L’IA prend de plus en plus d’importance en radiologie, où en est-on pour le dépistage du cancer du sein ?
Bruno Picavet / L’intelligence artificielle prend effectivement une place grandissante en sénologie ; en France, le travail du comité stratégique de filière (CSF) a montré qu’une femme sur cinq bénéficie de l’IA lors d’une mammographie. Des solutions comme MammoScreenTM de Therapixel sont conçues pour assister les radiologues en analysant les mammographies avec une grande précision, aidant ainsi à détecter plus tôt les anomalies potentiellement cancéreuses. Ces outils d’IA peuvent améliorer la sensibilité et la spécificité du dépistage, réduire les erreurs humaines et optimiser le flux de travail en radiologie.
Cependant, l’IA n’est pas un substitut au jugement clinique des radiologues, mais plutôt un complément qui permet de renforcer la qualité des diagnostics. Les études cliniques et validations réglementaires continuent d’évoluer pour garantir la sécurité et l’efficacité de ces technologies dans la pratique courante.
Matthieu Leclerc-Chalvet / Au-delà de l’utilisation en première lecture, l’IA offre un potentiel d’amélioration très important du service rendu par la deuxième lecture. Ce service, qui garantit un taux de détection optimal des cancers, souffre d’un manque crucial de lecteurs experts, ce qui rallonge de plus en plus les délais de remise du compte rendu final aux femmes. L’usage en deuxième lecture commence à se généraliser en Europe du Nord, et Therapixel est très actif dans ce domaine en France.

Suivant les contextes – lecture immédiate ou différée en batch – une réduction drastique du temps d’interprétation a aussi été démontrée. MammoScreen l’a montré dans les conditions contrôlées de ses études MRMC, mais aussi en vie réelle grâce à sa fonctionnalité unique de suivi des temps de lecture en continu.© Therapixel
On voit que les usages se précisent, quelles sont les preuves scientifiques et techniques pour ceux-ci ?
Matthieu Leclerc-Chalvet / Les premières applications d’aide à la décision pour la détection du cancer du sein intégrant l’IA ont été validées et commercialisées il y a plus de 6 ans. Diverses études ont mesuré de façon claire les performances de ces applications dans différents contextes et cas d’usage. Des preuves provenant de différentes études cliniques mondiales et en France démontrent les avantages substantiels de l’incorporation de l’IA dans les programmes de dépistage du cancer du sein.
Bruno Picavet / À l’heure actuelle, toutes les IA de mammographie sont utilisées en tant qu’outil d’aide à la décision sous le contrôle du radiologue (impératif réglementaire) et visent à améliorer ses performances en spécificité et sensibilité. Toutes les IA qui ont été évaluées cliniquement, entre autres toutes celles ayant reçu l’autorisation de la FDA et ayant publié les résultats de leur étude de type MRMC (multi-reader multi-case), montrent une amélioration de la sensibilité et de la spécificité du radiologue avec IA par rapport au même radiologue sans IA, sur le même jeu de données patient. C’est bien sûr le cas de MammoScreen, qui a montré sur trois autorisations FDA successives une amélioration croissante des performances au fil des versions. L’apport de l’IA dans la détection du cancer en première lecture est donc fermement établi.
Suivant les contextes – lecture immédiate ou différée en batch – une réduction drastique du temps d’interprétation a aussi été démontrée. MammoScreen l’a montré dans les conditions contrôlées de ses études MRMC, mais aussi en vie réelle grâce à sa fonctionnalité unique de suivi des temps de lecture en continu.
Pour la deuxième lecture, les preuves commencent à arriver et sont en cours de publication. Elles montrent qu’une part substantielle des examens de deuxième lecture pourraient être lus uniquement par l’IA sans louper aucun des cancers détectés par le deuxième lecteur.
Votre produit, MammoScreen, a certaines particularités, quelles sont-elles ?
Bruno Picavet / Pour éviter l’effet de « boîte noire » souvent associé à l’intelligence artificielle, nous avons conçu MammoScreen de manière à en rendre le fonctionnement aussi transparent et compréhensible que possible. Un bon exemple : le célèbre MammoScreen Score, particulièrement apprécié par des radiologues français. Le score de l’examen provient du score le plus élevé des deux seins, et le score de chaque sein est issu du score le plus élevé parmi les lésions, assurant ainsi la traçabilité et la transparence des résultats. Ce score exprime de façon claire la probabilité de présence d’un cancer. Un score de 1 signifie qu’aucune lésion n’a été trouvée, 2 que la lésion est certainement bénigne et ainsi de suite jusqu’à 10 pour les lésions certainement malignes.
