Docteur Imago / Comment votre service s’est-il adapté à la crise sanitaire provoquée par le COVID-19 ?
Marie-Charlotte Lelaurin / Nous avons été atteints précocement par l’épidémie car des habitants d’Ajaccio étaient au rassemblement religieux de Mulhouse, en février, d’où sont partis de nombreux cas. Le centre hospitalier est passé en plan blanc dès le début du mois de mars. Il y a eu un décalage d’environ une semaine entre l’arrivée des patients aux urgences et en hospitalisation et le démarrage de l’activité en imagerie. Au début, il n’y avait pas trop de demandes de scanners. Les patients étaient assez graves et ils partaient directement en réanimation. Progressivement, nous avons établi des arbres de décision en accord avec les cliniciens, en particulier avec la pneumologue et l’infectiologue de l’hôpital. Nous avons déprogrammé tous les patients externes au scanner. De son côté, la clinique d’Ajaccio essaie d’absorber tout ce qui ne peut pas attendre, notamment la cancérologie.
D. I. / Comment s’organisent les vacations en imagerie à l’hôpital ?
M.-C. L. / Nous avons un seul scanner. Le matin, nous faisons passer tous nos patients hospitalisés non COVID et, dès que nous pouvons, nous passons en mode COVID. Pour ce qui est de l’IRM, nous reportons le maximum d’examens externes non urgents.
« Nous essayons de garder nos patients habituels »
En revanche, nous gardons la cancérologie. Nous sommes deux radiologues dans le service. Ma collègue fait beaucoup de cancérologie et moi de la neurologie. Nous essayons de garder nos patients habituels. Pour ma part, je continue à suivre mes patients qui ont un glioblastome. Nous nous sommes donné la consigne de prendre au maximum 4 patients externes par jour en IRM. Nous leur donnons une heure de rendez-vous et les faisons attendre dans leur voiture jusqu’au dernier moment.
D. I. / Quelle organisation s’est mise en place entre le public et le privé ?
M.-C. L. / Nous avons repensé l’activité de façon globale. L’organisation de l’imagerie ajaccienne s’est faite en coordination avec le privé. Nous nous sommes organisés pour que les patients COVID suspects viennent au scanner chez nous et pas dans les cabinets ou à la clinique. Nous avons présenté notre organisation lors d’une CME extraordinaire le 19 mars car il fallait que l’hôpital soit d’accord pour recevoir tous les cas COVID suspects. Par l’intermédiaire de l’URPS, nous avons ensuite diffusé le message aux médecins de ville.
D. I. / Comment les équipes ont-elles réagi à cette restructuration de l’activité ?
M.-C. L. / Dans le service, tout le monde joue le jeu. Cette situation exceptionnelle a favorisé la communication entre tous. Les personnels sont volontaires et impliqués, aussi bien les manips et les brancardiers que les secrétaires. Il y a 30 manips dans le service. Nous avons réorganisé leurs horaires au scanner et en IRM pour qu’ils fassent des vacations de 12 heures. Ils ont ainsi plus de visibilité sur une journée complète. L’organisation est plus fluide, même si c’est plus fatigant pour eux.
D. I. / Avez-vous suffisamment de ressources humaines dans le service ?
M.-C. L. / Nous avons suffisamment de manips, mais les radiologues sont en sous-effectif chronique. Nous sommes à 1,5 ETP pour un service qui en nécessiterait 4. Nous n’avons pas d’assistant, pas d’interne. On tourne avec des remplaçants que nous essayons de pérenniser. Ils commencent à venir un peu plus régulièrement, mais ça reste précaire. Actuellement, au lieu de demander deux remplaçants, je n’en demande qu’un seul pour gérer l’écho et la radio. Pendant cette crise, nous avons beaucoup diminué l’activité des externes donc nous ne souffrons pas trop. Nous gérons à deux l’activité COVID. Nous sommes très sollicitées, nous faisons des grosses journées mais on s’en sort. Avec ma collègue, nous sommes très complémentaires.
D. I. / Avez-vous assez de matériel de protection ?
M.-C. L. / Nous n’avons jamais manqué de masques mais nous sommes rationnés. Le cadre donne les masques FFP2 aux manips au compte-gouttes. Personnellement, je mets un masque pour toute la journée, je ne le change pas toutes les 4 heures.
« Je mets un masque pour toute la journée. »
Nous avons eu quand même une grosse pénurie de solution hydroalcoolique. Là, nous étions sévèrement rationnés. Il y a eu des vols, donc nous avons tout mis sous clé. Malgré tout, il n’y a jamais eu de moment où nous nous sommes retrouvés sans rien.
D. I. / Comment évolue l’activité en imagerie, en hospitalisation et en réanimation ?
M.-C. L. / En ce moment, nous sommes plutôt sur un plateau. En réanimation, il y a eu jusqu’à 20 patients en simultané. Actuellement, il y en a une douzaine. Des évacuations sanitaires vers le continent ont été organisées avec un porte-hélicoptères de l’armée. En imagerie, la semaine du 6 avril, nous avons fait 76 scanners thoraciques, avec un maximum de 15 examens par jour au plus gros de la crise. Pour nous, c’était quand même une grosse organisation parce que nous n’avons pas les effectifs. Au vu de l’évolution de la situation, nous avons prévu de redonner des rendez-vous externes au scanner à partir du 1er juin.
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