Toutes les entreprises, dont les entreprises libérales d’imagerie médicale, sont confrontées à la difficile question de leur administration et de leur pilotage. Cela implique une formalisation globale qui doit comprendre à minima :
- une organisation structurée transparente et adéquate ;
- une répartition claire et une séparation appropriée des responsabilités ;
- un dispositif efficace et transparent de transmission des informations.
Ainsi, un groupe libéral d’imagerie médicale bien piloté doit mettre en œuvre :
- d’une part, sa structure de gouvernance et les organes de management et de gestion, c’est-à-dire des outils concrets et organisés de prise de décision et d’exercice du pouvoir ;
- et d’autre part, les organes de contrôle qui doivent disposer d’informations pour être efficaces.
Nous mobilisons ici plusieurs concepts : gouvernance, management, gestion, contrôle mais aussi information. Ces notions sont souvent floues et mal connues des professionnels de l’imagerie, peu formés à ces principes complexes. Cet article tente de les éclairer et de les positionner dans le fonctionnement d’une entreprise libérale d’imagerie.
La gouvernance
L’étymologie aide à comprendre la notion de gouvernance. Le mot gouvernance vient du latin « gubernare » : diriger un navire. La gouvernance désigne donc l’ensemble des mesures, des règles, des organes de décision, d’information et de surveillance qui permettent d’assurer le bon fonctionnement et le contrôle d’un État, d’une institution, d’une entreprise ou de tout autre organisation. Par traduction quasi littérale de l’expression anglaise « corporate governance », on parle désormais de « gouvernement d’entreprise » ou « gouvernance d’entreprise ». Cela désigne le système formé par l’ensemble des processus, des règles et des structures utilisés pour diriger, administrer et contrôler l’entreprise.
Davantage que la direction ou la gestion
Assimiler la gouvernance à la direction et à la gestion d’une entreprise est réducteur. Les missions de ceux qui gouvernent l’entreprise ne doivent pas être confondues avec les fonctions de direction et de gestion classiquement dévolues aux gérants (quand il s’agit de SARL et SELARL) et aux directeurs généraux (quand il s’agit de SAS et SELAS). Elles sont beaucoup plus complètes et plus ambitieuses.
La gouvernance est une activité complexe qui consiste à définir et mettre en œuvre la politique, la stratégie et les objectifs de l’entreprise, dans le respect de ses valeurs et de ses missions. Elle établit le corpus des règles qui régissent la manière dont l’entreprise est dirigée et contrôlée. Elle pose les règles et les procédures de prise de décision : qui décide de quoi et comment. Elle répartit les droits, les rôles et les obligations des différents intervenants et décideurs du groupe d’imagerie, tels que les radiologues associés, les radiologues administrateurs ou le directeur administratif et financier.
Mieux vaut choisir un régime souple
Certaines règles de gouvernance sont imposées par la structure sociale de l’entreprise d’imagerie. Ce sont les règles issues du droit des sociétés. Elles ne sont pas négociables. Les autres sont déterminées par les médecins radiologues eux-mêmes, actionnaires de leur entreprise. Elles sont personnalisables et ajustables. Elles sont transcrites dans les statuts de la société ou dans le pacte d’associés (ou le règlement intérieur) qui complète les statuts. Ainsi, lors du choix du statut de l’entreprise, il est fortement recommandé de choisir le type de société le plus souple dans le respect du droit des sociétés.
