COVID-19

À Reims : « Nous nous sommes mis en ordre de bataille pour préparer nos établissements à affronter la crise »

Alain Guillemot est radiologue libéral, président du groupe Vidi et directeur général du groupe Courlancy, qui compte quatre cliniques à Reims. Avec cette triple casquette, il participe à l’organisation médicale locale et à la coopération entre les établissements privés et publics pour affronter l’épidémie de COVID-19. Point sur la situation le 20 mars 2020.

Le 23/03/20 à 8:00, mise à jour aujourd'hui à 14:09 Lecture 6 min.

Alain Guillemot est radiologue libéral, président du groupe Vidi et directeur général du groupe Courlancy qui compte quatre cliniques à Reims. © C. F.

Docteur Imago / Comment s’organise la gestion de crise du COVID à Reims ?

Alain Guillemot / Il y a une coopération extrêmement forte entre les établissements publics et privés, avec des conférences téléphoniques quasi quotidiennes au niveau des directions générales des établissements et entre les différents services de médecine infectieuse, de réanimation et d’urgence. À Reims, la vague de COVID arrive. D’ici une dizaine de jours, la ville sera très fortement touchée. C’est déjà un peu le cas actuellement puisque le CHU de Reims a transféré le 19 mars dans notre polyclinique Bezannes trois patients COVID hospitalisés ne nécessitant pas de réanimation. Cette polyclinique Reims-Bezannes est dédiée quasi-exclusivement à la prise en charge des patients COVID, avec des services de réanimation, d’infectiologie et d’imagerie médicale. Nous avons deux scanners, dont un réservé à l’activité COVID. Le personnel est formé à se protéger et à s’occuper de ces patients.

D. I. / Comment s’est instaurée la coordination public-privé à l’échelle locale ?

A. G. / Le CHU s’est rapproché de nous il y a une dizaine de jours car il avait déjà un certain nombre de patients hospitalisés et en réanimation, avec une montée en charge rapide. Il nous a demandé de libérer des lits. Actuellement, au CHU de Reims, il y a 30 lits disponibles en réanimation et, à terme, 100 lits disponibles en hospitalisation. Dans notre clinique Bezannes, ce sont les mêmes chiffres. Cela nous permet d’avoir une certaine aisance. Malgré ces capacités, nous avons peur d’être dépassés par les évènements dans 15 jours. La coopération fonctionne aussi à l’échelle régionale pour les ressources humaines et le matériel. Nous avions une pénurie de masques dans notre clinique ; le CHU de Reims nous en a donc donné 7000. De notre côté, nous avons envoyé deux anesthésistes-réanimateurs à l’hôpital de Mulhouse et quatre respirateurs à l’hôpital de Colmar. Cette coopération public-privé est effective et toutes les ressources que nous avons en arrière-garde, nous les envoyons sur le front. Tout en s’assurant de garder des ressources à Reims et en protégeant nos soignants, car nous allons affronter une situation difficile dans les prochains jours.  

D. I. / Quelle organisation avez-vous mis en place en imagerie à la clinique Reims-Bezannes ?

A. G. / Nous réalisons des examens de scanner pour les patients COVID confirmés, pour les patients qui s’aggravent afin de faire un suivi évolutif de la pathologie, et enfin pour les patients pour lesquels nous avons un doute. Nous savons que cette pathologie se traduit parfois au départ par des signes très frustres. L’idée est donc de faire un scanner pour repérer immédiatement les patients COVID qui, parfois, ont déjà une atteinte pulmonaire importante, alors qu’ils sont peu ou pas symptomatiques. Cela nous permet de faire une orientation très rapide, avant les résultats des tests, qui ne sont pas facilement disponibles sur le territoire français. On peut ainsi séparer les patients COVID et non COVID, car nous continuons à prendre toutes les autres pathologies, les AVC, les infarctus, les urgences digestives, urologiques et cancérologiques, etc. En imagerie, nous continuons d’assurer la prise en charge et le suivi de toutes ces pathologies. À l’heure actuelle, nous avons annulé 80 % des examens programmés. Nous gardons les urgences et les suivis de cancérologie.

