Recommandations européennes

L’ESR et l’ESTI publient leurs guidelines sur l’imagerie du COVID-19

La Société européenne de radiologie et la Société européenne d’imagerie thoracique ont rédigé des recommandations pour la prise en charge des patients en imagerie pendant l’épidémie de COVID-19. Elles passent en revue les aspects radiologiques de la maladie, les mesures de protection des patients et du personnel, et prodiguent des conseils pour l’organisation des services.

Le 08/04/20 à 15:00, mise à jour hier à 15:07 Lecture 4 min.

Seul un manipulateur devrait être en contact avec le patient dans la salle de scanner tandis qu’un autre fait fonctionner la machine. Tous deux doivent porter un masque, recommandent l'ESR et l'ESTI. © Benjamin Bassereau

Elles entendent partager l’expérience des pays les plus touchés, tels que la France, avec ceux qui n’ont pas encore atteint le même stade épidémique : la Société européenne de radiologie (ESR) et la Société européenne d’imagerie thoracique (ESTI), ont publié le 2 avril des guidelines sur la prise en charge par les services d’imagerie des patients contaminés par la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) ou suspectés de l’être [2]. Parmi leurs auteurs, Marie-Pierre Revel, radiologue à l’hôpital Cochin – Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP).

Le scanner pour « stratifier les patients »

Sans surprise, ils recommandent d’oublier la radiographie au profit du scanner thoracique pour le suivi des patients, excepté dans certains cas précis. Si le diagnostic final de COVID-19 « requiert un test par technique de transcription inverse suivie d’une amplification en chaîne par polymérase (RT-PCR) positif », le scanner thoracique se présente comme un « outil bon et précis pour stratifier les patients qui ont déjà fait l’objet d’un tri clinique en première ligne », soulignent-ils. De façon typique, le COVID-19 se manifeste au scanner par des opacités en verre dépoli bilatérales, rappellent-ils. Les patterns de « crazy paving » et de pneumonie organisée sont observés aux stades plus tardifs. Une condensation étendue est associée à un mauvais pronostic.

Pour les patients avec symptômes respiratoires et/ou comorbidités

Le scanner est notamment indiqué pour l’évaluation des personnes atteintes de symptômes respiratoires comme la dyspnée et la désaturation, poursuit le document. Il peut aussi s’avérer utile chez les patients qui présentent des comorbidités telles que le diabète ou les maladies respiratoires chroniques, quelle que soit la gravité de leurs symptômes cliniques. Les scanners répétés sont indiqués pour les cas suspectés de complications. Les indications de scanners répétés doivent être envisagées avec précaution car les transports des patients vers les appareils exposent le personnel. Chez les patients en guérison, les scanners répétés ne sont pas nécessaires.

L’échographie limitée

L’échographie peut être employée au lit du patient pour diagnostiquer des complications telles que le pneumothorax sous ventilation mécanique ou les effusions pleurales et peut aider à ajuster la ventilation mécanique ou à quantifier le liquide pulmonaire, indiquent l’ESR et l’ESTI. Pour les autres organes, l’usage de l’imagerie ultrasonore « devrait être limité aux indications pour lesquelles il permettra un diagnostic définitif ». Dans le cas contraire, et même si les protocoles habituels l’indiquent en première intention, le scanner doit lui être préféré pour « minimiser l’exposition du personnel ».

Les recommandations du centre européen de prévention et de contrôle des maladies

Concernant la protection du personnel, les auteurs de ces recommandations européennes conseillent de suivre les directives du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies [2].

Ni vernis, ni bague

Ces dernières prohibent notamment le port de vernis à ongles et de bagues au contact des patients, et signalent que le port de la barbe peut réduire l’efficacité des masques FFP2. L’équipement personnel de protection minimal inclus le masque, les lunettes (ou un écran protecteur), les gants et la blouse à manches longues. L’habillage et le déshabillage suivent un protocole précis.

Masque FFP2 pour les « procédures génératrices d’aérosol »

Seul un manipulateur devrait être en contact avec le patient dans la salle de scanner tandis qu’un autre fait fonctionner la machine. Tous deux doivent porter un masque. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies recommande en outre le port d’un masque de type FFP2 pour les procédures génératrices d’aérosol, telles que les intubations trachéales, les ventilations non invasives ou encore les bronchoscopies.

Réorganiser les services

L’ESR et l’ESTI partagent également les expériences de réorganisation des services dans les pays les plus touchés par l’épidémie.

Reporter les procédures non urgentes

En premier lieu, elles recommandent de reporter toutes les procédures non urgentes et de maintenir la prise en charge des urgences en imagerie pour les patients internes et externes, notamment pour les aggravations aiguës des maladies chroniques. Le suivi des patients oncologiques devrait être lui aussi maintenu.

Réaffecter le personnel

La présence du personnel de radiologie doit être limitée au minimum nécessaire et son affectation réorganisée, soulignent les sociétés européennes :

  • ceux qui le peuvent doivent travailler de chez eux ;
  • d’autres doivent être déployés dans les secteurs hospitaliers qui ont besoin de renforts ;
  • les équipes de manipulateurs doivent être renforcées pour les radiographies aux lits des patients en soins intensifs ;
  • Il faut davantage de radiologues et manipulateurs pour les gardes de nuit et les week-ends et moins aux horaires habituels ;
  • les internes et les radiologues qui ne pratiquent pas habituellement l’imagerie thoracique devraient être formés à reconnaître les manifestations typiques du COVID-19.

Réserver une zone et des appareils aux patients COVID

Chaque fois que c’est possible, le service devrait réserver une zone et des appareils spécifiques à la prise en charge des patients atteints de COVID-19 ou suspectés de l’être. Dans certains hôpitaux, l’utilisation d’un scanner mobile, proche du lieu où s’opère le tri clinique des patients, doit être envisagée.

Communiquer

Enfin, les guidelines européennes jugent essentiel de mettre en place des échanges quotidiens au sein et à l’extérieur du service d’imagerie, afin de partager entre autres les dernières informations et décisions concernant le flux de travail, qui peut changer rapidement en fonction de la situation de l’épidémie.

Auteurs

Jérome Hoff

Rédacteur en chef adjoint

Voir la fiche de l’auteur

Bibliographie

  1. Revel M.-P., Parkar A. P., Prosch H. et coll., « COVID-19 patients and the Radiology department – advice from the European Society of Radiology (ESR) and the European Society of Thoracic Imaging (ESTI), European Radiology, 2 avril 2020. https://www.myesr.org/sites/default/files/2020-04/COVID%20and%20Radiology%20departments_Website%20version%20April%202-2.pdf. Site consulté le 8 avril 2020.
  2. European Centre for Disease Prevention and Control (2020), Guidance for wearing and removing personal protective equipment in healthcare settings for the care of patients with suspected or confirmed COVID-19, https://www.ecdc.europa.eu/sites/default/files/documents/COVID-19-guidance-wearing-and-removing-personal-protective-equipment-healthcare-settings-updated.pdf. Site consulté le 8 avril 2020.

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