Marc Bazot

« En imagerie de la femme, on apprend tous les jours »

Marc Bazot est radiologue à l’hôpital Tenon et président de la Société d’imagerie de la femme (SIFEM). Pour Docteur Imago, il évoque son travail médical et associatif et livre sa vision du présent et de l’avenir de la discipline.

Le 27/03/17 à 15:00, mise à jour aujourd'hui à 14:07 Lecture 8 min.

« En imagerie de la femme, le cancer est une obsession pour les politiques car c’est un problème de santé publique, mais il existe plein d’autres pathologies, en particulier celles qui tournent autour de la douleur », rappelle Marc Bazot. © V. F.

Docteur Imago / Pourquoi vous être intéressé à l’imagerie de la femme ?

Marc Bazot / C’est le résultat de mon parcours professionnel. J’ai été formé à l’Hôtel-Dieu de Paris. Quand j’y suis arrivé, en 1985, son service de gynécologie obstétrique était à la pointe. Bien qu’expert en imagerie thoracique, j’ai donc appris la gynécologie obstétrique. J’ai quitté cet hôpital en 1993 car je n’avais pas d’opportunité de carrière, et suis arrivé à l’hôpital Tenon. Là, il n’y avait pas d’imagerie de la femme et j’ai pratiqué l’imagerie du thorax. Mais, progressivement, le service de gynécologie obstétrique est monté en puissance et, aujourd’hui, c’est une référence absolue. J’ai donc pu redévelopper tout ce que j’avais appris à l’Hôtel-Dieu.

D. I. / Qu’est-ce qui vous plaît dans cette discipline ?

M. B. / Je trouve que l’imagerie de la femme est fantastique car ce n’est jamais la même chose. On apprend tous les jours et la prise en charge est très variée, surtout en imagerie gynécologique. Le cancer est une obsession pour les politiques car c’est un problème de santé publique, mais il existe plein d’autres pathologies, en particulier celles qui tournent autour de la douleur.

D. I. / Pouvez-vous nous donner un exemple ?

M. B. / L’endométriose. C’est un problème majeur qui pourrit la vie de millions de patientes à travers le monde. Nous nous en occupons depuis au moins 15 ans et nous n’avons pas attendu qu’il y ait cette espèce de remue-ménage. En 1920, des gens avaient déjà tout écrit sur le sujet.

D. I. / Vous êtes l’un des fondateurs de la SIFEM, née il y a quatre ans de la fusion entre la Société d’imagerie génito-urinaire (SIGU) et la Société française de mastologie et d’imagerie du sein (SOFMIS). Qu’est-ce qui a motivé cette création ?

M. B. / La fondation de la SIFEM a nécessité le travail de nombreux pionniers. À l’époque, la gynécologie était prise en charge par la SIGU et les radiologues urinaires trouvaient cela normal. La Société française de radiologie (SFR) voyait d’un mauvais œil qu’on ait une société de la femme en plus de la SOFMIS. Lorsque j’ai été élu président de la SIGU, j’ai dit qu’il fallait que ça change. Ça n’a pas été bien vécu politiquement, ni très bon pour ma carrière, mais nous avons réussi à faire comprendre qu’il fallait modifier les statuts de la SIGU, faire disparaître la SOFMIS et créer la SIFEM.

D. I. / Vous êtes devenu le deuxième président de la SIFEM au printemps 2016. Que comptez-vous mettre en œuvre durant les trois années de votre mandat ?

M. B. / Premièrement, je vais favoriser l’essor de la société. Pour l’instant, nous sommes à 480 membres et l’objectif est d’accroître ce nombre pour être plus représentatifs par rapport aux instances. Mon deuxième but est d’inclure les jeunes, qui représentent l’avenir de la société. J’ai donc proposé la création d’une SIFEM junior. Enfin, je vais m’efforcer, avec les outils qui sont les miens, de favoriser les travaux collaboratifs. La SIFEM représente toutes les personnes compétentes en imagerie sénologique et gynécologique sur le territoire français, voire un peu à l’étranger car nous avons des membres associés suisses, belges, etc. Nous devons les aider à travailler ensemble. L’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) propose des programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) mais ils sont très compliqués à mettre en route. Il existe probablement d’autres sources de publication, d’autres sources de travail pour fédérer les expériences et les activités scientifiques.

D. I. / Est-il possible en 2017, d’améliorer le dépistage du cancer du sein ?

M. B. / Le dépistage du cancer du sein est remarquable en France. Aujourd’hui, le problème n’est pas de l’améliorer mais de connaître les orientations politiques concernant les modalités utilisées. Cela suscite beaucoup d’animations lors de nos réunions car tous les membres du conseil d’administration sont très investis. Derrière le dépistage, il y a des décisions politiques, cela a un coût, il y a des évaluations…

© V. F.