D. I. / Quelles sont les mesures de sécurité ?

A. G. / Depuis le 16 mars 2020, nous avons mis en place des filières étanches pour séparer les patients. À la polyclinique Bezannes, nous avons installé une tente de triage sur le parking en face des urgences. Nous procédons à un interrogatoire protocolisé qui permet de repérer immédiatement un patient suspecté de COVID qui ira ensuite directement au scanner. Si la pathologie est confirmée, il est envoyé dans une unité d’hospitalisation. Une deuxième filière COVID permet de prendre en charge les patients COVID+ déjà hospitalisés et en réanimation pour faire un scanner de suivi. Ce circuit est complètement séparé des patients externes. Les externes qui arrivent sont également triés dès l’entrée et les salles d’attente sont séparées.

D. I. / Des personnels ont-ils été testés au COVID-19 à Reims ?

A. G. / Oui. Il y a des praticiens et des soignants de la clinique qui sont actuellement en éviction totale. Par mesure de protection, il y a beaucoup de personnels qui font du télétravail et, sur les recommandations du Haut Conseil de la santé publique, nous avons sorti tous les soignants fragiles, notamment ceux qui sont immunodéprimés.

D. I. / Comment les équipes ont-elles été recomposées ?

A. G. / Il y a un vrai élan de solidarité, que ce soit au niveau des aides-soignants, des infirmiers, des manipulateurs ou des médecins. Tout ceux qui n’ont pas de facteurs d’éviction sont prêts à gérer les choses. Tous les urgentistes sont montés au créneau et les radiologues sont prêts également. Nous avons des tours de gardes, des astreintes et même des doublures de garde et d’astreinte si jamais nous étions dépassés. Nous nous sommes mis en ordre de bataille pour préparer nos établissements à faire face à cette crise sanitaire d’une exceptionnelle gravité.

D. I. / Comment s’organisent les 800 radiologues du réseau Vidi ?

A. G. / Sur le réseau Vidi, nous avons des boucles mails et WhatsApp pour nous tenir mutuellement informés de la situation au quotidien. Dans la région Grand-Est, nous sommes les premiers à avoir été très fortement touchés par l’épidémie, tout comme en région parisienne. Nous avons donc pu prévenir que les choses étaient en train de s’aggraver et que les radiologues des autres régions devaient se préparer de façon immédiate et à grande échelle. Nous avons demandé aux radiologues du réseau Vidi de se mettre à disposition des hôpitaux publics qui sont en grande souffrance. Sur l’imagerie, nous pouvons assurer l’interprétation d’examens aussi bien en téléradiologie qu’en présentiel. À titre personnel, je suis prêt à aller au CHU de Reims pour donner un coup de main si nécessaire.

D. I. / Utilisez-vous la téléradiologie dans vos établissements ?

A. G. / Oui. Actuellement dans nos cliniques, il y a un radiologue par centre d’imagerie qui tourne. Les autres sont à leur domicile, soit en interprétation à distance, soit en non-activité. Nous avons fait ce choix pour respecter les consignes de confinement du gouvernement. D’une part, nous ne voulons pas être des vecteurs du virus. D’autre part, on sait que de nombreux soignants sur le territoire vont être atteints par le virus. Nous voulons donc protéger les soignants pour conserver les forces vives médicales et paramédicales. Nous préférons mettre des forces en réserve, et quand il faudra les libérer sur le terrain en présentiel, on pourra le faire, y compris dans des régions qui ne sont pas les nôtres. Pour les professionnels sur le terrain, comme les manipulateurs radio, nous nous assurons qu’ils soient protégés. En tant qu’employeurs, nous n’avons pas le droit de mettre notre personnel en danger. Pour l’instant, nous avons le matériel de protection nécessaire. Nous n’exposons pas les professionnels inutilement. Quand il faut faire un scanner COVID, un seul manip est présent.

Auteurs

Carla Ferrand

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