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Quelle imagerie pour les traumatismes de la colonne cervicale ?

Le scanner a supplanté la radiologie conventionnelle pour repérer les lésions instables de la colonne cervicale. Cet article décrit les différents types de lésions et les signes qui permettent de les diagnostiquer.

Le 09/01/19 à 8:00, mise à jour hier à 14:05 Lecture 7 min.

Dans les traumatismes aigus, le rôle de l’imagerie est de déterminer les lésions instables, l’instabilité étant définie comme une incapacité à maintenir des rapports anatomiques sous des contraintes physiologiques. © G. B.

Contexte

La colonne vertébrale cervicale est une structure très mobile, donc très fragile. Cette mobilité doit être contrebalancée avec l’obligation de stabilité. Dans des conditions physiologiques, la stabilité, vue comme l’intégrité de l’empilement des corps vertébraux et des articulaires postérieures, est assurée par des disques, des ligaments et des capsules. L’élasticité de ces structures permet les déplacements des pièces osseuses les unes par rapport aux autres dans des amplitudes physiologiques.

L’imagerie détermine les lésions instables

Les traumatismes de la colonne cervicale sont fréquents et de gravité variable. Ils vont de « l’entorse » avec spasme musculaire réactionnel jusqu’à la fracture comminutive avec compression médullaire. Dans les traumatismes aigus, le rôle de l’imagerie est de déterminer les lésions instables, l’instabilité étant définie comme une incapacité à maintenir des rapports anatomiques sous des contraintes physiologiques. Les lésions sont considérées comme instables si une aggravation secondaire est possible, avec déformation ou risque de compression médullaire. Ce type de lésions nécessite la mise en œuvre d’une prise en charge plus agressive, souvent chirurgicale [1].

Des règles de prédiction clinique pour sélectionner les patients

Comme il n’est pas réaliste ou souhaitable de prescrire de l’imagerie à tous les patients, la probabilité de lésions traumatiques significatives peut être évaluée grâce à des règles de prédiction clinique. Les plus couramment utilisées sont le NEXUS et le CCR, qui intègrent des éléments cliniques avec des notions de contexte et de mécanisme lésionnel. Présentés sous forme d’arbre décisionnel, ils permettent d’identifier les patients nécessitant une exploration par imagerie [2].

Le scanner a remplacé la radiographie conventionnelle

Pendant longtemps, les radiographies conventionnelles étaient les examens de première intention. Le bilan habituel comprenait des clichés de face, de profil, de trois quarts, voire des clichés bouche ouverte. Or, les radiographies posent deux problèmes. Tout d’abord, elles doivent être parfaitement réalisées, ce qui est parfois difficile en urgence. Ensuite, elles restent difficiles à interpréter.
D’innombrables études ont confirmé la supériorité du scanner sur les radiographies dans l’exploration de la colonne cervicale traumatique [3-6]. Ces dernières n’ont plus de raison d’être demandées dans cette indication : il est actuellement reconnu que le scanner, sans injection intraveineuse de contraste iodé, doit être l’examen de première intention.
Le but du scanner est de détecter des lésions instables, qui peuvent être d’origine osseuse, discale ou capsuloligamentaire [7]. En cas de scanner normal, le collier cervical peut être retiré [8]. Si les lésions osseuses sont facilement détectées au scanner, les anomalies discales ou capsuloligamentaires ne sont visibles que de manière indirecte sous forme de diastasis discal ou interépineux [7].

Lésions traumatiques

Mécanismes

Trois mécanismes principaux sont impliqués dans les traumatismes de la colonne cervicale : compression (plan craniocaudal), flexion/extension (plan sagittal), rotation (plan axial) [9].

Lésions par compression

La compression s’applique généralement sur le sommet du crâne et peut induire dans le même temps des lésions de la charnière cervico-occipitale. Les lésions par compression sont, de façon classique :

  • les fractures cunéiformes ;
  • les fractures comminutives « burst »;
  • les fractures « tear drop ».

