Hôpital de la Pitié-Salpêtrière

La TEP-IRM ouvre un nouveau chapitre de la médecine nucléaire

À Paris, l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière exploite une TEP-IRM depuis octobre 2015. Après une phase de découverte, les équipes ont pris leurs marques sur cette machine qui combine les avantages mais aussi les contraintes de la résonance magnétique et de la tomographie par émission de positons.

Le 20/01/17 à 16:00, mise à jour aujourd'hui à 14:16 Lecture 7 min.

La TEP-IRM est utilisée par le service de médecine nucléaire et l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Elle sert donc la moitié du temps pour la recherche et l’autre moitié pour les patients de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. © C. F.

Un ronronnement se fait entendre dans le service de médecine nucléaire de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. C’est celui d’une IRM, et plus précisément d’une TEP-IRM. L’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a rénové les locaux pour héberger cette technologie, qui a reçu son premier patient en octobre 2015. Le service de médecine nucléaire partage son utilisation avec l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). L’appareil sert donc la moitié du temps pour la recherche et l’autre moitié pour les patients de l’hôpital, principalement dans le domaine de la neurologie : « Les pathologies cérébrales représentent environ 80 % des examens réalisés sur la TEP-IRM, indique Aurélie Kas, chef du service de médecine nucléaire. Le reste est consacré à l’oncologie cervicofaciale, digestive et abdominopelvienne» Pour cet examen 2 en 1, les équipes ont été formées aux particularités techniques de la machine mais aussi aux contraintes des deux modalités. « Il y a à la fois la préparation du patient et les précautions relatives à la radioactivité, mais aussi les contre-indications à l’IRM, détaille Aurélie Kas. Il faut les prendre en compte à toutes les phases de la prise en charge du patient. »

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80% des examens réalisés sur la TEP-TDM concernent des pathologies cérébrales, explique Aurélie Kas, chef de service de médecine nucléaire de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, ici avec Didier Dormont, chef du service de neuroradiologie. © C. F.

Un pari technologique

En fin de matinée, le manipulateur Aurélien Lopez prépare la machine pour le prochain examen. La TEP-IRM ressemble à s’y méprendre à une IRM 3 T classique, à laquelle on a ajouté une couronne de détecteurs. « Sa création était un vrai pari, car elle rassemble deux technologies a priori incompatibles, souligne le technicien. Mettre des détecteurs de TEP dans un champ magnétique peut avoir une influence sur les cristaux. Les constructeurs ont donc dû inventer une technologie pour conjuguer les deux, afin que le système résiste au champ magnétique et aux différences de température. »

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Extérieurement, la TEP-IRM ressemble trait pour trait à une IRM classique. Le système TEP est intégré. © C. F.

Un avantage non négligeable pour les patients

Pour les patients, c’est un avantage non négligeable car ils passent un seul examen avec deux modalités simultanées, ce qui évite de prendre deux rendez-vous. Il est 11 h 20, un homme va passer sur la machine pour un examen ORL. Le fluor-18 lui a été injecté il y a une heure. La manipulatrice Sandrine Brunel l’installe et le recouvre de larges antennes, car l’examen comprend des acquisitions corps entier en complément des acquisitions localisées. Le patient devra faire une série d’apnées comme pour un examen d’IRM classique.

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Sandrine Brunel installe le patient sur l'appareil. Le patient est recouvert d'antennes pour les acquisitions corps entier. Pendant l'examen, les systèmes TEP et IRM travailleront en synchronisation. © C. F.

