Docteur Imago / Vous êtes réélu pour un second mandat de trois ans à la présidence de la FNMR. Quel est votre ressenti ?
Jean-Philippe Masson / Je ressens de la fierté et un plaisir certain car les radiologues m’ont fait à nouveau confiance. La politique menée par l’équipe de la FNMR ces trois dernières années semble leur avoir convenu. Nous avons changé de cap, en décidant d’arrêter de nous laisser « tondre » de façon chronique. Nous voulons montrer que nous n’accepterons pas toutes les décisions gouvernementales, sous prétexte qu’elles venaient d’un ministre.
D. I. / Quel est le rôle de la FNMR ?
J.-P. M. / La FNMR est le seul syndicat de radiologues libéraux. Son rôle est de les représenter et de les défendre contre toutes les agressions auxquelles ils sont confrontés. Elle est aussi là pour les accompagner dans l’évolution scientifique de la spécialité, via sa structure de formation (Forcomed). Nous les aidons également sur un plan organisationnel. Il y a eu des évolutions à ce niveau, avec la baisse de la démographie et le développement de l’intelligence artificielle en annonce d’autres. Nous devons aider les radiologues à se regrouper, faire évoluer leur exercice tant sur le plan juridique, fiscal que financier.
D. I. / Quelle est son orientation politique ?
J.-P. M. / La FNMR n’a pas d’orientation politique, sa seule orientation politique est le radiologue. La FNMR est là pour défendre les radiologues envers et contre tous les politiques. Quelle que soit la couleur politique, les radiologues sont la cible d’attaques répétées depuis quelques années. Notre parti politique est le parti de la santé des Français et c’est manifestement très loin des préoccupations des politiques actuelles.
D. I. / Quelles relations entretenez-vous avec les autorités de tutelle ?
J.-P. M. / Elles sont plutôt bonnes avec la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Elle cherche à faire avancer les choses, donne d’avantages d’autorisations en matière d’IRM, même si c’est encore insuffisant. C’est plus tendu avec la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Ils mènent une politique de baisse des revenus en radiologie mais il va falloir que ça cesse. Nous n’avons eu aucun rapport avec la ministre des Affaires sociales et de la santé Marisol Touraine, qui a toujours refusé de rencontrer les médecins (cet entretien s’est déroulé avant l’élection présidentielle NDLR). Enfin, les relations sont excellentes avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Nous sommes ouverts à la discussion pour faire avancer les choses, mais nous ne sommes pas serviles.
D. I. / Quels chantiers avez-vous menés à bien au cours de ce premier mandat ?
J.-P. M. / Nous avons édité un certain nombre d’ouvrages, notamment une étude économique pour montrer que la radiologie est une richesse pour le pays. Une autre publication démontre que la France est l’endroit où les radiologues sont les moins bien considérés sur le plan humain et financier en Europe. Enfin, nous avons rédigé et édité le livre blanc de l’imagerie médicale avec les membres du G4. Il a été bien accueilli, notamment par certains politiques. En outre, nous sommes fiers d’avoir amélioré les relations avec les autres composantes de la radiologie. Nous avons des projets en commun, notamment des coopérations public/privé.
D. I. / Sur le plan politique, vous avez occupé les derniers à protester contre les baisses des forfaits techniques et des remboursements des actes…
J-P. M. / La grève du 23 mars a été très bien suivie, avec 80 % des cabinets fermés et une couverture médiatique ahurissante. Notre pétition a recueilli entre 40 000 et 50 000 signatures. Nous avons déposé des recours en Conseil d’État contre les décisions de la CNAM. Nous attendons les résultats et espérons une discussion avec la caisse. Nous irons aussi voir le nouveau gouvernement pour expliquer les problèmes de la radiologie et savoir ce que le ministère a derrière la tête.
« Nous avons décidé d’arrêter de nous faire tondre. » © V. F.
D. I. / Quels sont vos projets pour ce nouveau mandat ?
J.-P. M. / Nous allons conduire de nouvelles études économiques, notamment une, qui fera le point sur l’état financier des centres d’IRM et de scanner. La dernière, il y a 2 ans, avait montré que 18 % des centres de scanner et 5 % des centres d’IRM étaient en déficit. Avec la nouvelle baisse des forfaits techniques, je pense que cela ne va pas s’arranger, d’autant que les charges ont augmenté. Puis, en octobre, nous lancerons une grande enquête sur le calcul des taux de charge dans les cabinets de radiologie. La Cour des comptes et la CNAM avancent des chiffres, mais ils n’ont pas accès à ces données. Cela nous permettra d’annoncer la réalité à la CNAM. J’ai créé un groupe de travail à la FNMR pour travailler sur un projet autour des cabinets de proximité. Il s’agit de voir comment on peut encourager à un regroupement financier à travers des sociétés plus compétitives pour mutualiser les frais, les achats…
D. I. / Quelles sont vos relations avec les radiologues hospitaliers ? Vous soutiennent-ils dans vos actions ?
J.-P. M. / Nous avons d’excellentes relations avec certains. D’autres sont plus orthodoxes et de vieux radiologues ont conservé cette haine viscérale du radiologue libéral. Globalement, nous avançons dans le même sens à des vitesses différentes. Ils ne nous ont pas soutenus dans la dernière grève car ils ne s’identifiaient pas à nos visuels de communication.