Les fractures par compression sont reconnaissables à l’orientation du trait de fracture, qui peut être vertical ou horizontal dans le corps vertébral, mais doit être absolument vertical dans l’arc postérieur. Un trait de fracture vertical de l’arc postérieur signe une lésion par un mécanisme d’hyperflexion.
Les fractures « burst » peuvent être associées à un fragment intracanalaire avec risque de compression médullaire (figure 1).

© G. B.

Figure 1. Scanner en coupe sagittale (gauche) et axiale (droite) montrant une fracture « burst » de C6, avec un trait de fracture vertical du corps vertébral et de l’arc postérieur (flèches). © G. B.

Les fractures « tear drop » sont particulières à la colonne cervicale et associent un certain degré de flexion de la tête lors de la compression. Leur aspect caractéristique est celui de deux traits de fracture verticaux (un frontal, un sagittal), séparant un fragment antéro-inférieur caractéristique (figure 2).

© G. B.

Figure 2. Scanner en coupe sagittale (gauche) et axiale (droite) montrant une fracture « tear drop » de C5 avec deux traits de fracture verticaux perpendiculaires (flèches) séparant un fragment antéro-inférieur caractéristique. © G. B.

Lésions par flexion/extension

Ces lésions sont le plus souvent secondaires à un « coup du lapin » (aussi appelé « whiplash ») : une flexion brutale et rapide de la tête, souvent de manière indirecte (décélération dans un accident de la route), immédiatement suivie d’une extension. Les lésions par flexion/extension sont classiquement :

  • les entorses bénignes ;
  • les entorses graves ;
  • les luxations bilatérales.

L’élément diagnostique fondamental de ce type de lésion est une ouverture de l’arc postérieur dans un plan axial : soit une fracture avec trait horizontal, soit des lésions ligamentaires avec diastasis entre les processus épineux (figure 3).

© G. B.

Figure 3. Scanner en coupe sagittale montrant une luxation C4/C5 bilatérale avec translation antérieure de C4 et important diastasis des processus épineux entre C4 et C5. © G. B.

Les entorses bénignes sont par définition sans anomalies visibles à la radiographie et au scanner. Un œdème ligamentaire et/ou musculaire peut être visible à l’IRM, mais sans perte de continuité. Dans certaines formes réduites lors du scanner, le seul signe est un diastasis discal (figure 4).

© G. B.

Figure 4. Scanner en coupe sagittale montrant un diastasis discal C4/C5 révélateur d’une lésion par flexion/extension. © G. B.

Une forme particulière doit être connue : les fractures par hyperextension sur colonne ankylosée (hyperostose diffuse, spondylarthropathie). Elles peuvent être transosseuses, transdiscales ou mixtes (figure 5).

© G. B.

Figure 5. Scanner en coupe sagittale montrant une fracture mixte disco-osseuse (flèches) sur une colonne ankylosée. © G. B.

Lésions par rotation

Ces lésions impliquent principalement les massifs des articulaires postérieures, qui sont les freins physiologiques à la rotation. Suivant la magnitude et la vitesse de la contrainte, et l’âge du sujet, les articulaires vont résister, se rompre (fracture) (figure 6), ou se luxer (luxation) (figure 7).

© G. B.

Figure 6. Scanner en coupe sagittale montrant une fracture peu déplacée de l’articulaire supérieure de C4 (flèche). © G. B.

© G. B.

Figure 7. Scanner en coupe sagittale montrant une luxation unilatérale C4/C5 (flèche). © G. B.

Les lésions par rotations sont ainsi :

  • les fractures articulaires ;
  • les luxations unilatérales ;
  • les fractures séparation des massifs articulaires.

Place des autres examens d’imagerie

Un scanner avec injection de contraste est nécessaire en cas de fracture passant par un foramen de conjugaison afin d’exclure une lésion des artères vertébrales.
Une IRM reste indiquée en cas de signes neurologiques, principalement d’atteinte médullaire, avec un scanner normal [10].
Chez l’enfant, l’élasticité des tissus permet des déplacements de grande amplitude pouvant induire des lésions médullaires, alors qu’aucune lésion traumatique n’est visible sur le scanner. On parle alors de SCIWORA (spinal cord injury without obvious radiological abnormalities). Certaines équipes de chirurgiens demandent encore des clichés radiologiques dynamiques à distance du traumatisme mais leurs indications restent réduites.