Son système de code couleur rend l’interprétation encore plus intuitive : rouge signale une forte suspicion, jaune invite à une vigilance accrue du radiologue, vert indique un résultat rassurant.
Nous sommes également les premiers à avoir intégré les antériorités. Ainsi, MammoScreen se rapproche encore du raisonnement clinique d’un radiologue, en tenant compte de l’évolution des lésions dans le temps. Cette prise en compte des antériorités permet d’affiner l’interprétation des images et peut influencer le score final, pour des résultats encore plus fiables.
Matthieu Leclerc-Chalvet / L’ambition de Therapixel depuis 2017 et sa victoire au DREAM Digital Mammography Challenge devant plus de mille participants, est d’aller le plus loin possible dans l’efficience du workflow de mammographie. Les versions de MammoScreen déjà commercialisées depuis plusieurs années utilisent de plus en plus d’images – 2D, tomosynthèse, antécédents – pour perfectionner la détection et la caractérisation des lésions. La prochaine version de MammoScreen (déjà disponible aux États-Unis) intégrera de nombreux autres éléments du workflow : collecte des informations patient, contrôle qualité des clichés, évaluation de la densité, mais aussi préparation des éléments du compte rendu pour une revue par le radiologue. Rendez-vous aux prochaines Journées francophones de radiologie (JFR) pour en savoir plus.

MammoScreen score exprime de façon claire la probabilité de présence d’un cancer. Un score de 1 signifie qu’aucune lésion n’a été trouvée, 2 que la lésion est certainement bénigne et ainsi de suite jusqu’à 10 pour les lésions certainement malignes.© Therapixel
La mise en pratique d’une IA en radiologie amène des changements de pratique et de nouveaux défis. Quels sont ceux auxquels vous faites face ?
Bruno Picavet / Le rôle de l’IA aujourd’hui est de compléter l’expertise des radiologues, et il est important que cette technologie ne modifie pas fondamentalement leurs habitudes de travail. Avec MammoScreen, nous avons cherché à créer un outil de soutien accessible mais non intrusif. Nous avons donc conçu le système pour qu’il s’intègre naturellement dans les worklists existants, sans nécessiter de clics supplémentaires. Il était aussi essentiel que le système soit compatible avec les infrastructures PACS et RIS déjà en place, afin d’éviter des changements techniques lourds et de faciliter son adoption.
Un autre défi est de trouver le juste équilibre entre automatisation et contrôle humain. L’IA doit être un outil de soutien, sans pour autant prendre la place du jugement clinique du radiologue, ce qui nécessite une formation continue et une adaptation progressive des pratiques.
La question de la sécurité des données a toujours été au cœur de nos préoccupations. Depuis l’enregistrement auprès de la CNIL pour la collecte des données qui ont servi à l’élaboration de l’algorithme, jusqu’à l’obtention et au maintien des certifications les plus draconiennes – ISO 27001 et hébergement de données de santé (HDS) – et maintenant l’IA Act, nous travaillons en permanence à l’amélioration de la sécurité des données.
Cette nouvelle technologie a un coût, comment est-il pris en charge ? Quelles sont les perspectives en la matière ?
Bruno Picavet / En France, ce coût est pour l’instant principalement supporté par les cabinets de radiologie et les établissements hospitaliers. C’est généralement le cas pour les innovations, comme la tomosynthèse par exemple, qui doivent montrer leur pertinence en pratique avant de pouvoir justifier d’un financement public. L’IA en mammographie est donc dans une phase d’évaluation médico-économique et devrait suivre le même chemin que les innovations précédentes, comme la numérisation des images, qui ont rapidement démontré leur valeur clinique.
Matthieu Leclerc-Chalvet / La prise en compte du prix de MammoScreen dépend du cas d’usage. Le remboursement est souvent vu comme la panacée ou le seul moyen de financer l’innovation. Or, obtenir un remboursement est toujours très long, et les startups à l’origine de cette révolution IA en radiologie ne peuvent se permettre d’attendre des années si elles veulent à la fois survivre et continuer à innover. D’autre part, MammoScreen a toujours eu l’ambition d’améliorer l’efficience du dépistage. C’est donc sur l’équation médico-économique que nous comptons sur le moyen terme, en particulier pour la deuxième lecture.
Vous pouvez en savoir plus sur MammoScreen en visitant mammoscreen.fr.
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