Julie Sage

« L’IRSN recommande de faire de la justification un enjeu prioritaire »

Julie Sage est membre de l’Unité d’expertise en radioprotection médicale au sein de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). En 2018, elle a rédigé un rapport qui propose des pistes d'amélioration pour garantir la justification des actes.

Le 05/04/19 à 11:00, mise à jour aujourd'hui à 15:08 Lecture 5 min.

Selon Julie Sage, le système de remboursement actuel n'encourage pas toujours la justification des actes d'imagerie. © C. F.

Docteur Imago / Pour l’IRSN, la notion de pertinence et la notion de justification sont-elles les deux faces d’une même médaille ?

Julie Sage / Pour l’IRSN, la justification est l’un des grands principes de la radioprotection, qui est notre champ de compétence. Nous considérons qu’une activité est justifiée au niveau de la radioprotection quand les avantages qu’elle procure au patient l’emportent sur les risques liés à l’exposition aux rayonnements ionisants. Ainsi, nous pouvons rapprocher la pertinence au sens général de cette notion de justification. C’est en cela que l’IRSN s’intéresse à la question de la pertinence : la pertinence des actes à travers la justification contribue à la radioprotection.

D. I. / En septembre 2018, l’IRSN a publié un rapport sur les recommandations relatives à la radioprotection en imagerie médicale dans lequel la question de la pertinence est très présente. Quelles sont ses conclusions ?

J. S. / Nous nous sommes penchés sur cette question à la demande de la Direction générale de la Santé et de la Direction de la sécurité sociale. Notre premier constat, que partagent tous les professionnels auditionnés, est que le nombre d’actes d’imagerie augmente. Cette hausse peut avoir différentes causes, notamment le vieillissement de la population et le développement de nouvelles indications cliniques, mais il apparaît qu’elle est aussi liée au dispositif de remboursement basé sur la tarification à l’acte. Combiné à la diminution successive des tarifs, ce système contribue à l’augmentation du nombre d’actes. Et parmi les actes supplémentaires, il y en a certainement qui sont injustifiés.

D. I. / En quoi le système de remboursement n’encourage-t-il pas la justification ?

J. S. / Il y a parfois des « injustices ». En imagerie pédiatrique, par exemple, un modificateur existe pour le scanner mais pas pour l’échographie et l’IRM. Cela peut donc pousser à aller vers des examens ionisants, alors qu’une écho ou une IRM pourrait être plus justifiée. Il y a également le fait que la justification est chronophage. Le radiologue doit prendre du temps pour comprendre le cas clinique et expliquer au patient, et éventuellement au médecin demandeur, pourquoi il ne voudra pas faire un scanner ou orienter vers un autre examen. Ce temps-là n’est pas pris en compte par le système de remboursement actuel. L’IRSN a émis des recommandations pour le faire évoluer, mais ce n’est pas à nous d’en décider. C’est un sujet qui concerne plutôt la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ou la Direction de la sécurité sociale. L’une des pistes qui nous évoquons serait de prendre en compte ce temps nécessaire à la substitution ou au refus d’actes, en le comptant comme une consultation.

D. I. / Parmi les dispositifs qui permettraient d’améliorer la pertinence des actes d’imagerie, vous citez le dossier médical partagé (DMP) et les PACS régionaux comme. En quoi sont-ils des outils efficaces pour éviter la redondance des examens ?

J. S. / Le DMP et les réseaux d’images partagés sont vraiment en lien avec la pertinence. Ils permettent d’améliorer la qualité de la demande et d’avoir les images radiologiques à disposition pour éviter les examens inutiles. Par exemple, aujourd’hui, si un patient n’a pas ses images avec lui, on va lui faire repasser un scanner alors qu’il en a déjà fait un qui aurait encore été utile. Concernant, les réseaux d’images régionaux, il y a des expériences menées en France. On voit qu’il y a des choses qui se mettent en place et c’est positif. Notre recommandation est de veiller à ce que cela puisse être cohérent à plus grande échelle. Pour chaque expérience qui se fait au niveau régional, on pourrait peut-être être plus efficace si on veillait à une cohérence au niveau national.

D. I. / L’IRSN recommande également d’encadrer la téléradiologie pour garantir la pertinence…

J. S. / La téléradiologie a de gros avantages et il est important qu’elle puisse être mise en place. Cependant, il est ressorti des auditions qu’elle peut potentiellement conduire à des dérives du point de vue de la justification si elle n’est pas bien encadrée. Certains professionnels ont soulevé la problématique du rythme des examens. En outre, si les examens sont réalisés en l’absence de radiologue et qu’en amont il n’y a pas eu de protocoles bien établis, les manipulateurs radio peuvent être amenés à faire des « protocoles maximaux », en misant sur une très bonne qualité d’image et en faisant une acquisition sur une zone plus large pour être sûrs que le radiologue dispose de toute l’information utile. Depuis la publication de notre rapport, le Conseil professionnel de la radiologie française (G4) a mis à jour sa charte de téléradiologie, en décembre 2018. Elle donne des pistes d’encadrement de l’activité. La préoccupation de la justification arrive en deuxième point. Cela montre donc que les radiologues sont très attentifs à cette problématique.

D. I. / Vous pointez également du doigt les sites internet de prise de rendez-vous médicaux. Quel est le problème ?

J. S. / Il me semble que jusqu’à maintenant, rien n’a été fait pour répondre à cette problématique. Imaginons qu’une personne qui n’a pas vu de médecin et qui souhaite passer un scanner réserve un créneau sur un site web de rendez-vous. Cela pourrait conduire à des dérives et certains professionnels nous ont alertés sur cette préoccupation. Pour pouvoir prendre rendez-vous sur un site internet, il faudrait pouvoir vérifier au minimum qu’il y a une demande d’examen de la part d’un médecin.

D. I./ Justement, le patient est souvent considéré comme un maillon essentiel de la pertinence. Est-il suffisamment sensibilisé à cela ?

J. S. / Le patient et les médecins contribuent à améliorer la pertinence. Cela veut dire qu’il faut de la formation et de la sensibilisation. Pour les médecins, il y a le Guide du bon usage des examens d’imagerie médicale, mais il est peut-être plus connu des radiologues que des autres médecins. Il faudrait donc développer la communication autour de cela. Les médecins peuvent aussi être amenés à céder aux pressions des patients qui réclament des examens. Sur cette problématique, un travail de communication a commencé avec l’accord passé entre la CNAM et la Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR). L’un des points concerne la lombalgie, avec des affiches à destination des patients. Cela permet de les sensibiliser, comme ce fut le cas il y a quelques années avec les antibiotiques.

Auteurs

Carla Ferrand

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