D. I. / Selon vous, l’organisation de la radiologie publique tient-elle compte des médecins libéraux ?
J.-P. M. / Les autorités y sont forcées car nous faisons le dépistage du cancer du sein. L’activité est répartie à 70 % dans le libéral. En revanche, nous sommes exclus du dispositif des groupements hospitaliers de territoire (GHT), y compris lorsqu’il y a des groupements d’intérêt économique (GIE) pour l’exploitation de l’imagerie en coupe. L’établissement de santé privé signe un partenariat avec le GHT mais ne l’intègre pas. Nous ne sommes pas pris en compte pour la permanence des soins faite par les radiologues libéraux alors que nous gérons des urgences. Dans ma clinique, nous recevons 20 000 urgences par an. Nous aidons, mais de façon bénévole ! Il est même dit que les radiologues doivent participer davantage à la permanence des soins. L’hôpital bloque l’accès aux urgences dans les cliniques. Il y a une discordance et une concurrence malsaine orchestrée par l’hôpital.
D. I. / Quel sera selon vous, l’avenir de l’imagerie ?
J.-P. M. / L’imagerie est au centre de la démarche diagnostic. Elle ne peut que se développer. Comment, je ne sais pas. Ce sera lié aux progrès de l’informatique. À la FNMR, nous faisons tout pour que cette imagerie n’oublie pas qu’au centre, il y a le patient et que le radiologue reste un médecin. Le radiologue n’est pas qu’un analyseur d’images. Nous sommes d’abord des cliniciens dotés d’outils informatiques.
D. I. / Quelle place y tiendra l’exercice libéral ?
J.-P. M. / Je pense que nous allons persister car la radiologie libérale est la seule à être efficace en France. Malgré la baisse de niveau du matériel, les communications françaises dans les congrès sont toujours parmi les meilleures. Nous sommes indispensables.
D. I. / L’intelligence artificielle fait parler d’elle. Vous fait-elle peur ?
J.-P. M. / Non. L’intelligence artificielle est un atout pour le radiologue. C’est un outil supplémentaire, plus performant que nous commençons à utiliser avec les aides au diagnostic. Ce n’est rien par rapport à ce qui arrivera dans les prochaines années, mais cela ne remplacera pas le contact avec le patient. L’intelligence artificielle va indiquer une image pathologique le radiologue sera toujours là pour trancher. La FNMR doit accompagner cette évolution, comme elle a accompagné le développement de la mammographie numérisée, du PACS, de la téléradiologie, etc. C’est à nous de tout faire pour montrer que le radiologue est indispensable.
D. I. / Quelle est la situation de la radiologie en France ?
J.-P. M. / Elle se paupérise. Nous n’allons plus pouvoir investir, alors que la demande croit, en partie avec le vieillissement de la population. Si nous n’avons pas accès à des équipements corrects qui vont plus vite, pour voir plus de patients dans de meilleures conditions, il y aura des listes d’attente de plus en plus longues pour les examens.
D. I. / Y-a-t-il vraiment une pénurie de radiologues ?
J.-P. M. / Oui, elle existe vraiment. Nous avons 30 à 40 % des postes vacants dans les hôpitaux et des cabinets ferment. La pyramide des âges fait qu’il y aura davantage de départs à la retraite que d’internes qui seront formés. Il n’y a pas que la démographie : les jeunes veulent avoir accès à des équipements qui ne sont pas présents partout.
D. I. / Quelles sont les solutions ?
J.-P. M. / La solution, c’est l’anticipation. Un radiologue, c’est 12 ans de formation. Depuis 3 à 4 ans, le nombre d’internes a augmenté modérément, mais nous n’en verrons les résultats que dans 15 ans.
D. I. / Qu’attendez-vous du prochain président de la République ?
J.-P. M. / Qu’il arrête de taper sur la radiologie. Il faut faire de la radiologie moderne et, pour cela, il faut des moyens. 90 % des radiologues sont en secteur 1 et c’est la seule spécialité pour laquelle c’est le cas. L’augmentation de l’activité radiologique est due à l’augmentation de la demande. Il faut aussi une augmentation de la qualité de la demande par les médecins demandeurs. Nous voulons une fongibilité des enveloppes. Les économies que nous faisons faire aux autres spécialités grâce à la radiologie interventionnelle, aux traitements mis en place plus tôt grâce à des diagnostics plus rapides, doivent revenir dans l’enveloppe radiologique. Il y a en outre la question de l’économie des transports sanitaires, lorsque des équipements sont à proximité. Ils doivent être chiffrés et réintégrés à la radiologie. Il est normal que l’on touche une partie des dividendes que nous faisons économiser. De plus, il faut une vraie prise en compte des besoins en IRM. Aujourd’hui, on baisse la valeur des actes quand leur nombre augmente, car il ne faut pas dépasser la sacro-sainte enveloppe. Ce n’est plus acceptable.
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