Docteur Imago / La thrombectomie a prouvé ses bénéfices pour la prise en charge de l’AVC. Comment s’est-elle développée ?
Jérôme Berge / Quand j’ai commencé en 1992, nous faisions une centaine de procédures par an dans notre CHU. Cette année, nous en ferons presque 1 000. Cela se développe énormément. Dans les années quatre-vingt-dix, le traitement de référence pour l’AVC était la fibrinolyse intraveineuse. On sentait que la thrombectomie allait devenir importante, mais dans notre système de médecine, il faut prouver les choses. La bascule a eu lieu en 1995, quand cinq séries internationales ont montré que l’on sauvait beaucoup plus de patients en allant déboucher l’artère dans les six heures qu’en se contentant d’une fibrinolyse par voie veineuse. Il y a eu une conjonction de facteurs qui ont permis de faire cette bascule. C’est vraiment une révolution incroyable dans le domaine de la neuroradiologie. On a rarement vu un tel bouleversement dans le traitement d’une maladie.
D. I. / Quels sont les projets actuels pour faire bénéficier les patients de cette méthode ?
J. B. / La DGOS a mandaté la Société française de neuroradiologie (SFNR) et la Société française neurovasculaire (SFNV). Elles ont pour mission de réaliser un maillage territorial qui permettra à tous les patients de bénéficier d’une thrombectomie dans un délai raisonnable. En 2017, 38 CHU sont dotés d’un service de neuroradiologie interventionnelle. Une douzaine de nouveaux centres doivent ouvrir dans les cinq prochaines années à Annecy, Bayonne, Boulogne, Fort-de-France, La Rochelle, Pau, Perpignan, Valence, Valenciennes et Vannes.
D. I. / En 2016, il y a eu 56 % de thrombectomies en plus par rapport à 2015. Comment les services peuvent-ils absorber cette hausse d’activité ?
J. B. / L’année dernière, il y a eu 4 589 AVC traités par thrombectomie. On va rapidement monter à 6 000 ou 7 000. Il va donc falloir renforcer les équipes. Les centres doivent pouvoir assurer une astreinte 7j/7 et 24h/24. Pour cela, chaque équipe des gros CHU doit compter au moins cinq médecins. Il est donc très important d’anticiper et de former des praticiens pour les nouveaux centres. Il faut aussi organiser des campagnes d’information, comme l’a fait l’Union nationale des internes en radiologie (UNIR), pour susciter des vocations. Actuellement, les 38 CHU comptent 110 neuroradiologues interventionnels seniors. Si l’on veut des équipes suffisantes, il faudrait que nous soyons 200 d’ici trois ans.
D. I. / Ce besoin est-il compris par les autorités de tutelle ?
J. B. / Avec la thrombectomie, on a une chance sur deux d’épargner un handicap au patient. Avec la fibrinolyse, c’était une chance sur six. En outre, le gain médicoéconomique se chiffre en centaines de millions d’euros. Ce traitement est une économie énorme pour la Sécurité Sociale. En contrepartie, les agences régionales de santé devraient jouer leur rôle. Or, pour l’instant, on ne forme pas assez de gens. Dans certaines régions, il n’y a pas encore eu cette prise de conscience.
D. I. / Quelles sont les formations en neuroradiologie interventionnelle ?
J. B. / Il y a deux filières. L’une est soumise à un décret. L’interne suit sa formation initiale, valide le DIU et va faire son clinicat ou un assistanat de deux ans en neuroradiologie interventionnelle dans l’un des 38 CHU. Nous souhaiterions étoffer nos capacités de formation, avec un poste de chef de clinique et un poste d’assistant par CHU. L’autre filière consiste à former des radiologues qui font déjà de l’interventionnel et qui savent faire du cathétérisme pour les « upgrader » afin qu’ils puissent faire de la thrombectomie.
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