financiers qui prennent des participations minoritaires vont laisser les médecins maîtres de leur activité mais, le plus souvent, ce n’est pas le cas. Il y a énormément de structures dans lesquelles il y a plusieurs gérants, et lorsqu’un financier arrive, il n’en reste qu’un seul et les autres n’ont plus forcément de pouvoir de décision. Il y a aussi une question du consentement des médecins. Ils ne doivent pas être forcés ou induits en erreur. S’ils ont bien compris quelles sont les conséquences pour eux, alors il n’y a pas d’inconvénient.
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