Docteur Imago / Vous avez été nommée présidente des JFR 2024. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle et quel a été votre rôle dans cette organisation ?
Valérie Laurent / Cela a été une très grande surprise, et évidemment un très grand honneur, doublé d’une anxiété majeure, avec toujours l’angoisse de ne pas être à la hauteur. Mais c’est une année extrêmement enrichissante, avec beaucoup de discussions et d’organisations à mettre en place, et avec une équipe formidable à la Société française de radiologie (SFR). Il a fallu choisir les thématiques qui me semblaient très importantes et, à partir de là, les décliner sous différentes formes : conférences, ateliers, sessions, etc.
D. I. / Le thème directeur de ces JFR sera « Tous ensemble pour la radiologie de demain ». Pourquoi ce choix ?
V. L. / En amont de l’image d’un examen réalisé par un radiologue, il y a un travail phénoménal qui rassemble différents acteurs, souvent dans l’ombre. C’est cela que j’ai voulu mettre en lumière. Le radiologue doit garder la maîtrise des outils technologiques et ce grâce à une étroite collaboration avec ces différents protagonistes. Tout d’abord, Il y a les manipulateurs radio, qui sont un élément important de la prise en charge des patients. Ce sont eux qui les accueillent, les installent, les rassurent et répondent à leurs questions. Ils jouent aussi un rôle majeur dans l’optimisation des protocoles et l’amélioration de la qualité d’image. Il y a vraiment une osmose entre les équipes de manipulateurs et les médecins ; cette collaboration constante et quotidienne est la clé de voûte d’une imagerie de qualité au service du patient.
Les chercheurs sont d’autres piliers de l’imagerie. Ils développent des innovations dont les radiologues tirent des applications pratiques pour les patients. Enfin, les partenaires industriels, avec leurs sections recherche et développement, permettent aussi de mettre en place des nouveautés. Du radiologue au manipulateur, et du chercheur au partenaire industriel, toute cette chaîne permet d’optimiser la qualité d’image. Et en améliorant la qualité d’image, en innovant constamment, vous améliorez évidemment le diagnostic, et in fine, la stratégie et la prise en charge du patient.
D. I. / Quelles seront les autres grandes thématiques abordées lors de ce congrès ?
V. L. / Dans les sujets qui me tenaient à cœur, il y a l’imagerie oncologique, car cela fait partie de mon quotidien. La cancérologie est un domaine où les innovations thérapeutiques sont majeures, et nous nous devons de suivre ces évolutions et de nous adapter pour donner les bonnes réponses aux questions des cliniciens.
Le radiologue est un acteur majeur en cancérologie, que ce soit, selon les surspécialités, pour le dépistage, le diagnostic opportuniste, le diagnostic positif, le stade locorégional des tumeurs, l’évaluation de la réponse aux traitements ou la recherche de récidive.
La participation des radiologues à chaque étape de la prise en charge d’un cancer est indispensable et sa présence cruciale lors des réunions de concertation pluridisciplinaires.
« Il est très important que les internes aient cette notion de communication avec le patient. »
D. I. / Des ateliers seront également organisés. Quels en seront les sujets ?
V. L. / Il y aura de l’apprentissage, avec pour la première fois des ateliers de simulation. La simulation est connue d’un point de vue procédural, avec la pratique de gestes sur des mannequins par les internes dans les écoles de simulation ou hôpitaux virtuels pour ce qui concerne la radiologie interventionnelle. Il existe d’autres formes de simulation non procédurales pour l’apprentissage : par exemple l’apprentissage de l’annonce d’une mauvaise nouvelle. Dans le cadre du dispositif d’annonce en oncologie, le radiologue est face à un patient qui n’a pas noué avec lui la même relation de confiance qu’avec un autre médecin ou son médecin traitant. Il faut donc que chacun d’entre nous puisse être en mesure d’avoir les mots et la gestuelle adaptés et de comprendre la détresse d’un patient ou son incompréhension. La simulation non procédurale, c’est aussi comment préparer un patient à la biopsie, lui expliquer la procédure, lui donner confiance en le voyant en amont en consultation, comme un chirurgien. Il est très important que tous les jeunes internes aient cette notion de communication avec le patient.
D. I. / Il y aura également d’autres sujets dans le cadre de ces ateliers de simulation…
V. L. / L’association SoFraSims viendra nous aider à expliquer aux participants comment il faut réagir en cas d’arrêt cardiaque au scanner. Nous reproduirons des situations d’urgence en conditions réelles avec un mannequin dit haute-fidélité. Une équipe médicale et paramédicale gérera ces situations et les formateurs feront un débriefing pour faire progresser les participants. Et puis, en simulation, nous avons aussi tout ce qui est du domaine de l’intime. Nous avons fait venir pour la première fois des mannequins gynécologiques, pour apprendre l’échographie endovaginale aux plus jeunes avant qu’ils ne soient confrontés aux patientes.
D. I. / La conférence inaugurale traitera du changement sociétal du rapport au travail et des difficultés à faire travailler ensemble différentes générations. Pourquoi avoir choisi ce thème ?
V. L. / Nous sommes confrontés à une vraie cassure dans le monde du travail, qui ne s’observe pas qu’en médecine mais dans tous les domaines, et qui peut déconcerter les gens plus âgés. Ces derniers avaient l’habitude de faire beaucoup de sacrifices et d’investissements, et aujourd’hui, des générations dont l’organisation au travail est différente arrivent et il faut s’adapter. C’est pour cela que j’ai voulu une conférence sur cet aspect : comment gérer la génération Z.
