En plein essor, la radiologie interventionnelle (RI) reste freinée par son manque de reconnaissance institutionnelle et de traçabilité, qui se traduit entre autres par une méconnaissance de cette activité par les tutelles et par de nombreux actes absents de la Classification commune des actes médicaux (CCAM). Face à ces difficultés, l’enquête d’activité 2023 de RI, menée par la Fédération de radiologie interventionnelle (FRI) de la Société française de radiologie (SFR) et présentée le 6 octobre aux Journées francophones de radiologie (JFR 2024) par la radiologue parisienne Jessica Assouline, lève le voile sur les pratiques françaises dans ce champ émergent.
Une enquête sur l’activité 2023 simplifiée et numérisée
Si l’enquête annuelle d’activité de la FRI n’est pas nouvelle, son format a été revu : « Nous avons décidé de la simplifier et de passer à un format numérique, explique Jessica Assouline. Cette nouvelle enquête fait à peine quatre pages, avec des questions ciblées auxquelles il est plus facile et moins chronophage de répondre. » Avec cette enquête, la radiologue exerçant à l’hôpital Saint-Louis – AP-HP (75) rappelle que la FRI vise trois objectifs : disposer de données quantitatives pour défendre la RI auprès des tutelles, compléter les données du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) qui « tend à sous-estimer la place de la RI dans l’offre de soins », et mieux connaître l’état de la discipline en France aujourd’hui.
160 centres et 804 praticiens répondants
Au 6 octobre 2024, 160 centres avaient répondu à l’enquête sur leur activité de RI en 2023, ce qui correspondait à 804 radiologues interventionnels sur le territoire (dont environ 45 % dans le secteur privé) – « une augmentation conséquente par rapport aux années précédentes », note Jessica Assouline. Cette évolution s’explique en partie par l’inclusion des sénologues et neuroradiologues interventionnels dans l’enquête, indique-t-elle. Pour référence, le président de la FRI Vincent Vidal estimait l’an dernier dans nos colonnes qu’environ 2 000 radiologues interventionnels exerçaient en France (RI avancée + RI diagnostique), tandis que la radiologue Sophie Aufort, présente à cette session des JFR, évoque 1 500 radiologues compétents en RI avancée en France.
Gestes sous sédation et PDS surtout dans le public
Jessica Assouline a ensuite détaillé différentes métriques nationales, en comparant notamment public et privé. Elle a commencé par noter que 68 % des centres pouvaient programmer des gestes sous sédation ou anesthésie générale, avec un accès facilité à ces gestes dans le service public (77 % des centres publics vs 57 % des centres privés). « Concernant la permanence des soins (PDS), c’est le public qui participe le plus », indique-t-elle (51 % des centres répondants y participent : 63 % des centres publics vs 38 % des centres privés).
80 000 consultations de RI et 32 000 lits d’HDJ dédiés
L’enquête confirme l’importance des consultations : 85 % des centres privés et 85 % des centres publics proposent des consultations de RI, soit un total de 80 000 consultations en 2023 sur les 160 centres répondants. Concernant la prise en charge des patients, 53 % des centres disposent de lits d’hôpital de jour (HDJ) dédiés à la RI, surtout dans le public (58 % des centres) par rapport au privé (47 % des centres). Ces lits dédiés ont représenté en tout 31 899 séjours en 2023.
La RI pédiatrique reste publique et peu fréquente
Jessica Assouline a détaillé en outre la pratique de deux activités de RI particulières : la sénologie interventionnelle, réalisée dans 54 % des centres dans des proportions équivalentes entre privé et public, et la RI pédiatrique, bien plus rare (18 % des centres) et très centrée sur l’activité publique (28 % des centres publics la pratiquent vs 5 % des centres privés).
Des gestes de niveau 1 et 2 très pratiqués
La radiologue a ensuite embrayé sur la quantification des pratiques, en se focalisant sur trois familles d’actes : les « gestes de niveau 1 et 2 », les actes de RI oncologique, et les actes vasculaires non oncologiques. Sans surprise, les gestes de niveau 1 et 2 sont les plus déclarés par les centres répondants (cf tableau ci-dessous) : 94 % des centres déclarent faire des biopsies, 85 % des drainages, 82 % des infiltrations, et 59 % des procédures par accès vasculaire (« PICC-line, PAC, pose de cathéter pour les dialyses, etc. », précise Jessica Assouline).
Procédures (gestes de niveau 1 et 2) | Nombre d’actes en 2023 |
biopsies | 65 428 |
drainages | 11 470 |
infiltrations | 123 908 |
accès vasculaires | 30 997 |
L’oncologie « sans modèle viable » dans le privé
En comparaison, l’offre de RI oncologique est plus restreinte : 58 % des centres répondants ont réalisé des destructions tumorales percutanées, 55 % ont fait de la vertébroplastie, 43 % de la chimio-embolisation, et 19 % seulement de la radiothérapie interne sélective (SIRT). Contrairement aux gestes plus simples de RI, ces actes restent encore très majoritairement, voire exclusivement, l’apanage du public (cf tableau ci-dessous), ce qui s’explique par « l’absence de modèle économique viable pour ces actes aujourd’hui dans le privé », analyse Jessica Assouline.
Procédures (RI oncologique) | Nombre d’actes en 2023 | Proportion d’actes réalisée dans le public (en %) |
destructions percutanées | 6 581 | 89 % |
vertébroplasties | 4 741 | 63 % |
chimio-embolisations | 1 924 | 88 % |
SIRT | 1 048 | 100 % |
Actes vasculaires non oncologiques
Enfin, le volume des actes vasculaires non oncologiques est « très important », assure Jessica Assouline chiffres à l’appui (cf tableau ci-dessous). « 55 % des centres pratiquent l’embolisation d’hémostase, 54 % des centres font de l’embolisation parenchymateuse (utérus, prostate, etc.), et 38 % des centres font de l’angioplastie », énumère-t-elle.
Procédures (actes vasculaires non oncologiques) | Nombre d’actes en 2023 |
embolisations d’hémostase | 7 099 |
embolisations parenchymateuses | 6 579 |
angioplasties | 6 938 |
« On va continuer sur cette voie »
Pour Jessica Assouline, ces premiers résultats, encore consolidables, soulignent « un vrai succès du format numérique ; on va continuer sur cette voie ». « Remplir ces enquêtes est important pour faire valoir notre spécialité et la défendre, rappelle-t-elle en conclusion. Il faut qu’on montre qu’on est en croissance et qu’on a besoin de faire inscrire nos actes dans la CCAM. »
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