Radiologie de proximité

La télé-imagerie jette l’ancre à Belle-Île

À Belle-Île-en-Mer (Morbihan), l’hôpital Yves-Lanco abrite un service de radiologie et d’échographie à distance. Sur cette île de 5 000 habitants, les examens sont réalisés par un manipulateur radio en liaison avec un radiologue situé à plus de 1 000 km.

Le 03/07/17 à 15:00, mise à jour aujourd'hui à 15:11 Lecture 6 min.

Au service de radiologie de l'hôpital Yves-Lanco, à Belle-Île-en-Mer, les examens d'échographie sont réalisés et interprétés à distance par le radiologue Guy Benoit grâce à l'aide des manipulateurs et d'un robot. © C. F.

Le soleil brille sur la Bretagne en ce mois de juin. Au centre hospitalier Yves-Lanco de Belle-Île-en-Mer, seuls les bruits de perceuse viennent troubler le calme. Le site est en plein travaux en vue de l’ouverture d’un hôpital flambant neuf dans 18 mois. En attendant, le service de radiologie a pris ses quartiers dans l’ancienne morgue. « Nous ne sommes pas superstitieux », sourit Guy Benoit, le radiologue, qui communique par écran interposé.

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Le centre hospitalier Yves-Lanco, à Belle-Île-en-Mer, pratique la télé-échographie depuis avril 2016. © C. F.

Le radiologue peut intervenir à distance à tout moment

Le spécialiste se trouve en effet bien loin du Morbihan. C’est depuis le Var qu’il conduit et interprète les examens de téléradiologie et de télé-échographie de ses patients bretons. Pour l’échographie, la salle est équipée d’un appareil qui permet d’intervenir à distance à tout moment. Le médecin a accès au même écran que le manipulateur sur place. « Je peux prendre la main et faire des mesures, explique-t-il. J’ai exactement les mêmes possibilités que si j’étais près du malade. Je peux aussi me connecter à distance avec la sonde. »

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Au début de l’examen, le manipulateur attache la sonde sur le bras articulé du robot. © C. F.

Un examen à quatre mains

Au début de l’examen, le manipulateur attache la sonde sur le bras articulé du robot. Devant son poste de travail, le radiologue fait bouger sa propre sonde sur un tapis de souris et l’outil téléguidé, maintenu par le manip, bouge sur le corps du patient. Le radiologue explore le foie, la veine cave, et gèle l’image pour prendre des mesures. La différence avec un examen « normal » est que le médecin ne peut pas examiner son malade physiquement. « Les patients sont satisfaits, assure pourtant Christophe Kervazo, le manipulateur radio. Ils sont contents de voir nos têtes ! Ça les rassure car avant l’installation de la télé-échographie, les habitants allaient au cabinet du docteur Benoit à Quiberon. Ils le connaissent donc très bien. » Pendant les examens d’imagerie, les patients retrouvent ainsi un visage familier. « Je ne suis pas un inconnu sur Belle-Île car je venais aussi faire des échographies ici », ajoute le radiologue.

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Devant son poste de travail, le radiologue fait bouger sa propre sonde sur un tapis de souris et l'outil téléguidé, maintenu par le manip, bouge sur le corps du patient. © C. F.

Un binôme de 15 ans

Sur l’écran, le visage du médecin s’affiche face au patient. Ils peuvent ainsi converser normalement, grâce à une connexion sécurisée. « Je signale l’indication au docteur Benoit et l’examen commence, détaille Christophe Kervazo. Le patient peut intervenir à sa guise et le docteur répond à ses éventuelles interrogations. À la fin, le docteur Benoit évoque le résultat. On coupe le son pour qu’il fasse le compte rendu, et moi, je m’occupe du patient. » Les examens se déroulent avec fluidité car le radiologue et le manipulateur sont habitués à exercer ensemble. Leur collaboration en télé-imagerie tient presque de la télépathie. « Avec Christophe, nous œuvrons en binôme depuis une quinzaine d’années, explique Guy Benoit. Il connaît mes manières de travailler. En théorie, la personne qui manipule l’appareil n’est pas tenue d’être un professionnel de l’imagerie mais, en pratique, c’est plus agréable de travailler avec un collaborateur qui connaît le métier. »

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Le médecin a accès au même écran que le manipulateur sur place. © C. F.

Pas de surcoût pour le patient

Pour pouvoir faire des examens d’échographie, le manipulateur a suivi des formations en e-learning. « J’aimerais passer le DIU d’échographie, dit-il. L’avantage avec le diplôme c’est qu’à la limite, on pourrait se passer du robot. Je manipulerais la sonde et le docteur Benoit parlerait avec moi. » Pour le manipulateur, cette collaboration avec le médecin est valorisante : « Ça va dans le sens du transfert de taches par rapport à la pénurie de radiologues », note-t-il. Pour ce qui concerne la cotation, un acte de télé-échographie est semblable à un acte d’échographie normal. « Nous sommes en secteur 1. Nous appliquons donc strictement le tarif de la sécurité sociale, explique le radiologue. Les actes sont remboursés à 100 % si les patients sont pris en charge à 100 % ou s’ils ont une mutuelle. Pour le malade il n’y a aucun surcoût particulier. »

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Sur l'écran, le visage du médecin s'affiche face au patient. Ils peuvent ainsi converser normalement, grâce à une connexion sécurisée. © C. F.

Une nécessité pour les insulaires

À Belle-Île-en-Mer, petit bout de terre isolé du continent, la téléradiologie est nécessaire pour défricher les pathologies. Si un habitant a besoin de passer un scanner ou une IRM, il doit faire 45 minutes de bateau jusqu’à Quiberon, puis aller à l’hôpital de Vannes, à 50 km. Les cas les plus urgents y sont transportés par hélicoptère. La présence d’un service de radio et d’écho est donc très appréciée par les Bellilois. « Jamais un radiologue ne se déplacera jusqu’ici, déclare Christophe Kervazo. L’hôpital est trop petit : il y a dix lits de médecine et des urgentistes, c’est tout. Toutes les spécialités viennent du continent. » Deux manipulateurs sont présents en alternance quatre jours par semaine. « La télé-échographie a débuté en avril 2016. Avant, il n’y avait que de la radio », poursuit Christophe. Depuis, le nombre annuel de patients est passé de 1 500 à 6 000.

« Si nous n’avions pas mis ça en place, tout aurait fermé »

C’est pour maintenir une imagerie de proximité dans la région que Guy Benoit a créé le réseau de téléradiologie Medeor. Il compte aujourd’hui quatre cabinets dans le Morbihan et emploie sept radiologues. « Ce n’est pas une histoire économique mais de santé publique, explique-t-il. Si nous n’avions pas mis ça en place, tout aurait fermé. À Belle-Île et Quiberon, il n’y aurait plus d’installations. » Le radiologue, qui se décrit en figure de proue, peine à trouver un confrère pour prendre le relais de son activité en télé-échographie. En France, les interrogations sont encore nombreuses autour de la téléradiologie chez les médecins. Ils préfèrent être physiquement présents auprès de leurs patients et s’inquiètent de leurs responsabilités. Pourtant, Guy Benoit est sûr que la technologie va prendre de l’ampleur. « La télé-imagerie va se développer par obligation, mais il faut que ça reste français. L’objectif ce n’est pas d’envoyer des radios en Inde. »

Auteurs

Carla Ferrand

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