[contenu_encadre img= » » titre= »Quels statuts choisir ? » contenu= »De nombreux groupes d’imagerie sont aujourd’hui structurés en sociétés à responsabilité limitée (SARL) ou sociétés d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL). Or, les sociétés par actions simplifiées (SAS) ou Sociétés d’exercice libéral par actions simplifiées (SELAS) offrent une plus grande liberté dans l’organisation de la gouvernance de la société, à travers la rédaction des statuts et pactes d’associés « sur mesure ». La structure des SARL et SELARL est plus rigide. » auteur= » » legende= » » credit= » »]
Les principes fondamentaux
La gouvernance repose sur l’application et le respect de plusieurs principes fondamentaux et universels :
- la responsabilité des décideurs : ceux qui sont amenés à gouverner l’entreprise (autrement dit les médecins radiologues associés administrateurs du groupe d’imagerie) représentent une communauté d’intérêts qui va au-delà de leur intérêt propre. Leurs décisions engagent donc tous les médecins radiologues associés ;
- le respect d’un processus décisionnelprédéfini, qui assure à chaque radiologue associé les pouvoirs et les informations afin d’agir à son niveau ;
- la transparence et le droit de tous les médecins associés à une information complète et à jour ;
- le respect de la réglementation, des principes éthiques et des statuts internes de l’entreprise ;
- la mise en œuvre d’un système d’évaluation et de suivi de la performance de l’entreprise d’imagerie ;
- le contrôle des organes de gouvernance par l’assemblée des associés.
Le management
Le terme management vient d’un verbe français du XVIe siècle, « mesnager », qui signifiait « tenir en main les rênes d’un cheval » puis par extension « gérer les affaires du ménage ». Son sens originel ramène à l’art de conduire, de diriger et l’acception moderne reste dans cet esprit de « tenir les rênes d’une organisation », de « conduire une entreprise de façon judicieuse ».
Assurer la conduite globale de l’entreprise
Manager, c’est mener l’action. C’est piloter l’organisation, la diriger, la développer, la contrôler, la pérenniser. C’est assurer la conduite globale de l’entreprise et prendre les bonnes décisions stratégiques et tactiques (le « quoi » et le « comment ») pour assurer pérennité, performance et développement, dans le respect du cadre et des lignes politiques dictés par la gouvernance. Ainsi, le management est bien une fonction de la direction au plus haut niveau, en relation très étroite avec la gouvernance.
Un organe : le comité de direction
Pour manager, il faut des principes, des méthodes et des instruments. Ainsi, l’assemblée des associés doit créer un « comité de direction » ou « comité exécutif » composé d’un nombre limité (deux ou trois) de radiologues coresponsables.
Par l’effet du contrat (les statuts et le pacte d’associés), l’ensemble des médecins associés délèguent leurs pouvoirs de direction et de gestion à ce comité de direction. Les radiologues s’interrogent souvent sur les conditions d’accès aux organes de direction. Elles doivent être prédéfinies dans le pacte d’associés. Les administrateurs peuvent être élus ou nommés. La durée des mandats des administrateurs doit être prédéfinie car ces fonctions ne sont pas inamovibles. Il y a un équilibre à trouver pour assurer une certaine stabilité aux instances dirigeantes et permettre à d’autres associés d’accéder à ces postes, par esprit de justice et pour vitaliser l’ensemble.
Enfin, il est logique et sain que l’organe de direction agisse sous le contrôle permanent de la communauté des associés coresponsables. Cela impose donc de mettre en place un système d’information des associés et une boucle de contrôle que nous détaillerons ci-dessous.
La gestion quotidienne
La gestion peut se définir comme la mise en œuvre des ressources de l’entreprise en vue d’atteindre les objectifs préalablement fixés dans le cadre d’une politique et d’une stratégie prédéterminées.
Des décisions opérationnelles
La gestion consiste à administrer, organiser, faire vivre et fonctionner l’entreprise au quotidien pour lui permettre d’assurer ses missions et d’atteindre ses objectifs.
La gestion d’une entreprise d’imagerie médicale couvre une multitude de tâches variées : organiser l’activité, gérer les ressources humaines, faire les plannings, faire la comptabilité, suivre la trésorerie et les impayés, organiser les maintenances préventives et correctives des équipements, faire les commandes et contrôler les livraisons et les stocks, assurer la radioprotection, faire fonctionner le système d’information, gérer les relations avec les tutelles, etc.
On comprend que le gestionnaire est également un décideur. Mais les décisions qu’il prend sont de natures très différentes de celles des managers. Ce sont des décisions opérationnelles. Il agit sur le fonctionnement quotidien.
