Niveaux de référence

« Nous avons collecté les données de plus de 4300 actes de radiologie interventionnelle »

Dans un rapport paru en juin 2017, la Société française de physique médicale (SFPM) propose des niveaux de référence (NR) pour 21 actes de radiologie interventionnelle. Pour élaborer ces seuils, elle a recueilli et compilé les données de 36 centres publics et privés. Détails avec Joël Greffier, physicien médical au CHU de Nîmes et coordonnateur du groupe de travail qui a conduit l’étude.

Le 06/09/17 à 7:00, mise à jour aujourd'hui à 14:14 Lecture 4 min.

« Aucune étude multicentrique de cette ampleur n’avait jamais été menée », commente Joël Greffier. D. R.

Docteur Imago / Pourquoi mener cette démarche d’élaboration de niveaux de référence en radiologie interventionnelle ?

Joël Greffier / La directive européenne 2013/59/Euratom recommande la mise en place de niveaux de référence (NR) en radiologie interventionnelle. Or, il n’en existe pas en France à l’heure actuelle. Pour y remédier, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) va proposer au ministère de la santé fin 2017 une décision dans le but de mettre à jour l’arrêté du 24 octobre 2011. Nous – la SFPM – nous sommes donc dit qu’il serait intéressant de travailler sur ce sujet. Quelques propositions existent dans la littérature scientifique mais aucune étude multicentrique de cette ampleur n’a jamais été menée. Nous avons lancé cette démarche en 2015.

D. I. / Vous avez choisi d’élaborer des niveaux pour 21 actes dans 15 procédures. Pourquoi ceux-là ?

J. G. / Nous avons choisi les actes les plus courants et/ou les plus irradiants en fonction de nos expériences personnelles de physiciens médicaux. Ils sont répartis en quatre disciplines : la neuroradiologie, la radiologie interventionnelle vasculaire diagnostique et thérapeutique et la radiologie interventionnelle ostéoarticulaire. Nous avons soumis cette liste à la Société française de radiologie, qui l’a validée.

D. I. / Les actes retenus sont réalisés sur des équipements de radiologie interventionnelle dédiés. Pourquoi avoir exclu les actes réalisés à l’aide de scanners ou d’arceaux de bloc ?

J. G. / Il s’agit de pratiques différentes, pas toujours réalisées par les mêmes opérateurs. La radiologie interventionnelle au scanner est très différente et moins répandue ; les physiciens y sont donc moins présents. La SFPM conduira sans doute une étude spécifique sur cette question dans un futur proche. Quant aux arceaux de blocs, ils ne sont pas toujours utilisés par des radiologues mais le plus souvent par des chirurgiens au bloc opératoire. Un groupe de travail SFPM vient de démarrer sur la mise en place de NR au bloc.

D. I. / Comment avez-vous recueilli les données ?

J. G. / Comme nous l’expliquons dans notre rapport, nous avons lancé un appel à candidature auprès des membres de la SFPM. 36 centres de France métropolitaine et des DOM-TOM, publics ou privés, ont participé à l’étude. Ils nous ont communiqué les doses relevées au cours des actes réalisés de septembre 2014 à février 2016. Chaque série devait compter au moins huit relevés pour que l’acte soit pris en compte dans les calculs. Les centres sont très spécialisés, surtout dans les hôpitaux. Tous n’ont donc pas envoyé de donnés pour toutes les procédures. Au final nous avons collecté les doses pour 4 300 actes. C’est sans équivalent dans la littérature.

D. I. / Comment avez-vous traité ces informations ?

J. G. / Nous avons défini un NR pour chacun des quatre indicateurs dosimétriques relevés par acte : le produit dose surface (PDS), le temps de scopie (T), le kerma dans l’air (Kair) et le nombre d’images de graphie (NI). Sa valeur correspond à l’arrondi supérieur du 3e quartile de la distribution de l’indicateur considéré pour chaque acte.

D. I. / Qu’avez-vous constaté à la lecture des résultats ?

J. G. / Une variabilité inter-centre pour chaque procédure que l’on peut visualiser dans l’annexe 5 du rapport. Entre autres choses, nous avons remarqué que les médianes du PDS, du Kair et du T sont plus élevées dans les centres qui utilisent des capteurs bi-plans, dans le cas des actes de vertébroplastie.

D. I. / Vos niveaux de référence sont plus bas que ceux produits par des études précédentes. Quelle en est la raison ?

J. G. / Les études publiées ne sont pas récentes, elles sont réalisés avec des équipements potentiellement plus exposants et/ou moins optimisés et les NR sont souvent établis avec la moyenne ou la médiane. Enfin, il y a un facteur humain, cette étude regroupe uniquement des centres volontaires avec un physicien médical impliqué qui a répondu favorablement à ce recueil. L’implication du physicien médical dans les services d’imagerie interventionnelle a potentiellement favorisé l’optimisation des doses et la sensibilisation du personnel à la radioprotection du patient.

D. I. / Quelles seront les suites de cette démarche ? Vos propositions vont-elles être reprises de manière « officielle »?

J. G. / La mise à jour de l’arrêté de 2011 sur les NRD, en fin d’année devrait inclure les NR proposés dans le rapport pour une dizaine d’actes interventionnels. Nous comptons en outre mettre à jour cette étude de manière régulière, pour suivre les évolutions technologiques des équipements. Nous souhaitons aussi inclure d’autres procédures.

D. I. / Prévoyez-vous d’autres travaux de ce genre ?

J. G. / Des travaux sont en cours pour élaborer des NRD par indications cliniques au scanner. Un groupe de travail SFPM sur la mise en place de NR au bloc vient de débuter et par la suite, la SFPM devrait également mettre en place un groupe de travail sur les NR au scanner interventionnel.

Auteurs

Jérome Hoff

Rédacteur en chef adjoint

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Bibliographie

  1. Société française de physique médicale, Rapport SFPM : Niveaux de référence en radiologie interventionnelle, juin 2017. Télécharger

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