Checklist

Les points fondamentaux à vérifier lors du bilan scanner d’un traumatisme cervical :

  • intégrité des corps vertébraux ;
  • alignement régulier des corps vertébraux, notamment au niveau du mur postérieur ;
  • intégrité des arcs postérieurs : massifs articulaires, lames, pédicules ;
  • superposition et couverture normale des articulaires ;
  • espacement régulier des épineuses ;
  • épaisseur des parties molles inférieure à 4 mm au-dessus de C3.

Conclusion

Si l’imagerie de la colonne cervicale traumatique est indiquée par des règles de prédiction clinique, l’examen de première intention doit être le scanner sans injection. Le mécanisme lésionnel principal (compression, flexion, rotation) doit être identifié afin de réaliser un bilan lésionnel exhaustif.

Auteurs

Guillaume Bierry

Radiologue spécialisé en imagerie ostéoarticulaire CHRU de Strasbourg

Bibliographie

  1. O’Dowd J. K., « Basic principles of management for cervical spine trauma », European Spine Journal, mars 2010, vol. 19, Suppl 1, S 18-22. DOI : 1007/s00586-009-1118-2
  2. Stiell I. G., Clement C. M., McKnight R. D. et coll., « The canadian C-spine rule versus the NEXUS low-risk criteria in patients with trauma », New England Journal of Medicine, 2003, vol. 349, p. 2510-2518. DOI : 10.1056/NEJMoa031375.
  3. Daffner R. H., « Helical CT of the cervical spine for trauma patients: a time study », American Journal of Roentgenology, 2001, vol. 177, n° 3, p. 677-679. DOI : 10.2214/ajr.177.3.1770677.
  4. Duane T. M., Young A., Mayglothling J., et coll., « CT for all or selective approach? Who really needs a cervical spine CT after blunt trauma », Journal of Trauma and Acute Care Surgery, 2013, vol. 74, n° 4, p. 1098-1101.
  5. Maung A. A., Johnson D. C., Barre K. et coll., « Cervical spine MRI in patients with negative CT: A prospective, multicenter study of the Research Consortium of New England Centers for Trauma (ReCONECT) », Journal of Trauma and Acute Care Surgery, 2017, vol. 82, n° 2, p. 263-269. DOI : 10.1097/TA.0000000000001322.
  6. Berlin L., « CT versus radiography for initial evaluation of cervical spine trauma: what is the standard of care? », American Journal of Roentgenology, 2003, vol. 180, n° 4, p. 911-915. DOI : 10.2214/ajr.180.4.1800911.
  7. Dreizin D., Letzing M., Sliker C. W. et coll., « Multidetector CT of blunt cervical spine trauma in adults », RadioGraphics, 2014, vol. 34, n° 7, p. 1842-1865. DOI : 10.1148/rg.347130094.
  8. Raza M., Elkhodair S., Zaheer A. et coll., « Safe cervical spine clearance in adult obtunded blunt trauma patients on the basis of a normal multidetector CT scan-a meta-analysis and cohort study », Injury, 2013, vol. 44, n° 11, p. 1589-1595. DOI : 10.1016/j.injury.2013.06.005.
  9. Patel A. A., Hurlbert R. J., Bono C. et coll., « Classification and surgical decision making in acute subaxial cervical spine trauma », Spine, (Phila Pa 1976) 2010, vol. 35 (21 Suppl), S228-234. DOI : 10.1097/BRS.0b013e3181f330ae.
  10. Tan L. A., Kasliwal M. K., Traynelis V. C., « Comparison of CT and MRI findings for cervical spine clearance in obtunded patients without high impact trauma », Clin Neurol Neurosurg, 2014, vol. 120, p. 23-26. DOI : 10.1016/j.clineuro.2014.02.006.

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