Pertinence

Urgentistes et radiologues perçoivent une surutilisation de l’imagerie dans leur service d’urgence

Un sondage international rempli par 66 radiologues et 425 urgentistes montre que les deux spécialités s'accordent concernant la surutilisation de l'imagerie aux urgences. Le scanner est considéré comme la modalité la plus concernée. Plusieurs causes sous-jacentes ont été identifiées. L'étude synthétisant ces résultats est parue fin mai dans European Journal of Radiology.

Le 24/06/24 à 7:00, mise à jour le 25/06/24 à 12:12 Lecture 2 min.

84,8 % des radiologues et 75,3 % des urgentistes aux réponses incluses dans l'analyse considèrent que le scanner est la modalité responsable de la majorité des cas de surutilisation de l'imagerie (photo d'illustration). D. R.

La surutilisation de l’imagerie, définie comme l’emploi d’examens de radiologie dans des situations où le risque dépasse le bénéfice potentiel, est commune dans les situations d’urgence médicale. Alors que l’usage de l’imagerie augmente plus vite que le nombre de patients aux urgences, comment radiologues et urgentistes perçoivent-ils ce phénomène et ses causes ? Un sondage international dont les résultats sont parus le 28 mai 2024 dans European Journal of Radiology donne un premier aperçu de l’avis des deux spécialités [1].

Des participants des trois continents

Organisé par trois radiologues néerlandais, le sondage a été soumis à des médecins radiologues et urgentistes exerçant sur différents continents. Les médecins contactés étaient les auteurs correspondants non connus personnellement des créateurs du présent sondage et ayant publié entre 2009 et 2023 dans les revues Emergency Radiology, Annals of Emergency Medicine et American Journal of Emergency Medicine.

491 retours analysés

En tout, 66 radiologues et 425 urgentistes ayant une adresse mail valide ont fourni des réponses complètes analysées, sur 9 467 personnes contactées et 831 réponses initiales (taux de réponse de 8,8 %, taux de réponse analysée de 5,2 %).

Neuf questions à choix multiples

Après avoir été questionnés sur le fait de fournir un travail médical (urgences, radiologie ou autre) en service d’urgences, sur leur expérience clinique des urgences, sur le nom et le pays de leur hôpital, et sur leur type de service d’urgences, les praticiens ont répondu à 9 questions à choix multiples sur la surutilisation de l’imagerie en service d’urgences. Les répondants travaillaient pour 60 % d’entre eux en Amérique du Nord, suivi de l’Asie (22 %) et de l’Europe (12 %).

Un problème jugé sérieux

Les deux spécialités s’accordent à considérer que leurs services d’urgences sont confrontés au problème de la surutilisation de l’imagerie. Toutefois, les radiologues jugent la gravité de ce problème significativement plus importante dans le QCM (p-value < 0,001) que ne le font les urgentistes – malgré une même réponse médiane indiquant qu’il s’agit d’un problème « un peu sérieux ».

Le scanner en première place

Les spécialistes considèrent pour la plupart (84,8 % des radiologues, 75,3 % des urgentistes) que le scanner est la modalité responsable de la majorité des cas de surutilisation de l’imagerie. En revanche, 17,2 % des urgentistes considèrent que la majorité de la surutilisation a lieu en radiographie, contre seulement 4,5 % des radiologues, un écart là aussi significatif (p-value = 0,014).

Médecine défensive, peur de l’erreur et manque de temps

La médecine défensive, la peur de l’erreur médicale la présence d’un staff moins expérimenté et l’accès rapide à l’imagerie ont été cités par les deux groupes de praticiens comme des facteurs influents sur la surutilisation de l’imagerie. Les radiologues étaient davantage d’accord que les urgentistes avec l’affirmation que le manque de temps d’examen des patients influençait la surutilisation de l’imagerie dans leur service d’urgence.

Plusieurs pistes d’améliorations identifiées

Enfin, la possibilité de rajouter un commentaire écrit, utilisée par 137 médecins répondants, a permis d’identifier différentes idées pour améliorer la situation, comme l’application de guidelines ou de protocoles dans certains examens. Certains praticiens ont suggéré que l’échographie au point d’intervention (POCUS) pouvait réduire la surutilisation d’imagerie, tandis que d’autres ont noté les limites de ce concept de surutilisation, dépendant du risque que l’on tolère en cas d’impasse sur l’imagerie.

Auteurs

François Mallordy

Journaliste rédacteur spécialisé

Voir la fiche de l’auteur

Bibliographie

  1. Kwee R. M., Toxopeus R. et Kwee T. C., « Imaging overuse in the emergency department: The view of radiologists and emergency physicians », European Journal of Radiology, 28 mai 2024. DOI : 10.1016/j.ejrad.2024.111536.

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