D. I. / Avez-vous des exemples de différences générationnelles ?
V. L. / Il y a, chez les nouvelles générations, une volonté de préserver leur vie privée, de ne pas sortir tard tous les soirs, de ne pas aller de garde en garde, de se préserver du temps pour vivre leurs passions. Il y a aussi la volonté de découvrir d’autres horizons, donc, souvent, il y a des moments de césure avec des personnes qui décident de partir un an, 6 mois, faire le tour du monde. Il y a aussi le fait de vouloir des horaires précis d’arrivée et de départ, parfois difficilement compatible avec l’exercice médical. C’est pour cela que c’est compliqué à réorganiser. Mais à côté de cela, les jeunes internes sont toujours très motivés, très heureux, fiers de leur spécialité et très soucieux de progresser.
« Il y a une augmentation majeure du nombre de cancers digestifs. »
D. I. / Vous êtes spécialisée en imagerie digestive. Pourquoi avoir choisi cette spécialité ?
V. L. / Je me suis passionnée pour la radiologie et plus précisément l’imagerie digestive, car elle regroupe plusieurs versants. D’une part les urgences avec l’un des examens phares, le scanner abdominal, en cas de douleurs abdominales aiguës. Nous jouons un rôle clé dans la prise en charge, en aidant le chirurgien à choisir sa stratégie thérapeutique, à opérer ou non le patient, ou à le surveiller.
Le deuxième aspect, c’est la cancérologie. Il y a une augmentation majeure du nombre de cancers digestifs, notamment du pancréas et du foie. Nous avons donc un rôle à jouer pour le dépistage, le diagnostic initial, et un rôle extrêmement important pour l’évaluation de la réponse au traitement notamment avec l’avènement de l’immunothérapie.
Le troisième volet est celui des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), dont l’incidence est en constante augmentation. Ces maladies chroniques handicapantes touchent une population de patients jeunes. L’imagerie précise l’étendue de la maladie et permet d’évaluer la réponse aux traitements. Nous avons la chance d’avoir au CHRU de Nancy un institut hospitalo-universitaire (IHU INFINY) dirigé par le Pr Laurent Peyrin Biroulet autour de cette thématique et la recherche va permettre de mieux comprendre ces maladies et surtout d’aider les patients dans leur quotidien avec un seul objectif, celui à terme de les guérir.
D. I. / Vous avez été présidente de la Société d’imagerie abdominale et digestive (SIAD) de 2021 à 2023. Quelles étaient vos missions ?
V. L. / D’abord l’organisation des journées de formation continue. L’enseignement et la transmission sont en effet des enjeux majeurs, que ce soit auprès des collègues moins expérimentés sur cette thématique, ou auprès des internes. Nous organisons des journées et des week-ends de formation. Nous sommes aussi très impliqués dans l’organisation des JFR, où nous animons beaucoup de sessions dédiées.
La SIAD s’occupe de soutenir nos jeunes collègues en leur offrant des bourses pour participer à des congrès scientifiques nationaux et internationaux et présenter leurs travaux.
Notre société savante est également très impliquée pour établir des recommandations nationales ou guides de bonnes pratiques sous l’égide de la SFR, qui sont ensuite diffusées à l’ensemble de la communauté radiologique.
Enfin la collaboration internationale est également très importante avec les sociétés internationales d’imagerie digestive.
« Chacun d'entre nous doit être en mesure d'avoir les mots et la gestuelle adaptés et de comprendre la détresse d'un patient ou son incompréhension lors de l’annonce d’un cancer. »© Solenn Duplessy
D. I. / Quelles sont les dernières évolutions thérapeutiques notables en imagerie digestive ?
V. L. / L’immunothérapie, qui a déjà été développée pour le mélanome, le cancer du poumon, le cancer du rein, arrive un peu plus tardivement en imagerie digestive. Il faut donc que nous sachions comprendre ces nouvelles thérapies et leurs conséquences sur les tumeurs.
Certains de ces nouveaux traitements permettent d’obtenir dans certains cas une réponse complète, et ainsi d’éviter de recourir à une intervention chirurgicale. L’imagerie joue ainsi un rôle déterminant pour établir l’obtention d’une réponse complète ou non.
Les innovations thérapeutiques sont également constantes avec la radiologie interventionnelle avancée qui propose sans cesse de nouvelles stratégies pour une prise en charge optimisée du patient, que ce soit pour la guérison ou pour une prise en charge palliative.
D. I. / Quels conseils donneriez-vous aux jeunes radiologues aujourd’hui ?
V. L. / La radiologie est un métier passion qui est en perpétuelle évolution. Il n’y a jamais rien d’acquis. Par conséquent, tout au long de leur carrière, tout changera en permanence, avec les innovations technologiques constantes : on parle du scanner spectral, puis du scanner photonique et puis, maintenant du scanner synthétique, ou encore de l’IRM, très haut champ, très bas champ, ou de la radiologie interventionnelle avancée.
Il faut donc comprendre qu’il est fantastique de pouvoir être associé à ces évolutions et de pouvoir y participer. Quel que soit le mode d’exercice, je trouve que c’est un métier qui est passionnant pour la maîtrise de ces aspects techniques et pour son rôle majeur au centre des stratégies thérapeutiques, que ce soit pour le versant diagnostique ou thérapeutique.
Discussion
Aucun commentaire
Commenter cet article