Les gestionnaires (parfois nommés managers opérationnels) sont placés sous la responsabilité d’un (ou plusieurs) dirigeant(s) clairement identifié(s), membre(s) du comité de direction, qui aura(ont) en charge les secteurs clés du groupe d’imagerie : finances, RH, qualité, SI, équipements d’imagerie, relations avec les correspondants et les tutelles, etc. Il faut donc pour cela que les différentes fonctions de l’entreprise d’imagerie aient été identifiées, prédéfinies et cartographiées.
Bonne entente exigée
De plus en plus souvent, les radiologues confient ces fonctions de gestion à un directeur (ou responsable) administratif et financier (DAF / RAF). Il ne faut pas se méprendre sur le titre de « directeur » de ce responsable. Il est « directeur » au sens opérationnel du terme, car il a autorité sur les décisions courantes, celles de la vie de tous les jours. Mais il agit sous l’autorité hiérarchique des radiologues administrateurs.
Le DAF doit disposer d’une autorité, d’une autonomie et d’une délégation suffisantes, tout en respectant les pouvoirs des radiologues. Ce n’est pas facile car les limites des responsabilités et des pouvoirs des uns et des autres sont ténues. Elles varient également d’un groupe d’imagerie à l’autre, selon l’organisation interne propre à chaque groupe.
Les modes de fonctionnement et de reporting entre le DAF et le comité de direction doivent être clairement établis. La bonne entente du binôme radiologue administrateur – DAF est une des clés du succès d’une gestion fluide et transparente.
Enfin, certaines tâches de gestion peuvent être externalisées. Il n’y a pas de règle générale pour cela. Tout est affaire de situation particulière, de problème de temps, de compétence disponible sur place, d’intérêt et de niveau d’expertise requis.
[contenu_encadre img= » » titre= »Quelle gestion dans les entreprises d’imagerie médicale ? » contenu= »Les entreprises libérales d’imagerie médicale ont des spécificités qui impactent fortement sur leur gestion :
– en référence au nombre de salariés, ce sont des TPE (très petites entreprises), au mieux des PME (petites et moyennes entreprises) ;
– les personnes employées sont très qualifiées et très diplômées, contrairement à de nombreux autres secteurs d’activité économique ;
– ce sont des entreprises indépendantes ;
– elles ont une exigence forte de fiabilité et de sécurité liée au métier lui-même et aux prestations fournies ;
– l’environnement règlementaire est très contraint.
Ainsi, constatons-nous souvent que les exploitants restent dans la gestion du quotidien en n’appliquant qu’une seule façon de faire, considérée comme étant la bonne, sans avoir de réflexion ni de recul sur leur organisation et sans véritable objectif (quantitatifs et qualitatifs) par manque de structuration de l’organisation. » auteur= » » legende= » » credit= » »]
Le contrôle
Par prudence, il faut éviter la concentration des pouvoirs effectifs de direction et de gestion entre les mains d’un tout petit groupe de radiologues qui définiraient seuls les intérêts de l’entreprise. Il y a de nombreuses raisons à cela. Nous n’en citerons que trois :
- les médecins radiologues administrateurs en charge de la gouvernance et du management de l’entreprise sont nommés (ou élus, selon les cas) pas leurs pairs et exercent cette fonction par délégation. Il est donc sain qu’ils rendent des comptes ;
- il existe un vrai risque qu’ils monopolisent le pouvoir en s’appropriant le droit de prendre seuls les décisions et qu’ils confondent à terme leurs intérêts personnels avec ceux de l’entreprise ;
- pour être sûr que les administrateurs prennent en permanence en compte l’ensemble des intérêts de l’entreprise et des associés / actionnaires, il faut séparer les fonctions de direction, les fonctions opérationnelles et les fonctions de contrôle.
L’organisation doit donc être nécessairement contrôlée. C’est une règle indispensable. Les fonctions de contrôle doivent être indépendantes des fonctions d’administration. L’organe de contrôle doit s’assurer que l’ensemble des intérêts (intérêts collectifs de l’entreprise et intérêts particuliers des associés / actionnaires) sont pris en compte. Il doit pour cela avoir une représentativité équilibrée de l’ensemble des associés.
En général, le contrôle est exercé par l’assemblée générale des associés sans qu’il soit nécessaire de créer une structure de contrôle spécifique et formelle, comme par exemple un « Conseil de surveillance ».