Les deux modalités travaillent en osmose

De retour à la console, la manipulatrice lance l’examen. Dans la salle attenante, le bruit de l’IRM se fait entendre par intermittence. « Quand on fait du corps entier, il y a plus de TEP que d’IRM ; quand on fait du localisé, c’est l’inverse, explique Sandrine Brunel. Là, c’est du corps entier donc l’IRM attend la TEP. La séquence IRM dure quinze secondes puis il y a trois minutes d’acquisition TEP. C’est pour cela qu’on n’entend plus le bruit de l’IRM. Les deux systèmes s’attendent mutuellement, ils agissent en osmose en respectant leurs timings respectifs. » Au bout de 50 minutes l’examen touche à sa fin. « Maintenant, il n’y a plus que l’IRM qui tourne, la TEP est terminée. On fait des séquences complémentaires avec injection ou des séquences qui ne seront pas dans la TEP. » En fusionnant ainsi deux modalités, la technologie TEP-IRM a fait apparaître de nouvelles subtilités de fonctionnement : « Derrière la console, il faut maîtriser l’outil IRM et les acquisitions TEP, tout en sachant qu’elles ne sont pas faites de façon indépendante et que les acquisitions doivent être lancées d’une certaine façon, note Aurélie Kas. Par exemple, le centre du champ de vue doit être le même en IRM et en TEP. Ce sont des choses qui semblent simples mais qui, en pratique, peuvent être contraignantes. »

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À la console, Sandrine Brunel réalise les images. Les systèmes TEP et IRM « s'attendent » en fonction du type d'acquisition réalisée. La TEP-IRM est aussi une IRM diagnostique à part entière. © C. F.

Un challenge pour le service

En apprenant à utiliser cette nouvelle technologie, les manipulateurs et médecins du service ont défriché un terrain jusqu’alors peu exploré, car la TEP-IRM est une machine encore rare en France. Le recrutement des quatre manipulateurs s’est fait sur la base du volontariat. Trois viennent de neuroradiologie, un choix qui ne doit rien au hasard. « Un manip d’IRM a plus de facilités à prendre ses marques, assure Aurélien Lopez, car, sur la TEP-IRM, l’expérience, pour le technicien comme pour le patient, est vraiment une expérience d’IRM. En revanche, le côté prise en charge se rapproche davantage de la médecine nucléaire. » Pour les médecins du service, la transition s’est faite sans accroc. « La phase d’adaptation a été relativement courte car cette machine génère des images TEP de très bonne qualité », rapporte Aurélie Kas. Ce qui change, c’est que nous interprétons maintenant notre examen avec des séquences IRM. Elles apportent bien plus d’informations anatomiques que le scanner non injecté basse dose que nous utilisions auparavant. » Les interprétations sont réalisées par un binôme composé d’un médecin nucléaire et d’un radiologue. « Les deux assurent une vacation commune du début à la fin, décrit la chef de service. À la fin de l’examen, le radiologue interprète l’IRM et le médecin nucléaire interprète la TEP. Ensuite, nous confrontons les deux points de vue et dressons une synthèse. »

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Le manipulateur Aurélien Lopez à la console. À la fin de l’examen, un radiologue interprètera l’IRM tandis qu'un médecin nucléaire interprétera la TEP. Leurs points de vue seront confrontés une synthèse sera réalisée. © C. F.

La TEP-IRM, une révolution ?

Pour ce qui est de la qualité d’image, l’appareil est au point. « C’est une IRM 3 T, qui fait des images comme celles qu’on peut voir sur des machines classiques. En TEP, c’est une machine de forte sensibilité, avec très bonne résolution spatiale », apprécie Aurélie Kas. Quelques détails restent cependant à régler, à l’image de la correction d’atténuation des images TEP. « En TEP-TDM, elle se fait en s’appuyant sur le scanner. En IRM, c’est différent car il n’y a pas de carte d’atténuation. Elle doit être générée en passant par l’IRM mais la modalité ne permet pas de visualiser l’os. Des informations vont donc manquer pour la correction d’atténuation, explique Aurélie Kas. L’impact clinique sur les images est faible. Ce n’est pas un problème pour notre interprétation de tous les jours mais il y a probablement un impact sur la quantification des images qui est indispensable pour la recherche. » Dans le monde l’imagerie médicale, la TEP-IRM s’annonce comme innovation technologique de premier plan. Un vaste horizon qui reste encore à explorer.

Auteurs

Carla Ferrand

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