Antoine Vial

« Il faut remettre à plat le système de santé »

Dans son dernier ouvrage, Antoine Vial, expert en santé publique, dresse un bilan alarmant du système de santé français. Pour lui, il y a urgence à tout réformer, y compris en imagerie médicale.

Le 20/04/17 à 7:00, mise à jour hier à 15:11 Lecture 6 min.

"l’hôpital public tel que nous le connaissons est menacé", estime Antoine Vial, expert en santé publique. D. R.

Docteur Imago / Vous venez de sortir un livre Santé, le trésor menacé ? 1 Quels sont les principaux thèmes abordés ?

Antoine Vial / C’est un bilan kaléidoscopique de l’état du secteur de la santé en France aujourd’hui. J’ai mis la focale sur l’hôpital. Je démontre que l’hôpital public tel que nous le connaissons est menacé par un certain nombre de faits très précis. Parmi ceux-ci, le vieillissement des praticiens hospitaliers et universitaires. Les taux de vacance atteignent 35 à 47 % pour certaines spécialités, dont la radiologie. Nous ne pouvons pas faire vivre un hôpital s’il n’y a plus de chirurgiens et de radiologues.

D. I. / Le livre est paru quelques mois avant les élections. Est-ce volontaire ?

A. V. / Lors des élections présidentielles de 2012, la santé était le parent pauvre des débats. J’ai donc pensé qu’il était temps de la remettre en lumière. Je trouve qu’il y a encore un écart très important entre ce qui est proposé et le bilan fait par les candidats. Nous avons l’impression qu’ils vivent dans un autre monde. Ils ne sont pas conscients, pour la grande majorité d’entre eux, des problèmes graves du secteur de la médecine en France.

D. I. / Qu’attendez-vous du futur président ?

A. V. / Qu’il soit conscient du problème global du secteur de la santé, des raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés là. Ce n’est pas la faute des uns ou des autres. Le monde a changé de façon radicale et le système créé en 1948 est en décalage avec la médecine d’aujourd’hui. Si nous voulons conserver l’universalité et la solidarité, il serait temps de faire une remise à plat globale.

D. I. / Vous dites que les hôpitaux publics sont en voie de disparition. Pourquoi ?

A. V. / Des spécialités sont mises à mal dans les petits hôpitaux, avec des taux de carence qui empêchent d’assurer l’égalité d’accès à des soins de qualité. Une étude sur le cancer du sein montre qu’il existe des disparités régionales fortes dans la prise en charge. Le recours aux urgences est totalement inconsidéré. Les patients savent que s’ils ont besoin d’imagerie, ils doivent aller aux urgences plutôt que chez leur médecin de ville. Il faut donc revoir tout le schéma du parcours de soins.

D. I. / La création des GHT n’est-elle pas un moyen de maintenir les hôpitaux de périphérie ?

A. V. / Non, selon les internes et jeunes médecins. Ils redoutent d’intervenir dans les hôpitaux périphériques, d’être obligés de beaucoup se déplacer. Ce n’est pas toujours facile, surtout pour aller travailler dans des établissements sous-dotés en équipements. Les médecins savent que ce ne sont pas des conditions acceptables pour les patients.

D. I. / La création des GHT doit s’accompagner d’une mutualisation des moyens techniques et humains en imagerie médicale. Pensez-vous que cela va dans le bon sens ?

A. V. / Je ne suis pas sûr que les solutions trouvées soient faites avec des indicateurs rigoureux, en fonction des besoins de la population et non des arrangements. Cela ne me semble pas efficace par rapport à l’ampleur du problème. Je préférerais que l’on fasse des plans avec le nombre d’équipements utiles par territoire.

D. I. / 47 % des postes de radiologues à l’hôpital ne sont pas pourvus. À quoi est due cette pénurie selon vous ?

A. V. / Le privé fait des offres très attractives. Pas uniquement niveau rémunérations mais aussi en matière de conditions de travail. C’est un véritable effet d’aspiration pour les professionnels de santé sortant des études. Ça condamne la plupart des hôpitaux publics d’ici 10 à 15 ans. Est-ce un choix politique ? J’ai l’impression que, pour ce secteur, le seul indicateur est financier. Dans le domaine de la médecine, ça ne peut pas être le point cardinal.

D. I. / Comment remédier à cette situation ?

A. V. / Il faut une grande réforme. Les réformes de 1948 et de 1958 des CHU ont été de grands bouleversements… La France a alors excellé dans de nombreux domaines dont l’imagerie. Mettons autour de la table les élus, les patients et les professionnels de santé et réfléchissons ensemble. Il va falloir bouleverser beaucoup de choses. Mais est-ce que nous le voulons ? Cela exige un courage politique immense et je ne suis pas sûr qu’un seul candidat à la présidentielle ne l’ait. Ceci dit, le pire n’est jamais sûr. Attendons de voir.

D. I. / Que pensez-vous de la délégation de tâches aux manipulateurs ? N’est-elle pas une des solutions pour faire face à la pénurie ?

A. V. / Je pense qu’il faut revoir les métiers, les fonctions des uns et des autres. Les patients seront de plus en plus nombreux avec le vieillissement de la population. Ce n’est pas le travail qui manque. Il faut le répartir.

D. I. / Les médecins libéraux critiquent la mise en place du système de tiers payant généralisé. Quels problèmes entraîne-t-il ?

A. V. / Je n’ai pas d’avis tranché, plus un avis politique. En France, nous sommes trop nombreux à penser que la santé est gratuite alors qu’on la paie cher. Je crois que l’on gagnerait de montrer à tous, patients et professionnels, ce qu’on dépense et ce qu’on coûte. Je défends un système intergénérationnel, qui permet une solidarité entre bien portants et malades, vieux et actifs.

D. I. / L’UNCAM a décidé, début 2017, de baisser les tarifs de certains actes réalisés par les radiologues. L’objectif était notamment de faire des économies. Cela a provoqué le mécontentement des radiologues. Qu’en pensez-vous ?

A. V. / Il faut sortir de cette relation entre l’administration, les élus, le Gouvernement, les patients et les professionnels de santé. En 2017, il n’est plus possible pour un ministre ou un directeur de la Sécurité de sociale de dire « C’est comme cela». Entre personnes responsables, on peut faire naître de l’intelligence collective. Cette intelligence collective est à même d’orienter des réformes qui sont nécessaires à la préservation de notre métier. Le radiologue doit devenir clinicien. Nous sommes tous dans des niches, des hyperspécialités et nous avons perdu une partie de cette intelligence collective qui vaut pour la négociation et le progrès médical.

D. I. / La profession est fortement touchée par le burnout ? Comment expliquez-vous cela ?

A. V. / Le burnout touche toute la profession. C’est difficile lorsqu’on a à cœur son métier de devoir compter les minutes quand explique à un patient qu’il est malade. Une fois, deux fois… On encaisse le mal-être de ne pas faire son boulot comme on aimerait le faire et c’est extrêmement délétère.

Notes

1. L'Atalante, 15 €, 2017.

Auteurs

Virginie Facquet

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