Mais le contrôle ne peut être pertinent et efficace que si les informations pour le faire sont disponibles, justes et fiables. Il faut donc organiser le reporting et la communication auprès de tous les associés.
La circulation de l’information
La bonne communication de l’information entre tous les radiologues associés est essentielle au fonctionnement de l’entreprise, en particulier si les sites d’exercice sont nombreux (groupes multisites) et s’il y a peu de rencontres entre associés. Sans information, il y a un risque fort de voir les radiologues périphériques se satelliser, se désengager et s’éloigner de la vie de l’entreprise et de son évolution. L’entreprise doit définir et mettre en œuvre un dispositif efficace de transmission de l’information et de reporting interne car certaines décisions ne peuvent être prises sans un niveau d’information minimal des associés. Certaines informations prédéfinies doivent remonter périodiquement à l’ensemble des associés (suivi de l’activité et du chiffre d’affaire, résultats comptables, etc.).
Ce reporting a la vertu d’obliger l’organe de gouvernance à être transparent, à assumer les décisions prises et à les porter à la connaissance des associés. Il oblige également les associés non directement impliqués dans le management du groupe d’imagerie à demeurer à l’écoute et à s’intéresser à la vie de leur entreprise, et donc à rester impliqués. Le « je n’étais pas au courant » ne peut plus être utilisé comme argument pour se défausser.
Annexe 1. Les différents types de décisions
Les responsables sont des décideurs. Mais quel type de décisions prennent-ils ? Nous vous proposons de les classer selon une typologie simple en trois groupes.
Les décisions stratégiques
Les décisions stratégiques, c’est le « quoi faire ». Ce sont des décisions de long terme (plus de 5 ans) qui créent et influencent fortement le potentiel de l’entreprise d’imagerie. Ce sont par exemple des décisions de fusion-acquisition, d’investissement dans un nouvel équipement, de déménagement, d’ouverture ou de fermeture d’un site, d’intégration d’un nouvel associé, de développement d’une nouvelle technique, etc. Typiquement, ces décisions sont prises par le comité de direction, après avis et validation par l’assemblée des associés.
Les décisions tactiques
Les décisions tactiques, c’est le « comment faire ». Elles permettent de mettre en œuvre les décisions stratégiques. Ce sont des décisions de moyen terme (entre 1 et 5 ans). Ce sont par exemple des décisions de nouvelle organisation du travail, d’embauche de nouvelles compétences, de renouvellement de matériel, de rénovation de locaux, etc. Elles sont prises par les radiologues décideurs/managers/administrateurs, membres du comité de direction, sans forcément l’avis et la validation de l’assemblée des associés. Mais ces derniers en sont toutefois informés.
Les décisions opérationnelles
Les décisions opérationnelles, c’est le « faire au quotidien ». Ce sont des décisions de court terme (de quelques minutes à quelques mois) qui permettent d’exploiter le potentiel de l’entreprise et d’assurer son fonctionnement au jour le jour. Ce sont par exemple les décisions prises pour remplacer une absence imprévue, gérer une rupture de stock, préparer la visite de radioprotection, autoriser une formation professionnelle, suivre les travaux d’installation d’un équipement, gérer les relations avec les fournisseurs ou les tutelles, etc. Elles sont prises par les gestionnaires du service administratif, en premier lieu le DAF, qui en réfère aux radiologues membres du Comité de direction, avec lesquels il doit composer un tandem uni et efficace.
D. R.
Annexe 2. De la théorie à la pratique, de la décision à l’action, une chaine conceptuelle à respecter
Piloter une entreprise, c’est appliquer le raisonnement théorique suivant :
- Définir les valeurs et les missions de l’entreprise
- Définir la politique de l’entreprise dans le respect de ces valeurs et missions
- Arrêter la stratégie de mise en œuvre de la politique
- Fixer des objectifs opérationnels
- Attribuer les moyens
- Mener les actions
- Evaluer les résultats et ajuster
Les organes de gouvernance, de management, de gestion et de contrôle à mettre en place doivent permettre de respecter ce processus.
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