Portrait

Sophie Taieb, une radiologue en terrain politique

Radiologue au centre Oscar-Lambret de Lille, Sophie Taieb s’est présentée aux dernières élections législatives, dans la 10e circonscription du Nord. Malgré la défaite, elle ne regrette pas cette expérience.

Le 15/09/17 à 15:00, mise à jour aujourd'hui à 15:05 Lecture 4 min.

Sophie Taieb exerce depuis une vingtaine d'années au centre régional de lutte contre le cancer Oscar-Lambret à Lille. © C. F.

Sophie Taieb semblait prédestinée à faire de la radiologie. Fille de radiologue parisien, elle a baigné dans la spécialité depuis sa naissance. « En 1985, c’était les débuts de l’IRM, se remémore-t-elle. Mon père rapportait des images et c’était vraiment magique. » Cette Lilloise d’adoption exerce depuis une vingtaine d’années au centre régional de lutte contre le cancer (CLCC) Oscar-Lambret. Elle a eu le temps d’y imprimer sa marque en enchaînant les projets : travaux sur les sarcomes, développement de l’IRM mammaire, réflexion sur le partage de la décision en cancérologie, formation des radiologues au dépistage du cancer du sein, informatisation du dossier patient, etc. « J’aime faire des choses, justifie-t-elle simplement. J’ai toujours beaucoup de plaisir à voir des patients, mais si c’est juste pour faire de la radio quotidienne, il n’y a pas grand sens de rester dans un centre de lutte contre le cancer ». Au fil du temps, ses intérêts l’ont portée vers la réflexion sur le circuit patient, l’organisation de la structure. En matière de recherche, ce sont plutôt les jeunes qui ont les idées. C’est dans l’ordre des choses. »

Novice en politique

Rien ne lui laissait présager qu’elle se lancerait un jour en politique. Jamais elle n’avait pris la carte d’aucun parti. Elle s’est pourtant portée candidate aux dernières élections législatives dans la 10e circonscription du Nord, sous l’étiquette En Marche. « Je me suis intéressée à Emmanuel Macron. J’ai lu son bouquin et un ami m’a invitée à une conférence en janvier sur l’entrepreneuriat social et solidaire. Macron disait qu’il voulait des femmes députées alors j’ai envoyé ma candidature en mars comme plus de 19 000 personnes. » Dans le mouvement du nouveau président de la République, elle a trouvé un écho à ses convictions. « Ce qui m’a plu, c’était l’idée de dire que ce qui est important, ce n’est pas sa vision du monde mais l’objectif. Un peu comme à l’hôpital : l’objectif, c’est le patient. »

Une circonscription « ingagnable »

Retenue, elle est envoyée dans la circonscription qui regroupe Tourcoing et les villes à la frontière belge. Un territoire « absolument ingagnable » selon ses mots. « Mais j’y suis allée quand même pour qu’il y ait le plus possible de candidats En Marche. » Durant les cinq semaines de campagne, elle fait le tour des villes et des marchés, tracte, rencontre les appuis locaux, les entreprises, les commerçants, les maires, les associations, fait du porte à porte auprès des habitants. « Il a fallu trouver un suppléant, un directeur de campagne. J’ai investi mon argent personnel pour faire des affiches, des tracts, mais j’étais sûre de faire plus de 5 % et donc d’être remboursée. » Pendant sa campagne, elle suspend ses activités médicales. « J’ai puisé dans mon compte épargne temps. Mes camarades ont fait le boulot supplémentaire. »

« On m’a accusée de parachutage »

Le premier tour est très serré et Sophie Taieb se retrouve en ballottage face à un candidat des Républicains. Seulement 50 voix les séparent, mais elle ne se fait pas d’illusion quant à l’issue du second tour. Le candidat des Républicains est en effet soutenu par l’actuel ministre du budget Gérald Darmanin, lui-même maire de Tourcoing. La novice observe les mécanismes de la politique. « On est dans un système avec ses règles du jeu. Moi je découvrais ce monde, j’ai fait avec. » Elle doit aussi composer avec quelques coups bas, qu’elle esquive grâce à un argument imparable : « Comme je ne réside pas à Tourcoing mais à Lille, à 12 kilomètres, on m’a accusée de parachutage. Mais au CLCC, je soigne les patients de la métropole depuis plus de 25 ans. Je les connais plus qu’un politicien qui reste dans son bureau. »

Pas de regret mais une déception

En travaillant sur le terrain, la candidate se découvre un domaine de prédilection : le volet économique. Dans la 10e circonscription du Nord, longtemps acquise à la gauche puis au Front National, la colère couve et Sophie Taieb prend la mesure du travail à accomplir. « À Tourcoing, il y a des ZUP qui sont des quartiers perdus de la République avec 40 % de chômage chez les jeunes, de la misère sociale, des cas de gale », se désole-t-elle. Alors elle prend la situation à bras-le-corps et fait germer l’idée de mettre en contact des centres sociaux et des associations avec des pépinières d’entreprises pour développer la formation et sortir les jeunes de leur quartier. Une action qu’elle regrette de ne pas pouvoir porter jusqu’au bout. « La vraie déception c’est ça, déclare-t-elle. Ce n’est pas de pas avoir été élue – même si j’aurais adoré ça – mais c’est de laisser une circonscription dans les mains de personnes qui n’ont jamais réfléchi à comment apporter des emplois. » Au second tour, les prévisions se confirment : elle perd, avec 44 % des suffrages. « Ce n’était pas vraiment une surprise », commente-t-elle, sans amertume.

« Cinq ans c’est loin… »

En cas de victoire, elle aurait continué d’exercer, « pour garder un pied dans la société civile ». Aujourd’hui, la question ne se pose plus et Sophie Taieb se consacre à plein temps à l’imagerie médicale au CLCC. Serait-elle tentée de rempiler en 2022 ? « Cinq ans c’est loin… », souffle-t-elle. À l’heure du bilan, elle retient surtout l’importance du contact humain. « C’est comme la médecine. Il faut aimer les gens. »

Auteurs

Carla Ferrand

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