« Le dépistage du cancer du sein est remarquable en France. » © V. F.

D. I. / La tomosynthèse va-t-elle avoir une place dans le dépistage ?

M. B. / Je ne peux pas vous répondre, mais la tomosynthèse est une technique du présent, plus une technique d’avenir. C’est comme si nous comparions le diagnostic pulmonaire avec une radiographie de thorax et le scanner. C’est évident que la tomosynthèse est une technique remarquable. Elle se développe, mais dans le dépistage, on ne peut pas irradier à tout va.

D. I. / Le diagnostic en un jour du cancer du sein permet-il une meilleure prise en charge ?

M. B. / Oui, clairement. Nous avons été les pionniers à l’hôpital Tenon. Les radiologues et le service de gynécologie se sont beaucoup investis pour le mettre en place. Les évaluations montrent que la prise en charge des patientes s’est nettement améliorée. C’est un avantage fantastique. Il faut développer partout des hôpitaux en un jour. D’ailleurs, le même dispositif existe à Tenon pour le thorax et nous voulons le mettre en place dans le cadre de l’endométriose. Malheureusement, il y a les désirs et les réalités, car c’est compliqué au niveau de la logistique.

D. I. / Pour l’endométriose, quelles sont les nouveautés en imagerie pour le diagnostic et le traitement ?

M. B. / Nous favorisons les techniques alternatives non invasives. Nous avons un protocole de recherche pour l’endométriose. Un futur agrégé arrive en septembre et nous allons travailler à la mise en place d’un traitement de l’endométriose pariétale par cryothérapie. Ensuite, il faudra l’évaluer pour savoir si nous l’utiliserons en routine, puis il faudra une soumission générale. Il n’existe pas de nouveautés extraordinaires. Pour l’endométriose, il faut développer des techniques moins agressives, trouver des molécules, des techniques mini-invasives… Nous allons travailler là-dessus.

D. I. / Vous êtes le directeur d’un diplôme universitaire (DU) en imagerie gynécologique et mammaire. En quoi consiste-t-il ?

M. B. / J’ai créé ce DU il y a une dizaine d’années. Il a pour objectif de donner des principes de base fiables et reproductibles, en comprenant les intérêts et les limites de chaque technique pour chaque pathologie. Nous avons une moyenne de 140 inscrits par an. L’enseignement est divisé en cours théoriques et ateliers pratiques et la validation du DU se fait par un examen final.

D. I. / À qui s’adresse-t-il ?

M. B. / En premier lieu aux radiologues, surtout les jeunes. Mais la formation n’est pas la propriété d’une spécialité et si des gynécologues veulent se former, ils sont les bienvenus. Actuellement, ces derniers font beaucoup d’échographies, avec des degrés de compétence variables. Il faut qu’ils optimisent leurs connaissances en échographie, leurs notions de prescription, qu’il y ait une hiérarchie d’examens en fonction des pathologies suspectées car il ne faut pas demander une IRM à tout le monde. Ce n’est pas parce qu’elle est plus chère qu’elle est plus pertinente qu’un autre examen. J’espère former des gens sur tout le territoire afin qu’il y ait des référents partout.

D. I. / Quelles sont les études que vous menez actuellement ?

M. B. / Nous avons conduit une étude multicentrique pour montrer l’intérêt de l’IRM dans la caractérisation des tumeurs de l’ovaire. Une première validation a été faite au niveau européen, avec un score de gravité de ce qu’on détecte. Nous essayons d’évaluer les implications thérapeutiques de ce score. Il faut donner des armes aux chirurgiens pour leur dire s’il faut opérer ou pas. Nous travaillons aussi beaucoup sur l’endométriose. Il faut continuer à démontrer l’intérêt des techniques d’imagerie.

D. I. / Comment pensez-vous que l’imagerie de la femme va évoluer, quelles techniques vont se développer ?

M. B. / Il n’y a pas de nouvelles techniques à attendre. Maintenant, on peut caractériser les tumeurs de l’ovaire en IRM sur des critères morphologiques, fonctionnels, etc. Il faut optimiser les techniques à notre disposition, les combiner, comme la TEP-TDM, la TEP-IRM. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une société qui compte ses sous. C’est bien d’avoir des idées, mais il faut qu’elles soient « raisonnables » en termes de prise en charge. Nous n’avons pas d’argent pour faire des IRM ou des TEP-TDM à tout le monde. Le médecin doit traiter au mieux les patientes en ayant conscience de la réelle valeur ajoutée d’une technique. L’impact financier est majeur. Si l’échographie est suffisante, il faut en rester là, si ce n’est pas le cas, il faut faire une IRM.

Auteurs

Virginie Facquet

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