Docteur Imago / Quelles sont les techniques possibles pour opérer le canal carpien ?
David Pétrover / Aujourd’hui, il en existe deux. La première est « à ciel ouvert ». Le chirurgien ouvre plan par plan pour accéder au ligament annulaire antérieur du carpe et le sectionner. Ce ligament referme le canal carpien qui, chez certaines personnes, comprime le nerf médian. Nous pensons que la majorité des syndromes du canal carpien sont provoqués par cet étranglement du nerf. Auparavant, les ouvertures faisaient 5 à 6 cm. Mais depuis quelques années, avec la minichirurgie, elles font 3 à 4 cm. C’est actuellement la technique la plus employée à travers le monde.
Docteur Imago / Quelle est la seconde technique ?
D. P. / La technique endoscopique. Elle existe depuis une vingtaine d’années. Comme son nom l’indique, elle fait appel à un endoscope. Les chirurgiens se placent sous le ligament annulaire et le coupent avec une lame crochet. L’abord est plus petit, les suites sont plus simples. Cela a été prouvé dans la littérature. L’inconvénient est que le chirurgien ne voit que ce qui est au bout de son endoscope et avance sans voir ce qui se passe sur les côtés. Plusieurs méta-analyses démontrent que, pour les deux techniques, les résultats à moyen et long terme sont identiques. À court terme, en revanche, les complications mineures sont plus importantes en endoscopie. Les chirurgiens préfèrent donc la technique à ciel ouvert. Cela m’a amené à essayer de combiner les avantages des deux techniques en utilisant la radiologie interventionnelle.
D. I. / Comment vous est venue l’idée de réaliser cette intervention sous échographie ?
D. P. / La technique est très proche de l’abord que nous avons pour faire des infiltrations du canal carpien. J’ai essayé de combiner les avantages des deux techniques précitées. J’avais commencé à m’y intéresser il y a 5 ans pour le doigt à ressaut. Je me suis dit qu’elle pouvait être transposable pour d’autres pathologies du même ordre.
D. I. / Comment se déroule l’intervention du canal carpien en radiologie interventionnelle ?
D. P. / J’utilise l’échographie pour repérer toutes les structures anatomiques. Elles sont nombreuses, avec notamment le nerf médian et toutes ses variantes et ses branches accessoires qui peuvent être dangereuses. Ensuite, nous procédons à l’anesthésie locale alors que le patient est allongé en salle de radiologie interventionnelle ou en bloc interventionnel léger. Nous avons besoin d’un échographe stérile, d’un champ opératoire. Nous désinfectons le bras du patient à la Bétadine® comme pour chaque intervention en radiologie interventionnelle. Je réalise une petite anesthésie au pli de flexion et je mets en place la petite lame crochet au sein du canal carpien. Grâce à l’échographie, j’introduis la lame crochet et progresse en épargnant et en restant à distance du nerf médian et de l’artère ulnaire. Je place la lame sous le ligament annulaire et je coupe en retirant la lame à l’aide du crochet qui est coupant dans son versant antérieur.
D. I. / Quels avantages apporte-t-elle ?
D. P. / En radiologie interventionnelle, l’abord est 4 à 5 fois plus petit qu’en endoscopie. De plus, grâce à l’imagerie, nous pouvons voir tout ce qui se passe autour comme si on ouvrait, sans ouvrir. Une étude monocentrique [1] publiée démontre que tous les patients avaient bien le ligament coupé un mois après l’intervention. Nous pouvons donc prouver la sécurité du geste. Nous n’avons jamais observé de complications et la reprise est plus rapide par rapport aux autres techniques.
D. I. / A-t-elle des inconvénients ?
D. P. / Non, à part l’impossibilité d’opérer les patients atteints de syndrome du canal carpien secondaire à des pathologies compressives (polyarthrite rhumatoïde, etc.). Je ne peux en effet pas faire de synovectomie simultanée à la section du ligament.
D. I. / Depuis combien de temps la pratiquez-vous ?
D. P. / Je la pratique depuis 2015 et j’ai opéré environ 250 patients.
D. I. / Combien de temps dure l’intervention ?
D. P. / L’intervention dure entre 2 à 6 minutes.
D. I. / La lame crochet que vous utilisez est-elle spécialement conçue pour ce type d’intervention?
D. P. / Au départ, j’ai utilisé un matériel qui n’était pas prévu pour. J’ai fait des recherches dans les catalogues de chirurgie pour trouver un produit adapté à mes besoins. Puis j’ai conçu un prototype que j’essaie actuellement pour avoir un outil dédié à la radiologie interventionnelle. Je travaille à sa conception depuis 2 ans.
D. I. / Combien de médecins pratiquent cette intervention?
D. P. / Nous sommes quatre à avoir développé des techniques similaires sous échographie. En plus de moi, il y a un rhumatologue de Caen, un chirurgien espagnol de la main qui exerce à Dubaï et un médecin japonais.
D. I. / Allez-vous former des collègues à cette technique?
D. P. / Oui. J’ai organisé en janvier 2017 un congrès de microchirurgie interventionnelle radioguidée et échochirurgie (MIRE). Deux cents médecins (radiologues, chirurgiens, rhumatologues) étaient présents. Cela leur a permis de découvrir l’échochirurgie.
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