En France comme ailleurs, fixer un objectif d’effectif national de radiologues reste une gageure. Faut-il se baser sur la population totale ? Sur la charge de travail estimée par radiologue ? Sur la disponibilité en équipements d’imagerie ? Pour proposer une estimation pertinente des besoins en radiologues par pays européen, le projet EU-REST (acronyme de European union radiation, education, staffing & training study) [1] a travaillé de septembre 2022 à août 2024 à collecter et analyser les effectifs professionnels et la formation initiale des radiologues dans toute l’Union européenne (UE), afin d’en tirer des guidelines. Ces dernières sont parues en mars dans Insights into Imaging [2].
Un projet conduit par les sociétés européennes de professionnels
Commissionné et conçu par la Commission européenne, EU-REST a été conduit par un consortium regroupant les organisations européennes des professionnels impliqués dans l’utilisation médicale des rayonnements ionisants : la Société européenne de radiologie (ESR), la Fédération européenne des organisations de physique médicale (EFOMP), la Fédération européenne des sociétés de manipulateurs radio (EFRS), la Société européenne de radiothérapie et d’oncologie (ESTRO), et l’Association européenne de médecine nucléaire (EANM). À l’issue d’une première phase de travail, le consortium a évalué l’état actuel des effectifs et de la formation des radiologues dans les 27 pays membres de l’UE. Ces résultats ont été publiés le 15 mars dans Insights into Imaging [3].
Forte variabilité entre pays
Ces travaux ont permis de mettre en évidence une forte variabilité du nombre de professionnels par million d’habitants, allant de 51 en Bulgarie à 270 en Suède, avec une moyenne de l’UE à 127 et une médiane à 115. La France se situe juste au-dessus de la moyenne, à 131 radiologues par million d’habitants. La répartition en âge des professionnels varie fortement suivant les pays, de même que la durée de la formation d’un spécialiste en radiologie (de 4 ans à 6 ans), la formation en radioprotection, ou encore la densité en scanners et en IRM. L’Europe compte en moyenne 25 scanners et 16 IRM par million d’habitants. Pour la France, ces densités respectives sont de 19 et de 17.
Se baser sur la durée d’activité
Dans ce paysage hétérogène autant en densité de professionnels qu’en formation et offre d’équipements, les investigateurs du consortium ont pesé les pour et les contre de différentes méthodes d’évaluation des besoins nationaux en radiologues. À l’issue de cette analyse, ils ont recommandé une nouvelle unité de base pour estimer et calculer ces besoins : « l’heure de machine/système/activité ».
Équivalence activité/heures de travail
« L’idée sous-jacente à cette approche est de définir le nombre de radiologues nécessaires pour chaque heure de travail avec un certain type d’appareil de radiologie (IRM, scanner, échographie, angiographie, radiologie conventionnelle, fluoroscopie, etc.) ou d’activité hors analyse d’images (comme la participation à une réunion de concertation pluridisciplinaire) », expliquent les auteurs, qui proposent ainsi une équivalence en heures de travail pour chaque type d’activité radiologique, avec ou sans activité d’enseignement associée (cf tableau ci-dessous).
| Une heure… | … demande […] de travail à un radiologue certifié | … demande […] de travail en situation d’apprentissage (radiologue certifié + interne) |
| de présence d’un patient en salle de RI | 1 h 30 | 1 h 30 + 1 heure |
| d’utilisation de la salle d’IRM | 1 h 30 | 1 heure + 1 h 30 |
| d’utilisation de la salle de scanner | 1 h 30 | 1 heure + 1 h 30 |
| de présence d’un patient en salle de scanner interventionnel | 1 h 30 | 1 h 30 + 1 h 30 |
| d’utilisation de la salle de TEP | 1 h 30 | 1 heure + 1 h 30 |
| d’utilisation d’un appareil de radiologie conventionnelle | 30 minutes | 30 minutes + 30 minutes |
| de prise en charge d’un patient en fluoroscopie non interventionnelle | 1 heure | 1 heure + 1 heure |
| de prise en charge d’un patient en échographie | 1 heure | 30 minutes + 1 heure |
| de réunion d’équipe multidisciplinaire | 3 heures |
Non spécifié |
Pour y voir plus clair, la publication propose l’exemple du calcul des besoins en radiologues d’un département hospitalier de radiologie comportant une unité de RI, deux IRM, deux scanners, une TEP-TDM, deux appareils de radiographie, un appareil de fluoroscopie et quatre échographes. En se basant sur le tableau précédent de correspondance entre heures d’activité et heures de travail, les chercheurs évaluent que ce département aurait besoin de 19,14 radiologues pour que toutes les modalités tournent 8 heures par jour, 5 jours par semaine, et 50 semaines par an.
D’anciennes métriques rejetées
Les anciennes métriques pour évaluer les besoins nationaux en radiologues ont été abandonnées de manière argumentée. Ainsi de la population nationale, « une méthode grossière qui ignore de nombreux facteurs de confusion potentiels », selon les auteurs. Les auteurs listent également plusieurs points négatifs au fait de se baser sur la charge de travail pour déterminer un effectif professionnel national approprié. Enfin, la disponibilité en lits ou en équipements ne leur paraît pas non plus optimale pour se fixer des objectifs d’effectifs.
Harmoniser la formation sur les normes de l’ESR
Concernant la formation des professionnels européens, la publication appelle à harmoniser le contenu des apprentissages entre membres de l’UE, en se basant sur un cursus de spécialité de cinq ans utilisant l’European training curriculum (ETC) de l’ESR comme standard. L’ETC différencie trois niveaux de formation : les niveaux I (trois premières années de formation), II (années 4 et 5), et III (compagnonnage + surspécialisation).
Généraliser les formations de surspécialité
À l’issue du niveau II, le médecin est apte à être radiologue généraliste. Le niveau III permet de se surspécialiser en un ou deux ans : il existe par exemple déjà en France en RI, sous la forme de l’option de radiologie interventionnelle avancée. La publication recommande de généraliser ces dispositifs de formation aux différentes surspécialités radiologiques, en basant leurs programmes sur ceux sponsorisés par les sociétés de surspécialité correspondantes et sur le niveau III de l’ETC.
« L’harmonisation peut et doit être accélérée »
« Le projet EU-REST a révélé de grandes différences entre les 27 États membres de l’UE en termes de disponibilité de la main-d’œuvre radiologique, de normes et de durée d’éducation et de formation, concluent les auteurs. Bien que des progrès aient été accomplis dans la normalisation de la durée et des programmes de formation des radiologues, l’harmonisation peut et doit être accélérée, en suivant les recommandations claires formulées ci-dessus. Cela garantira que les normes professionnelles sont similaires dans toute l’Union européenne, améliorant ainsi les soins aux patients et permettant une meilleure mobilité professionnelle. »

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